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Billet de blog 1 octobre 2009

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La Poste : le combat ne s’arrête pas au changement de statut

Le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales, qui devrait être examiné par les députés à l'automne, suscite de grandes inquiétudes. Selon Benoit Thirion, co-rapporteur du groupe de travail de Terra Nova sur le service public, les conséquences du changement de statut de La Poste en lui-même mériteraient d'être nuancées. En revanche, le projet du Gouvernement fait l'impasse sur les questions essentielles que sont la définition, le financement et la régulation du service public, et doit à ce titre être combattu.

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Le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales, qui devrait être examiné par les députés à l'automne, suscite de grandes inquiétudes. Selon Benoit Thirion, co-rapporteur du groupe de travail de Terra Nova sur le service public, les conséquences du changement de statut de La Poste en lui-même mériteraient d'être nuancées. En revanche, le projet du Gouvernement fait l'impasse sur les questions essentielles que sont la définition, le financement et la régulation du service public, et doit à ce titre être combattu.



La Poste doit évoluer pour s'adapter à la complète libéralisation des services postaux en Europe d'ici le 1er janvier 2011 et au développement des nouvelles technologies, tout en assurant le maintien d'un service public de qualité sur tout le territoire national.

Face à ces enjeux cruciaux, le Gouvernement se borne à proposer un changement de statut de La Poste en société anonyme à capitaux entièrement publics, dans le but de renforcer ses fonds propres.

Dans ce débat, marqué par la « consultation nationale » organisée par un collectif de syndicats, d'associations et de partis politiques du 28 septembre au 3 octobre, la Gauche doit adopter une démarche ambitieuse en identifiant les réels enjeux et en utilisant les marges de manœuvre existantes. Or, si les oppositions les plus fortes se cristallisent autour du changement de statut de La Poste, l'importance de cette mesure pour l'avenir du service public postal n'est en réalité que

Un renversement de perspective est nécessaire : ce n'est pas tant la nature publique ou privée de la structure en charge du service public qui compte que l'identification et la satisfaction des besoins auxquels doit répondre le service public. Or, à cet égard, le projet du Gouvernement est d'une grave faiblesse.

La Gauche doit donc proposer les avancées sans lesquelles La Poste ne saurait assurer ses missions de service public dans des conditions satisfaisantes et pérennes. Le contenu du service public, d'abord, mérite d'être réexaminé, afin de consacrer, en concertation avec les usagers et les collectivités territoriales, de nouveaux droits. Le financement du service public, surtout, doit être impérativement repensé, en particulier pour le service universel et la contribution à l'aménagement du territoire, pour lesquels les fonds destinés à compenser les surcoûts supportés par La Poste ne disposeront pas de ressources suffisantes. La régulation du service public, enfin, nécessite de mieux associer les usagers, et d'intégrer la dimension de plus en plus européenne du marché postal.


L'examen au Parlement du projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales et l'organisation, à l'initiative de syndicats, associations et partis politiques, d'un référendum du 28 septembre au 3 octobre 2009, posent la question de l'avenir du plus ancien et du plus emblématique de nos services publics.

Ce débat intervient alors que le service public postal connaît d'importantes évolutions. Les services postaux, progressivement libéralisés depuis la 1ère directive postale du 15 décembre 1997, doivent être totalement mis en concurrence d'ici au 1er janvier 2011, en application de la 3ème directive postale du 20 février 2008. Or, s'il est vrai que l'émergence d'un concurrent de nature à rivaliser avec La Poste dans le domaine de la distribution du courrier sur tout le territoire national (le fameux « dernier kilomètre ») est peu probable, le développement d'autres opérateurs sur des segments de marché plus lucratifs peut être déstabilisant pour La Poste, qui reste en charge du service public. Les nouvelles technologies obligent par ailleurs La Poste à repenser son fonctionnement et ses services. Dans le même temps, le maintien d'un service public de qualité sur tout le territoire national est plus que jamais une exigence incontournable.

Dans ce contexte, les besoins d'investissements minimaux de La Poste ont été évalués par la Commission Ailleret sur le développement de La Poste à 6,3 milliards d'euros, alors que, fin 2008, le Groupe avait 1,7 fois plus de dettes que de fonds propres. Le résultat net du groupe La Poste était de 529 millions d'euros en 2008, en recul de 44% par rapport à 2007. Aussi, pour La Poste, le statu quo constitue une impasse.

