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Billet de blog 3 novembre 2010

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Le sport, première victime du budget de l'Etat

par Nema Linuit et Xavier Sautenuages1 - LE BUDGET DE L’ETAT EN FORTE BAISSE N’EST PLUS COMPENSE PAR UN EFFORT SOUTENU DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

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par Nema Linuit et Xavier Sautenuages

1 - LE BUDGET DE L’ETAT EN FORTE BAISSE N’EST PLUS COMPENSE PAR UN EFFORT SOUTENU DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
1.1 - UN BUDGET EN FORTE BAISSE QUI FAIT LA PART BELLE AU SPORT SPECTACLE AU DETRIMENT DU SPORT POUR TOUS


Le budget du ministère des sports en baisse de près de 15% en 2011
Le projet de budget 2011 pour l’ensemble de la mission « sport, jeunesse et vie associative », examiné à l’Assemblée nationale à compter du 5 novembre, est en baisse de 3,6% par rapport à la loi de finances initiale pour 2010 (420,9 millions d’euros, contre 436,8M€).
Cette baisse cache de fortes disparités entre le budget consacré à la jeunesse et celui consacré aux sports. Si les crédits consacrés à la jeunesse sont en hausse de 10% par rapport à 2010 (de 193 à 212M€) pour financer la création du service civique, cela se fait au détriment du sport.
Le budget du programme sport pour l’année 2011 affiche, à périmètre constant, une baisse de près de 15% par rapport à la loi de finances initiale de l’année 2010. Ainsi, alors que les crédits de paiement s’élevaient à 243,7 millions d’euros pour l’année 2010, ceux-ci diminuent de 35 millions d’euros pour s’établir à 208,5 millions d’euros dans le projet de loi de finances 2011. Si sur ces 35 millions d’euros, 26M€ s’expliquent par la fin des exonérations de charges sociales du droit à l’image des sportifs professionnels (DIC), 9M€ manquent toujours à l’appel.
L’écart est encore plus flagrant lorsque sont réintégrés les crédits de personnels du ministère (coûts complets), puisque le budget des sports affiche alors une baisse de 56M€ (soit 30M€ en neutralisant l’effet du DIC).
Cette baisse se fait au détriment du sport pour tous qui voit ses crédits diminuer de plus de 5M€ par rapport à la loi de finances initiale 2010 et de l’accès à la pratique sportive pour les publics prioritaires (sportifs handicapés, sport féminin, insertion sociale par le sport…), dont les crédits sont divisés par deux (de 0,61M€ à 0,3M€).
Le développement du sport de haut-niveau est également touché avec une baisse de 5% du montant des aides attribuées aux sportifs de haut-niveau et une diminution des crédits accordés aux fédérations pour la préparation aux compétitions de haut-niveau. Cette situation est d’autant plus regrettable que les Jeux Olympiques de Londres se profilent à l’horizon. Sportifs et fédérations ont donc besoin d’avantage de moyens pour préparer dans les meilleures conditions cet événement majeur.
Ce projet de budget pour l’année 2011 est un rude coup porté au sport. En dépit d’annonces fracassantes sur ses soi-disant efforts en faveur du sport pour tous, de la promotion de la santé par le sport, du renforcement de la pratique sportive dans le cadre scolaire, ce gouvernement diminue drastiquement les crédits en faveur du sport. Signe plus inquiétant encore, le budget sport devrait encore baisser de 4M€ l’année des JO de Londres.
Dans le débat, la position du gouvernement doit être clarifiée : il ne s’agit pas ici de faire participer le mouvement sportif à l’effort de maîtrise de la dépense publique mais bel et bien d’afficher clairement une prise de position politique contre le soutien de l’Etat à la pratique sportive. Après la suppression des Directions départementales de la jeunesse et des sports et la fusion des directions régionales au sein d’une super direction de la cohésion sociale, ce gouvernement est bel et bien en train d’enterrer tout soutien de l’Etat au sport.
L’Etat concentre son intervention sur le sport spectacle et se désintéresse du sport pour tous
