Europe : la faillite morale
Les prémices : le 7 octobre 2023, frontière nord de Gaza, il y a vacance du système d’alerte israélien et des forces de sécurité frontalières ; une attaque rudimentaire du Hamas sur Israël rencontre un évènement festif et elle évolue en massacre accompagné d’atrocités et d’une prise d’otages. Sombre ironie dans cette tragédie, nombre de victimes appartiennent à la frange de la population d’Israël favorable au dialogue avec les palestiniens.
A partir de ce terrible évènement, le gouvernement israélien (qui a sa part de responsabilité dans l’exceptionnelle négligence frontalière) s’applique à la destruction méthodique, patiente, calculée d’une population de plus de deux millions d’habitants. (Au jour où j’écris ces lignes, 695ème de l’hécatombe, pas une journée sans victimes, en comptant celles, différées, dans les vestiges des hôpitaux, des écoles ou des habitations.) L’atrocité vient cette fois d’une longue patience dans les formes de destruction, dans le ciblage des forces vives d’un peuple et de ses moyens d’existence, dans un racisme non déguisé qui s’exprime sur le corps même des victimes : prisonnières et prisonniers, journalistes, patientes et patients des hôpitaux, personnel soignant, journalistes encore, enfants des écoles, enfants des rues, médecins, déplacées et déplacés dans une urgence toujours renouvelée de camps de toile en camps de fortune, hommes, femmes, enfants, suppliciés des alertes, du saccage, de la faim, des deuils. Combien de tombeaux non révélés dans les décombres ? Combien de vies atrophiées parmi les survivants ?
Il n’y a pas eu de réactions à cette situation : ni au niveau de l’Union européenne, ni à celui des différentes nations d’Europe (sauf, symboliques, et cela compte, pour quelques pays : Espagne, Irlande, Norvège, Portugal, Turquie, la France se distingue par une reconnaissance toujours différée de la Palestine). Ce qui a prévalu est la poursuite des affaires, vente d’armes comprises, avec Israël, un alignement silencieux sur le soutien massif des administrations démocrate, puis républicaine des États Unis en armement toutes catégories participant au massacre. Et, dans plusieurs pays, la répression des mouvements d’indignation provoquée par cette situation génocidaire. Pas de protestations non plus contre les sanctions prises par les États-Unis à l’encontre des juges de la Cour pénale internationale ; voire une complicité de fait (comme pour la France) en laissant des inculpés transiter par le territoire national.
Les dirigeants européens, institutionnels de l’Union ou chefs d’État ou de gouvernement, se prévalent dans leurs déclarations d’une autorité morale. Celle, peut-être, qu’exigeraient leurs mandats ! Mais nous ne constatons pas dans leur parcours matière à cette prétention. Ce qui apparait actuellement, vu du plancher européen et sans doute de celui du Sud global, c’est le spectacle affligeant, par de là les rodomontades, de la vassalité et de l’hypocrisie. L’Europe institutionnelle, celle des positions équivoques, des actifs dissimulés, du double langage et des silences assourdissants, ne sortira pas indemne de sa complicité implicite dans l’activité génocidaire en cours.