Le Gouvernement, pour renforcer La Poste, propose une seule et unique mesure, qui passe en grande partie à côté des enjeux réels du débat : le changement de statut. Le projet de loi déposé au Sénat le 29 juillet 2009 comporte en effet deux titres d'inégale importance. Le 1er titre concerne le changement de statut de La Poste : d'établissement public industriel et commercial (EPIC), La Poste deviendrait une société anonyme (SA) dont le capital social serait détenu à 100% par l'Etat ou par des investisseurs publics (à l'exception de la part du capital pouvant être détenue au titre de l'actionnariat des personnels). L'Etat et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) souscriraient à une augmentation de capital à hauteur de 2,7 milliards d'euros. La Poste resterait donc, à ce stade du moins, une entreprise publique. Le rappel par la loi des missions de service public de La Poste et l'octroi de garanties aux fonctionnaires de La Poste accompagnent ce changement de statut. Le second titre procède à la transposition de la 3ème directive postale, en prévoyant la libéralisation totale des services postaux au 31 décembre 2010. Transposition a minima qui maintient essentiellement le dispositif déjà en vigueur.

Face à ce projet, la Gauche ne doit pas se tromper de combat : si le changement de statut de La Poste concentre toute l'attention, sa portée pour l'avenir du service public postal n'est en réalité que secondaire par rapport à l'absence de mesures portant sur la définition, le financement et la régulation du service public.

1 - LE CHANGEMENT DE STATUT DE LA POSTE : UNE EVOLUTION MENEE DANS DES CONDITIONS CRITIQUABLES

La transformation de La Poste d'EPIC en SA à capitaux publics suscite les oppositions les plus fortes, reposant sur la crainte - fondée - que La Poste ne devienne qu'une entreprise commerciale comme les autres, orientée exclusivement vers le profit et perdant de vue ses missions de service public. En elle-même, la portée technique de cette transformation mérite toutefois d'être nuancée. Ce sont les conditions politiques dans lesquelles elle intervient qui conduisent à rejeter son opportunité.

1.1 - UNE REFORME TECHNIQUEMENT ACCEPTABLE

L'examen des conséquences concrètes de la transformation de La Poste en SA sur le fonctionnement et le financement de La Poste conduit à considérer qu'un tel changement de statut pourrait être acceptable sous certaines conditions.

Le changement de statut a pour première série de conséquences de modifier les règles de fonctionnement de La Poste, en soumettant en principe l'entreprise au droit privé.

L'importance de ces modifications peut toutefois être nuancée. En effet, en tant qu'EPIC, La Poste est déjà en partie soumise aux mêmes règles que les entreprises publiques de droit privé. A titre d'exemple, elle peut recruter des agents soumis au Code du travail, et elle relève, comme toutes les entreprises dans lesquelles l'Etat détient une participation, du contrôle de l'Agence des participations de l'Etat (APE), qui assure les fonctions de l'Etat actionnaire. De plus, rien n'empêche le législateur de déroger au statut des SA en reprenant pour La Poste SA celles des règles applicables à La Poste EPIC qui seraient justifiées par les nécessités de son bon fonctionnement. On pense notamment aux garanties qui doivent être données aux fonctionnaires, dont les craintes sont tout à fait légitimes.

Par ailleurs, le changement de statut peut présenter certains avantages pour le fonctionnement de La Poste, au moins d'un point de vue théorique. En effet, il permet de s'extraire de contraintes issues du statut d'EPIC, telles que le principe de spécialité, même s'il faut ajouter que ce dernier est interprété de façon extrêmement souple. En outre, il permet de lever les doutes sur la compatibilité du statut de La Poste avec le droit communautaire. Car, s'il est faux de dire, comme a pu le faire le ministre de l'industrie Christian Estrosi, que la mise en concurrence des activités postales impose le changement de forme juridique de La Poste, il n'en reste pas moins que le statut d'EPIC est contesté (à tort ou à raison) par la Commission eu-ropéenne, sur le terrain des aides d'Etat (l'impossibilité pour un EPIC de faire faillite équivaudrait selon elle à une garantie générale et illimité portant sur l'ensemble de ses engagements, constitutive d'une aide d'Etat).