Le sport spectacle est privilégié au détriment du sport du tous. Dès 2011, le Centre National pour le Développement du Sport (CNDS) sera mis à contribution pour financer la rénovation des stades de foot dans le cadre de l’Euro 2016. S’il est dans les missions du CNDS de faciliter l’accueil de compétitions internationales, il faut ici souligner que le CNDS est la seule source de financement étatique en faveur du sport pour tous.
Sa mission première est de contribuer au développement de la pratique du sport pour le plus grand nombre. Il est à craindre que les crédits habituellement destinés à financer les actions spécifiques des associations sportives en faveur des publics éloignés ou à subventionner la réalisation d’équipements sportifs assurant le maillage du territoire soient cette année amputés pour rénover des stades de foot.
Si l’action de l’Etat et des acteurs publics en général pour accueillir des compétitions internationales est légitime, il est regrettable qu’une fois l’Euro 2016 terminé, les stades flambants neufs seront mis à disposition des clubs de foot professionnel, des sociétés privées, et leur permettront d’accroître leurs bénéfices grâce à des travaux financés par les impôts des français.
Afin de rénover les 12 stades accueillant l’Euro 2016, l’Etat a promis une enveloppe de 150 millions d’euros, soit l’équivalent de 75% du budget annuel du ministère des sports.
La formation sacrifiée sur l’autel de la rigueur. La formation des champions de demain est mise à mal par la révision générale des politiques publiques. Alors que jusqu’à présent 24 Centres régionaux d’éducation populaire et de sport (CREPS) permettaient aux jeunes sportifs de haut niveau de concilier pratique sportive, études et équilibre familial, un quart de ces centres sera fermé en 2011.
Jusqu’à présent les CREPS fonctionnaient sur une logique de proximité, assuraient un maillage du territoire et permettaient de rendre accessibles au plus grand nombre la pratique d’un sport de haut niveau. La disparition de 8 CREPS va réduire l’accès au haut-niveau, va dégrader la qualité de la formation des jeunes sportifs de haut niveau et contribuera à éloigner du domicile familial des jeunes parfois âgés de 13 ou 14 ans.
De fait, ces fermetures portent atteinte à l’égal accès à des structures de haut niveau et nuisent à la constitution d’un vivier d’athlètes d’élite capables de représenter la France dans des compétitions internationales.
La lutte contre le dopage n’est clairement pas la priorité du ministère. Le budget consacré à l’agence française de lutte contre le dopage (AFLD) est insuffisant en comparaison des enjeux que représente cette lutte pour garantir l’aléa sportif et la pratique d’un sport sain sur le territoire français.
Ainsi le budget de l’agence restera stable en 2011 à 7,8 millions d’euros. Or la complexification sans cesse croissante des techniques de dopage et de dissimulation du dopage renchérit le coût des contrôles. La contrainte budgétaire qui pèse sur l’agence la met en délicate posture pour réaliser le programme de 450 contrôles que lui réclame chaque année l’Agence mondiale antidopage.
Cette situation aurait nécessité une augmentation des crédits de l’agence, d’autant plus justifiée que ses contrôles sont performants puisque 4,80 % des échantillons contrôlés sont positifs ou présentent des taux atypiques contre 0,26 % au Japon.
Le manque de crédits de l’agence fait ainsi dire à Pierre Bordry, l’ancien président de l’agence qu’il n’y a pas de volonté politique de soutien à la lutte antidopage. Le nouveau président, Bruno Genevois, va prendre les commandes d’une institution qui ne dispose pas des moyens nécessaires pour relever les enjeux.
1.2 - LES COLLECTIVITES TERRITORIALES N’ONT PLUS LES MOYENS DE PALLIER LE DESENGAGEMENT DE L’ETAT DANS LE DOMAINE SPORTIF
Les collectivités territoriales ont spontanément beaucoup investi dans le sport et sont devenues le premier financeur public
La loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives reconnaît la légitimité de l’action publique en faveur des activités physiques et sportives, assumée conjointement par l'Etat, le mouvement sportif, et aussi de façon croissante par les collectivités locales.
