Le dimanche 1er juin, les services secrets ukrainiens ont opéré une extraordinaire opération sur le territoire russe visant les bases de bombardiers stratégiques jusque très à l’est en Sibérie. Celle-ci n’a pu être réalisée qu’avec le concours (difficilement quantifiable) du renseignement américain. Pour ce qui est du gain que peut en attendre l’armée ukrainienne dans le conflit en cours, il est négligeable, ces avions n’y intervenant pas, ou peu. Pour la population ukrainienne des secteurs ciblés par la riposte russe, cela a été une nouvelle nuit d’effroi.
L’attaque sur les bases russes réalisée en collaboration des services ukrainiens et américains n’est pas une première. Le sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2, le 26 septembre 2022, (alors étrangement attribué aux russes selon certaines sources) est à présent généralement reconnu comme pensé aux Etats Unis et réalisé par l’Ukraine avec un soutien logistique probable d’un (ou plusieurs) pays de l’OTAN (la Norvège).
L’OTAN a été créé en réponse au Pacte de Varsovie. Celui-ci a été rompu avec la promesse d’une mesure analogue pour l’Alliance Atlantique. Cependant, depuis la chute de l’URSS, les bases de l’OTAN se sont multipliées jusqu’aux frontières de la Russie. Depuis le début du XXIème siècle, les chancelleries occidentales ont considéré comme quantité négligeable les signes de nervosité croissante du pouvoir russe face à l’extension à l’est de leur dispositif militaire (suivant celui de leurs intérêts économiques).
Les frontières actuelles de l’Ukraine résultent à la fois de l’histoire mouvementée de la première moitié du XXème siècle et de dispositions bureaucratiques du pouvoir soviétique : d’où l’importance de la population russophone en Ukraine au moment de la dissolution de l’URSS le 26 décembre 1991, population qui n’est pas "venue" en Ukraine, mais qui s’est trouvée intégrée, administrativement, à l’intérieur des frontières ukrainiennes (à la différence de la situation, par exemple, des Etats Baltes).
L’issue de ce conflit ne pourra se faire que par une négociation entre l’Ukraine et la Russie prenant en compte les différentes composantes de la population ukrainienne, (dont la russophone et la tatare). La position de certains pays d’Europe occidentale (particulièrement la France, le Royaume Uni et l’Allemagne, dont les cercles économiques ont des intérêts en Ukraine), est "jusqu’au-boutiste" (jusqu’au dernier des ukrainiens, semble-t-il). Celle des Etats Unis, traditionnellement très offensive vis à vis de la Russie, est devenue ambiguë depuis l’accession à la présidence de Donald Trump. Si cette négociation n’advient pas réellement, et n’aboutit pas, va perdurer une situation où l’aventurisme peut aboutir à une conflagration mondiale.
Comment a été prise la décision de l’opération du 1er juin ? L’Histoire ne manque pas de situations de crise que des intérêts particuliers et influents ont fait basculer, à la suite d’incidents mineurs ou de provocations, dans des conflits dévastateurs pour les peuples. L’opinion publique française a été amenée depuis deux décennies par la plupart des médias, en l’absence d’un antagonisme réel mais avec un succès certain, sur une position très antirusse. Plus gravement : les cercles du pouvoir européen manifestent une ignorance volontariste du précédent historique de la région et dénoncent frénétiquement "la menace russe" : ce pays n’a pourtant pas fait la démonstration d’une grande capacité offensive.
Le bruit des tambours est une méthode éprouvée pour canaliser les mécontentements populaires. C’est ainsi que s’amorcent les guerres dont les perdants sont toujours les peuples.