Mais, au-delà de l'impact sur les règles de fonctionnement, le changement de statut de La Poste modifie surtout ses règles de financement.

Il rend possible l'ouverture du capital de La Poste, qui s'ajoute ainsi aux modes de financement disponibles pour un EPIC (endettement et participation publique aux investissements, notamment). Il facilite également la conquête de parts de marchés à l'étranger, qui passe le plus souvent par des alliances capitalistiques ou des prises de participation. En eux-mêmes, ces changements peuvent s'avérer a priori avantageux pour l'entreprise.

Il est vrai que cette plus grande souplesse financière peut susciter la crainte que l'Etat ne maîtrise plus l'évolution de l'entreprise, au profit d'actionnaires privés cherchant à maximiser leurs dividendes.

Cette préoccupation ne doit néanmoins pas conduire à rejeter par principe le changement de statut de La Poste, qui, il faut le rappeler, n'équivaut pas, en lui-même, à une privatisation. D'une part, l'Etat majoritaire au capital, même s'il n'est plus le seul actionnaire de l'entreprise, n'en dispose pas moins de moyens importants pour contrôler son évolution, à travers, notamment, la présence de ses représentants dans les organes de direction et l'APE. D'autre part, le cas échéant, la privatisation de La Poste ne pourra intervenir sans une nouvelle loi, et donc sans un nouveau débat, dans lequel la Gauche aura à faire valoir ses positions.

Dans ces conditions, loin d'être rendu obsolète par le changement de statut, le contrôle de l'Etat et de la représentation nationale doit au contraire être renforcé. Ainsi, le choix des modes de financement nécessite d'être étroitement examiné, en exigeant la démonstration, au cas par cas, de l'avantage comparatif du mode de financement choisi. De même, les stratégies financières et industrielles mises en œuvre par l'entreprise ne doivent pas être laissées à la discrétion des dirigeants de l'entreprise, mais l'Etat actionnaire doit pleinement assumer son rôle.

Plus généralement, il apparaît aujourd'hui nécessaire de sortir d'une vision trop institutionnelle du service public, et de privilégier une démarche fonctionnelle à une démarche organique.

1.2 - UNE REFORME POLITIQUEMENT CONTESTABLE

Pourtant, et là est l'essentiel, le changement de statut tel que le présente aujourd'hui le Gouvernement pour La Poste intervient dans des conditions qui font largement douter de sa pertinence.

D'abord, il ne paraît pas justifié par des impératifs de développement de La Poste. Il y a seulement deux ans, le Président du groupe La Poste, Jean-Paul Bailly, affirmait ainsi que « la forme juridique de La Poste n'est absolument pas un frein à sa modernisation et à sa préparation pour l'ouverture à la concurrence ». Si la Commission Ailleret pour le développement de La Poste a, entre temps, appelé à procéder au changement de statut, elle n'a en rien démontré en quoi cette évolution était vraiment nécessaire. Ainsi, personne ne conteste que La Poste n'a pas besoin d'un changement de statut pour réformer son organisation et son fonctionnement. Aucune analyse convaincante n'a été avancée pour démontrer que, dans le contexte actuel, une ouverture de capital présente des avantages par rapport aux autres modes de financement possibles de La Poste, tels que l'endettement ou l'investissement public. La conquête de marchés étrangers ne semble pas non plus, à l'heure actuelle, une priorité pour La Poste, la Commission Ailleret ayant elle-même appelé dans son rapport à la plus grande prudence à cet égard.

Ensuite, on peut douter que de la volonté politique du Gouvernement de satisfaire la condition sans doute la plus déterminante pour qu'un changement de statut soit réussi : la maîtrise de l'évolution de l'entreprise par l'Etat, à travers son rôle d'actionnaire majoritaire. Il ne faut notamment pas être dupe des promesses du Gouvernement garantissant que le capital social de La Poste restera à 100% public et excluant toute privatisation. Les évolutions de France Télécom et de GDF ont bien montré que, en dépit des dénégations, l'ouverture de capital était souvent la première étape vers la privatisation des entreprises publiques. Il est donc à craindre que l'intention du Gouvernement, qui ne propose, en réalité, aucune avancée réelle, soit au fond de démanteler peu à peu le service public postal. Dans ces conditions, changer le statut de La Poste fait, en quelque sorte, sauter un « verrou » qu'il vaut sans aucun doute mieux laisser fermer.