Ainsi l'article premier du Code du sport dispose que "la promotion et le développement des activités physiques et sportives pour tous (...) sont d’intérêt général" et précise dans son article 100-2 que «l’Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements, les associations, les fédérations sportives, les entreprises et leurs structures sociales contribuent à la promotion et au développement des activités sportives. L’Etat et les associations et fédérations sportives assurent le développement du sport de haut niveau, avec le concours des collectivités territoriales, de leurs groupements et des entreprises intéressées».
En pratique, c’est par le biais de la clause de compétence générale dont les collectivités territoriales disposent à ce jour, qu’elles interviennent dans le domaine sportif, dès lors que la notion d’intérêt général local est susceptible de légitimer une intervention à leur niveau respectif et que cette compétence n’a pas été confiée de manière exclusive à une catégorie de collectivités.
A ce titre, les données relatives au financement du sport en France par les acteurs sont éloquentes : 49,7% du financement est assuré par les ménages, 24,3% par les collectivités territoriales, 14,1% par les entreprises et enfin 11,9% par l’Etat .
L’évolution respective des types de financement montre un accroissement important de la part des collectivités territoriales durant ces dernières années, loin devant l’Etat.
Ainsi, le lent retrait de l’Etat est patent : les dépenses consacrées au sport progressent, de 2000 à 2007, de 14,3 % pour atteindre 3,2 milliards d’Euros alors que dans le même temps, celles des collectivités territoriales passent de 7,6 à 10,2 milliards, soit une progression de 34,2 % !
Et ce, alors même que les compétences reconnues aux collectivités locales dans domaine du sport restent leur mise en œuvre devrait faire l'objet d'une remise à plat, tenant compte de la rétractation de l'Etat, du rôle effectif joué par les collectivités territoriales, et de l'aspiration du mouvement sportif à une autonomie plus effective.
Pour un maintien de la clause générale de compétences ou rendre la compétence en faveur du sport obligatoire
Alors que le mouvement sportif a manifesté, à très juste titre, son inquiétude quant à la suppression de la clause générale de compétences des collectivités locales dans le domaine du sport, son maintien doit être défendu avec vigueur. Dans le domaine sportif, la clause de compétences générale est indispensable pour assurer le financement d’infrastructures sportives.
Toutefois, en cas de suppression définitive de la clause de compétence générale, une alternative est envisageable. Elle consisterait à prendre acte du rôle majeur des collectivités territoriales et à le canaliser, en conférant un caractère obligatoire à leurs compétences dans ce domaine, tout en les spécialisant, ce qui aurait pour effet d'éviter la confusion des responsabilités et la dispersion des politiques menées localement.
Dans ce contexte, si la part majeure prise par les communes dans le financement du sport est indéniable, la part prise par les groupements de communes est véritablement très restreinte Elles gèrent ou possèdent à peine plus de 3% des équipements sportifs, alors même qu’un équipement sportif, par nature, bénéficie aux populations au-delà du territoire communal. Ce niveau de collectivités devrait être ainsi favorisé, d’autant qu’il dispose de capacités d’investissement conséquentes.
Cela permettrait également de pallier le manque de financement des communes « pauvres » et le manque de coordination entre les initiatives locales et les initiatives centrales. Cela suppose que soient clairement définis les statuts et les rôles d’animateur sportif, d’entraîneur sportif, de professeur de sports, aux formations spécialisées, aux compétences précises et élargies. Ce qui suppose enfin que leur présence soit renforcée dans les quartiers sensibles.
Une autre voie d’avenir serait d’instituer un établissement public chargé de coordonner et d’impulser les initiatives territoriales pour mieux éviter leur émiettement et leurs possibles disparités. Ce qui confirme, quoi qu’il en soit, la nécessité d’associer les collectivités locales, ou leurs représentants, à la gouvernance des politiques sportives.

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