La chute que connaissent les cours du lait (29 % en glissement annuel pour 2009) est en partie due à une baisse de la consommation et des exportations. Mais elle est aussi liée à la décision de mettre un terme à la pratique de la recommandation nationale sur le prix du lait émise par le CNIEL. Enfin, cette crise s'inscrit dans contexte tendant vers une dérégulation de la production laitière en Europe.
Le secteur laitier est en crise : en glissement annuel, la chute des prix du lait de vache a atteint 29 %. Cette crise est en partie liée à une baisse de la consommation et des exportations. Mais elle s'explique aussi par la récente décision de mettre fin aux pratiques du CNIEL, qui régulait les prix du lait. Après de nombreuses protestations par les producteurs, une réunion de crise doit se tenir ce 2 juin en urgence.
Mais cette crise s'inscrit aussi dans une situation européenne préoccupante : la Présidence Française de l'Union Européenne n'a pas pu enrayer la suppression des quotas laitiers en 2015. Cette évolution ne peut qu'aboutir à la dérégulation de la production laitière européenne.
1 - SITUATION EN FRANCE
Le secteur laitier est touché de plein fouet par une forte chute des cours liés à une baisse de la consommation, et à une baisse des exportations sur le marché mondial de la poudre de lait et du beurre.
Le prix du lait était fixé ces dernières années au sein de l'interprofession, le CNIEL, qui émettait une recommandation nationale, revue chaque année, à laquelle chacune de ses composantes (industriels, coopératives et producteurs) se pliait.
Mais cette pratique a malheureusement dû cesser en 2008 à la demande de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour entrave à la concurrence, une décision qualifiée « d'énorme bêtise » par Jean-Michel Lemétayer, le président de la FNSEA.
Depuis, les discussions se déroulent directement dans chaque région entre industriels et producteurs, n'ont plus abouti à des accords et se sont traduites par une baisse régulière du prix payé aux producteurs.
Selon les chiffres provisoires publiés par l'Insee, le prix du lait de vache s'est effondré en avril de -20,3% par rapport au mois de mars. En glissement annuel, la chute atteint près de 29%, les producteurs touchant environ 210 euros pour 1000 litres, à un niveau inférieur à leur coût de production.
Cette situation insupportable a entrainé des manifestations et des actions syndicales dans tout le pays. Très remontés, les producteurs ont mené des actions tous azimuts. Ils ont organisé deux journées de protestation nationale en moins d'une semaine. La dernière, lundi, a donné lieu à de nombreux blocages de laiteries et de grandes surfaces dans toute la France.
Pour essayer d'y mettre fin, le gouvernement a nommé deux médiateurs, avec un double objectif, fixer les prix du lait à court terme et installer un nouveau cadre juridique de négociations à plus long terme.
Les négociateurs se sont mis d'accord sur des formules d'indicateurs pour l'avenir. Mais les producteurs, qui affirment enregistrer d'énormes pertes et connaître des problèmes de trésorerie, veulent obtenir une hausse immédiate et significative du prix du lait. La négociation a buté sur le prix du lait, les industriels ayant refusé d'augmenter leur base de prix annuelle.
Les producteurs, qui réclamaient au départ 305 euros (les 1000 litres) comme prix moyen annuel, ont fait un geste en proposant de descendre à 290 euros. Mais les industriels sont restés sur leur base de 267 euros.
Une "réunion de la dernière chance" est prévue le mardi 2 juin. Celle-ci devrait être consacrée à la seule question du prix, assure-t-on à la FNPL. Il y a urgence, le prix du lait collecté en mai n'étant toujours pas fixé. La FNPL craint des débordements si aucun accord n'est conclu avant le 5 juin, date à laquelle les entreprises vont commencer à préparer les payes pour les livraisons de mai. Les industriels pourraient, comme ils l'ont fait pour le lait d'avril, fixer eux-mêmes le prix, une décision qui a débouché sur une baisse de 30% des prix par rapport à l'an dernier.
Il est probable qu'on aurait pu faire l'économie de cette crise si le mécanisme de préconisation in-terprofessionnel piloté par le CNIEL n'avait pas été interdit en 2008 ... (le nouveau mécanisme issu du travail des médiateurs risque d'ailleurs d'être assez proche de ce dispositif précédent...).
2 - POLITIQUE EUROPEENNE
Cette crise du lait s'inscrit dans un contexte de réforme de la politique agricole commune dans le secteur laitier, avec la disparition programmée des quotas laitiers en 2015, et dans l'intervalle une augmentation progressive des quotas.
Le bilan de santé de la PAC conclu sous présidence française n'a pas permis de revenir sur la décision de suppression des quotas en 2015, prise en 2004. Les quotas vont être relevés de 1% par an pendant 5 ans, avant d'être supprimés. Berlin a seulement obtenu avec l'appui de la France qu'un rapport d'impact de cette mesure soit réalisé en 2010 et 2012.
La Commission Européenne conteste que la première décision d'augmentation des quotas de 1% prise en mars 2009 ait pu avoir un effet sur les prix, car la production dans l'UE a baissé malgré cette hausse des quotas. Même si il n'y pas eu d'effet immédiat, on ne peut contester que l'augmentation puis la suppression des quotas se traduiront par une dérégulation de la production laitière européenne, avec des risques de :
- relocalisation de la production dans les régions les plus intensives,
- abandon de l'élevage dans certaines zones traditionnelles (montagne notamment),
- baisse probable du prix du lait.
Il faut signaler que seules l'Allemagne et l'Autriche s'étaient opposées en mars 2009 à la décision d'augmentation des quotas, la France s'étant alors abstenue.
Les ministres de l'Agriculture des 27 ont évoqué lundi 25 mai, à la demande de Paris et Berlin, la situation laitière. Le Conseil Agriculture n'a pas abouti au maintien des quotas laitiers demandé par Paris. La Commission européenne a seulement annoncé la possibilité d'avancer à 70% les aides à la production offertes aux agriculteurs en 2009, qui pourront leur être allouées au 16 octobre prochain.