Enfin, réformer une entreprise aussi importante que La Poste - par son poids économique et social et par sa place dans la vie quotidienne des Français - ne peut se faire sans rassembler un consensus auprès de ses employés et des usagers. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Loin de là : le Gouvernement, après avoir refusé tout référendum, semble vouloir passer en force au Parlement.

Ainsi, dans la mesure où il n'a pas été réellement justifié et qu'il ne s'accompagne pas de garanties suffisantes, le changement de statut proposé par le Gouvernement doit être rejeté.

Toutefois, en tout état de cause, aussi forte que soit l'opposition au changement de statut tel que proposé par le Gouvernement, le débat ne doit en aucun cas s'arrêter à cette question. En effet, ce n'est pas tant la nature publique ou privée de la structure en charge du service public qui compte que la définition et le contrôle des missions qu'elle doit assurer. Or, sur ce point, le projet du Gouvernement relatif à La Poste est d'une grave faiblesse.

2 - LES ENJEUX ESSENTIELS DU DEBAT : LA DEFINITION, LE FINANCEMENT ET LA REGULATION DU SERVICE PUBLIC POSTAL

Une démarche ambitieuse de réforme du service public passe par un renversement de perspective : plus que l'institution en charge du service public, ce sont les besoins - des usagers et des territoires - qui doivent être au cœur de la réflexion sur le service public postal : quels sont les besoins à satisfaire ? comment les financer ? comment les piloter ? Ces questions fondamentales renvoient concrètement à la définition, au financement et à la régulation de ce service public.

Pourtant, ces trois aspects déterminants ne sont que très peu abordés par le projet de loi, qui se contente de maintenir le cadre actuel, pourtant insatisfaisant, et de transposer a minima la 3ème directive postale. Aussi, l'enjeu du débat doit être d'utiliser les marges de manœuvre existantes pour proposer les avancées sans lesquelles La Poste ne saurait assurer ses missions de service public dans des conditions satisfaisantes et pérennes.

2.1 - ETOFFER LA DEFINITION DU SERVICE PUBLIC

La Poste est en charge de quatre missions de service public, consacrées et définies depuis la loi du 20 mai 2005 : le service universel postal, entendu en droit communautaire comme une « offre de services postaux de qualité déterminée fournis de manière permanente en tout point du territoire à des prix abordables pour tous les utilisateurs », la contribution, par son réseau de points de contact, à l'aménagement et au développement du territoire, le transport et la distribution de la presse, et l'accessibilité bancaire.

Se borner, comme le fait le projet du Gouvernement, à rappeler ces missions et à maintenir leur définition actuelle, est indispensable, mais insuffisant. Tout en conservant les droits existants, de réelles avancées pourraient être réalisées, en concertation avec les usagers et les collectivités territoriales, en consacrant de nouveaux droits, correspondant aux besoins réels que doit satisfaire le service public postal.

A titre d'exemple, concernant le service universel, d'autres droits s'ajoutant aux droits actuels (tels que la péréquation tarifaire ou la levée et la distribution six jours sur sept sur tout le territoire) pourraient être examinés. On peut penser, entre autres, aux horaires d'ouverture des bureaux de poste, ou aux services offerts par le postier lors de la distribution du courrier (avec, par exemple, des exigences de qualité de la distribution).

De plus, concernant la contribution à l'aménagement et au développement du territoire, le chiffre de 17000 points de contacts sur tout le territoire, qui correspond au réseau actuel mais est menacé, pourrait être consacré, et leurs modalités d'implantation rediscutées.

2.2 - GARANTIR LE FINANCEMENT DU SERVICE PUBLIC

Etonnamment, le projet du Gouvernement ne fait rien pour répondre au principal danger qui menace La Poste : le financement du service public, et plus précisément du service universel et de la contribution à l'aménagement et au développement du territoire.

S'agissant du service universel, une source de financement se tarit avec l'ouverture totale à la concurrence au 31 décembre 2010 : le domaine réservé (constitué depuis le 1er janvier 2006 des services portant sur les envois de correspondance d'un poids ne dépassant pas 50 grammes et d'un prix inférieur à deux fois et demie le tarif de base), dont les revenus pouvaient en partie, jusqu'à présent, participer au financement des missions de service universel.

