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Billet de blog 10 juillet 2009

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Révision des circonscriptions électorales: un échec démocratique annoncé

Le projet de redécoupage électoral sera examiné en Conseil des ministres à la fin du mois de juillet. Ce projet, pourtant revu suite aux réserves de la commission "indépendante" chargée de l'évaluer, ne satisfait toujours pas aux exigences de transparence et d'équité auxquelles le gouvernement est tenu, et laisse craindre des choix délibérément favorables à la majorité.

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Le projet de redécoupage électoral sera examiné en Conseil des ministres à la fin du mois de juillet. Ce projet, pourtant revu suite aux réserves de la commission "indépendante" chargée de l'évaluer, ne satisfait toujours pas aux exigences de transparence et d'équité auxquelles le gouvernement est tenu, et laisse craindre des choix délibérément favorables à la majorité.


Il y a un an, Terra Nova, tout en saluant l'engagement de la procédure de révision des circonscriptions électorales, tout à fait indispensable, appelait l'attention sur les conditions d'un redécoupage électoral juste et transparent . Terra Nova déplorait déjà il y a 8 mois que le Gouvernement ait manifestement renoncé à les réunir.
Alors que le projet d'ordonnance relatif à la délimitation des circonscriptions électorales, en cours d'examen par le Conseil d'Etat, sera délibéré en Conseil des ministres à la fin du mois de juillet, force est de constater, à la lumière des avis rendus par la commission consultative prévue par la Constitution, que le risque d'un exercice purement partisan s'est pleinement matérialisé.
Les avis rendus par la commission consultative prévue par la Constitution soulignent, alors même qu'ils ne sont que partiels et que l'ensemble des éléments n'a pas été mis sur la table, à quel point la démarche du Gouvernement l'a éloigné de l'idéal démocratique et des objectifs annoncés au début de la procédure. En l'absence de débat sur le texte, qui sera sans doute publié au Journal officiel au milieu de l'été, le gouvernement doit apporter au débat public l'ensemble des données chiffrées et des hypothèses de travail qui l'ont conduit à faire ses choix ; il doit aussi s'engager à reprendre l'opération si les conséquences de l'opération apparaissent manifestement déséquilibrées sur un plan politique.

1 - LA COMMISSION « INDEPENDANTE » N'A APPROUVE QU'UNE PETITE PARTIE DU PROJET DU GOUVERNEMENT


La commission chargée par l'article 25 de la Constitution de donner un avis notamment sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés, saisie le 30 avril 2009 du projet du Gouvernement, a rendu un avis le 23 juin 2009 puis, le Gouvernement ayant partiellement modifié son projet pour tenir compte de ses observations ce qui a rendu une deuxième saisine nécessaire, le 30 juin 2009.
On rappellera que la composition de cette commission, en dehors de toute considération tenant à la qualité de ses membres, était critiquable dans sa structure même au regard du principe d'impartialité, trois de ses six membres dont le président en étant nommés respectivement par le Président de la République et le président de chacune des deux chambres, et qu'en tout état de cause elle n'a pas répondu, dans les faits, aux engagement du Gouvernement d'y faire siéger, outre des spécialistes du droit électoral, des démographes ou des statisticiens.
Il n'en est dès lors que plus remarquable qu'elle ait, dans son avis du 23 juin dernier, formulé des propositions complémentaires ou alternatives pouvant s'assimiler à des réserves pour 35 départements et collectivités, et des suggestions pour 17 autres, ne donnant un avis favorable que pour 48 d'entre eux.
C'est donc la moitié du projet qui était soit critiquable, soit perfectible au regard des principes gouvernant l'exercice ! Et comment ne pas être sensible, s'agissant de Paris, au besoin qu'a éprouvé la commission, après avoir relevé que « le projet de redécoupage laisse subsister des écarts démographiques importants qui n'apparaissent pas justifiés », de proposer un nouveau découpage, carte à l'appui.
Le Gouvernement n'a que très partiellement tenu compte de cet avis. Tenu de reconsulter la commission dès lors qu'il entendait modifier son projet, il ne lui a soumis une nouvelle proposition que pour sept départements, qui pour trois d'entre eux, dont le Pas-Calais et le Val-d'Oise, ont donné lieu à un avis défavorable, et pour un quatrième, Paris, à un avis favorable sous réserve. C'est dire la difficulté du Gouvernement, par deux fois, à s'affranchir de ses démons.
Le projet et ces avis mettent également en lumière à quel point étaient au mieux erronées, au pire fallacieuses, les assertions du Gouvernement, maintes fois exprimées au cours des débats ayant précédé le vote de la loi l'habilitant à procéder au redécoupage, que celui-ci serait d'une ampleur limitée. Le nombre de circonscriptions est ainsi modifié dans 42 départements, le découpage des circonscriptions ayant par ailleurs été modifié dans un nombre significatif des 58 autres départements. L'opération est ainsi au final bien plus importante qu'annoncé, même si le Gouvernement n'a pas entièrement suivi la Commission.