L'alternative à ce financement, le fonds de compensation du service universel postal, qui peut être mise en œuvre à la demande de La Poste, est clairement insuffisante dans les conditions actuelles, car ce fonds ne disposera pas de ressources suffisantes. Il est alimenté, en théorie, par une contribution recouvrée auprès des opérateurs postaux, au prorata du chiffre d'affaires réalisé sur le marché du courrier (le projet de loi parle des « envois de correspondance ») dans le champ du service universel. Cependant, en pratique, si ce fonds était effectivement mis en place, La Poste en serait le principal contributeur.

Pour sortir de cette impasse, deux améliorations du système existant pourraient être proposées : élargir le champ des activités dont le chiffre d'affaires est pris en compte pour calculer la contribution au fonds, et revoir les exemptions prévues par la loi, afin que les opérateurs faisant le choix d'exploiter certaines niches lucratives participent, même s'ils sont de taille modeste, au financement du service universel.

S'agissant de la contribution à l'aménagement et au développement du territoire, les surcoûts engendrés par cette mission pour la Poste doivent également être compensés par un fonds postal national de péréquation territoriale, alimenté par des ressources provenant notamment de l'allègement de la fiscalité locale de 85% dont bénéficie La Poste. Mais il est unanimement reconnu, y compris par la Commission Ailleret sur le développement de La Poste, que les ressources de ce fonds ne sont ni suffisantes, ni pérennes, dans le contexte de la réforme de la fiscalité locale. Le projet de loi est pourtant désespérément muet à ce sujet.

A cet égard, la Gauche devrait, sur le modèle du financement du service universel, proposer de mettre à contribution l'ensemble des opérateurs postaux. La directive européenne l'y autorise, dans la mesure où, service universel et aménagement du territoire étant étroitement associés en droit communautaire, les même modalités de financement pourraient être adoptées.

Dans tous les cas, il est de la responsabilité de l'Etat de combler le déficit de compensation résiduel des missions de service public de La Poste, par des subventions directes, compatibles avec le droit européen.

Le risque de l'absence de réforme est aussi élevé qu'inacceptable : la compensation des surcoûts du service public par l'introduction d'une redevance pour les utilisateurs (en d'autres termes, une hausse des tarifs, pouvant s'accompagner d'une différenciation en fonction des coûts). Il faut écarter avec force cette éventualité, qui remettrait en cause l'égalité d'accès de tous au service postal.

2.3 - ASSOCIER LES USAGERS ET L'EUROPE A LA REGULATION DU SERVICE PUBLIC

Depuis la loi du 20 mai 2005, le secteur postal est régulé, comme les autres activités de réseaux ouvertes à la concurrence, par une autorité de régulation indépendante disposant de larges pouvoirs, l'ARCEP, et par d'autres instances auxquelles sont assez largement associées les collectivités territoriales.

Mais il est un grand absent de la régulation postale en France : l'usager. Le projet de loi ne prévoit qu'une timide avancée à cet égard, en donnant compétence à l'ARCEP pour statuer sur des réclamations qui n'auraient pas été satisfaites par les opérateurs postaux.

Il est pourtant indispensable d'aller plus loin : l'usager doit être placé au cœur de l'évolution du service public postal. La Gauche doit donc proposer de mieux associer les usagers à la régulation, en renforçant, par exemple, la présence de leurs représentants au conseil d'administration de La Poste et dans les instances de régulation, et en imaginant une régulation plus proactive.

A plus long terme, il est également nécessaire de s'interroger sur l'émergence d'une régulation européenne des services postaux. Il n'existe en effet aujourd'hui aucune interrégulation européenne, sans même parler d'une autorité de régulation européenne, alors même que l'ouverture des services postaux à la concurrence a pour objet d'achever le marché intérieur.

Ainsi, le projet du Gouvernement relatif à La Poste n'est pas, en l'état, acceptable. Non seulement parce qu'il transforme le statut juridique de La Poste sans justifications et garanties suffisantes mais surtout parce qu'il n'aborde pas les véritables enjeux que sont la définition, le financement et la régulation du service public. A la Gauche de permettre les avancées assurant l'avenir du service public postal, qui demeure au cœur des attentes des citoyens et des besoins des territoires.

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