2 - CERTAINS CHOIX DE METHODE ET CERTAINES DECISIONS PRECISES DOIVENT ETRE DENONCES


Les avis de la commission ont souligné le caractère pour le moins insuffisant du projet du Gouvernement. Ils n'en ont toutefois pas dénoncé toute l'étendue, la commission ayant entériné certains choix éminemment contestables.
Elle a tout d'abord avalisée le choix de la méthode dite de la « tranche ». Cette méthode consiste à répartir les 577 sièges de députés en attribuant un nombre de sièges correspondant à la partie entière du quotient, plus un siège pour tout reste. Chaque département comptant jusqu'à 125 000 habitants a donc droit à un siège, et tout département comptant au moins 125 001 habitants à deux sièges.
La commission indique que « cette option lui est apparue comme permettant la meilleure synthèse entre une règle de calcul reposant sur des critères exclusivement démographiques et une approche tenant également compte de la réalité historique et humaine ». Elle conduit toutefois, même en laissant de côté le cas de l'outre-mer, à d'importantes disparités de représentation, pouvant aller de 1 à 2. Un député des Hautes-Alpes sera ainsi élu par 65 376 électeurs tandis que son homologue de Seine-Saint-Denis le sera, en moyenne, par 124 331 électeurs
Le choix de cette méthode n'est pas indifférent non plus quant aux équilibres généraux de la future assemblée. Elle tend en effet à favoriser les départements ruraux au détriment des grands centres urbains, considération qui au demeurant n'est certainement pas étrangère ni au choix du Gouvernement, ni à son approbation par la commission, qui la justifie en soulignant que le choix d'une méthode plus strictement fondée sur la représentation proportionnelle aurait eu pour effet d'augmenter sensiblement le nombre de département n'élisant plus qu'un seul député.
Tant le Gouvernement que la commission ont ainsi de facto renoncé à tirer pleinement les enseignements de la décision n° 2009-573 DC du 8 janvier 2009 dans laquelle le Conseil constitutionnel avait indiqué que « le maintien d'un minimum de deux députés pour chaque département n'est plus justifié par un impératif d'intérêt général susceptible d'atténuer la portée de la règle fondamentale selon laquelle l'Assemblée nationale doit être élue sur des bases essentiellement démographiques ».
Enfin la commission a considéré qu'il était conforme à la Constitution que Saint-Pierre et Miquelon d'une part, les îles Wallis et Futuna d'autre part, élisent chacune, en dépit de la faiblesse de leur population, un député en raison de leur isolement géographique, et que les îles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin forment une circonscription unique. Rien toutefois, bien au contraire, n'imposait de créer cette dernière circonscription dont les équilibres s'avèrent plutôt favorables à la droite.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision précitée, a en effet rappelé que les députés élus dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution doivent également être élus sur des bases essentiellement démographiques, aucun impératif d'intérêt général n'imposant que toute collectivité d'outre-mer constitue au moins une circonscription électorale et qu'il ne peut en aller autrement, si la population de cette collectivité est très faible, qu'en raison de son particulier éloignement d'un département ou d'une collectivité d'outre-mer.
Or Saint-Barthélemy et Saint-Martin constitueront une circonscription comptant seulement 43 518 habitants alors qu'elles ne sont pas éloignées de la Guadeloupe au point qu'elles n'aient pu jusqu'à présent être intégrées à sa quatrième circonscription. On relèvera au demeurant que leur maintien dans le giron de celle-ci aurait globalement à peine contribué à dégrader les écarts à la moyenne départementale en Guadeloupe, alors que la différence de population entre cette nouvelle circonscription et la moins peuplée de Guadeloupe sera de 49,2 %.

3 - L'OBJECTIF D'UN REDECOUPAGE DEMOCRATIQUE ET CONSENSUEL EST MANIFESTEMENT MANQUE


Le résultat définitif du redécoupage ne sera connu qu'une fois l'ordonnance adoptée, le cas échéant après la prise en compte des observations que pourrait formuler le Conseil d'Etat dans ses fonctions consultatives. On ne peut à cet égard que regretter que la transparence se soit limitée à l'intervention, déjà fort utile, de la commission. Rappelons à cet égard que Terra Nova invitait déjà le Gouvernement il y a un an à livrer au débat public l'ensemble des rapports et des analyses sur lesquels il s'appuie pour préparer le projet de redécoupage.
Il est toutefois d'ores et déjà possible de se faire une idée du résultat global sur la base du dernier état connu du projet. Il en ressort que les circonscriptions supprimées afin, notamment, de créer les 11 destinées aux Français établis hors de France, sont détenues pour environ les deux tiers par la gauche et un tiers par la droite. Il est dès lors à craindre que ce redécoupage n'octroie à la droite un avantage structurel propre à lui garantir, ou à tout le moins lui faciliter l'obtention de la majorité absolue à l'Assemblée nationale.
On attend dès lors avec impatience que M. Marleix, en charge du redécoupage au sein du Gouvernement, apporte la preuve, comme il s'y est récemment engagé devant l'Assemblée nationale, qu'à une majorité de voix correspondra une majorité de sièges, c'est-à-dire au fond que l'expression souveraine par le vote se traduise effectivement à l'Assemblée, et surtout que sa proposition n'est pas limitée aux seules majorités de droite. On attend aussi, le cas échéant, les recours contentieux dont pourrait être saisie la section du contentieux du Conseil d'Etat à l'encontre de l'ordonnance.
En toute hypothèse, l'objectif de parvenir à un résultat consensuel et digne est d'ores et déjà manqué.

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