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Billet de blog 10 septembre 2009

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Réussir la contribution climat-énergie

Le président de la République a annoncé aujourd'hui l'instauration dès le budget 2010 d'une taxe carbone qui fixe le prix de la tonne de CO2 à 17 euros. A de nombreux égards, ces annonces ne sont pas satisfaisantes. Pierre Radanne, ancien Président de l'ADEME, fait des contre-propositions progressistes pour réussir la contribution climat-énergie.

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Le président de la République a annoncé aujourd'hui l'instauration dès le budget 2010 d'une taxe carbone qui fixe le prix de la tonne de CO2 à 17 euros. A de nombreux égards, ces annonces ne sont pas satisfaisantes. Pierre Radanne, ancien Président de l'ADEME, fait des contre-propositions progressistes pour réussir la contribution climat-énergie. Le débat sur la fiscalité écologique ne doit pas se conclure avec ces annonces. Au contraire, il est nécessaire d'inaugurer une large discussion permettant un accord transpartisan et l'engagement des citoyens.


La mise en place de la contribution climat énergie peut en revanche avoir un effet négatif sur la compétitivité internationale de certains secteurs industriels. L'objectif est que la communauté internationale prenne des mesures environnementales similaires. C'est pourquoi les réponses doivent être recherchées à la fois dans un cadre européen et surtout dans le cadre de la négociation internationale sur le climat de Copenhague, à travers l'association des grands pays émergents à la lutte contre le changement climatique. Ce n'est qu'en dernier ressort que pourra être envisagé un « ajustement aux frontières » : il protègerait certes la compétitivité de nos industries mais sanctionnerait l'échec de la lutte internationale contre le changement climatique.

L'intégration de la contribution climat-énergie dans le champ plus vaste de la politique climatique

La fiscalité n'est qu'un instrument dans la panoplie nécessaire pour une politique climatique efficace. Il faut aussi :

- Une correction des insuffisances du mécanisme européen d'échanges de quotas d'émissions : les quotas sont à ce jour peu efficaces au plan écologique, créent des effets pervers (spéculation financière), alors même qu'ils couvrent les industries les plus polluantes.

- Un renforcement de la régulation environnementale : c'est l'outil le plus efficace, or le gouvernement tarde à mettre en œuvre les décisions du Grenelle.

- Un accroissement massif des investissements publics, dans des secteurs comme la réhabilitation thermique des logements, le développement des transports collectifs, la valorisation des énergies renouvelables : cela doit être l'objectif principal du grand emprunt, qui doit être mobilisé pour réussir la transition à moyen terme de notre modèle de développement.

Ces propositions progressistes, comme les propositions de Nicolas Sarkozy, doivent maintenant faire l'objet d'un vrai débat parlementaire. La politique climatique est une politique difficile, car elle a un coût, et elle emporte la modification de nos modes de vie. Elle a besoin d'un large soutien politique et citoyen. Pour cela, il faut laisser le temps au débat. Nous appelons le gouvernement à y faire droit.

1 - LES ENJEUX

1.1 - LES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX

Les scientifiques du Groupe International de Experts du Climat ont en 2007 clairement défini les conditions indispensables à la stabilisation du climat terrestre : un réchauffement qui devra rester inférieur à 2°C et donc qui nécessite une division des émissions mondiales de gaz à effet de serre par deux entre 1990 et 2050. Cela correspond pour la France à une division par quatre de ses émissions d'ici 2050 (inscrit dans la loi POPE du 13 juillet 2005). Cet objectif a été fortement réaffirmé par le Grenelle de l'environnement.

La négociation pour la conférence de l'ONU de Copenhague de décembre prochain s'engage très difficilement. Avec cinq points majeurs de désaccord : les objectifs à adopter pour stabiliser le climat mondial pour 2050, l'acceptation d'engagements internationaux de réduction des émissions encore contestés par les Etats-Unis, le niveau de réduction des émissions des pays industrialisés pour 2020, le mode d'intégration des pays émergents dans l'action et les formes d'association des pays en développement les plus pauvres moyennant un soutien financier des pays industrialisés. Dès lors, toute initiative française qui contribue à renforcer la réduction des émissions va dans le sens d'accroître la crédibilité de la négociation.

Les instruments de cette politique doivent être mis en place avant 2013, date du nouveau régime international de lutte contre le changement climatique compte tenu des obligations de résultats à souscrire pour 2020. En effet, après un objectif de réduction de 8% des émissions de gaz à effet de serre pour la période 1990-2012, l'objectif fixé pour 2020 par l'Union européenne (à 27) sera compris entre 20 à 30% pour l'ensemble de la période 1990-2020.

1.2 - LA REDUCTION DES EMISSIONS DE L'UNION EUROPEENNE

La réduction obtenue par l'Union européenne (à 15) était de 5% fin 2007. L'objectif de réduction souscrit par l'UE à 15 à Kyoto était de 8% pour la période 1990-2012. Le niveau de réduction de l'Europe à 27 était lui de 9,3% en 2007. Le nouvel objectif inscrit au paquet climat énergie additionnel est donc de 10,7% à 20,7% à réaliser entre 2007 et 2020. Cela correspond à une réduction nette annuelle de 0,78% à 1,77% par an selon que l'engagement serait de 20% ou de 30%. Ces valeurs de réduction nette correspondraient à des gains effectifs de productivité carbone de 2,8% à 3,8% dans le cas d'une croissance économique moyenne de 2% par an.

1.3 - L'EMERGENCE DE L'IDEE D'ECOTAXE

La lutte contre la pollution s'est toujours appuyée sur une base locale à partir des exigences des victimes face à une pollution. Il s'en est suivi des négociations, souvent des procès et petit à petit une réglementation qui a tarifé des amendes, puis des taxes qui ont bénéficié d'une acceptation sociale croissante. Mais ce processus ne fonctionne pas pour le changement climatique puisque la pollution est globale et ne présente localement aucun préjudice direct ni sur la santé, ni sur l'environnement. Il ne peut donc se construire une régulation à partir d'une concertation locale. La mise en place d'un instrument économique ne peut découler que d'une décision nationale (et mieux communautaire en attendant de devenir internationale).

La question d'une écotaxe sur l'énergie a été posée au plan européen dès la conférence de Rio en 1992. Elle n'a été suivie d'une mise en œuvre significative que dans les pays scandinaves, l'Allemagne et le Royaume-Uni. L'importance croissante prise par la question climatique et l'envolée récente des prix du pétrole remet le couple « énergie-climat » au centre des préoccupations. Le débat sur la taxe est de retour, mais le contexte économique exige d'en éviter les effets négatifs au plan social et économique, notamment par des délocalisations.

1.4 - LA POLITIQUE FRANÇAISE DE LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

Après la généralisation des plans climat territoriaux décidée lors du Grenelle de l'Environnement et l'adoption du paquet climat-énergie européen en 2007, le débat porte maintenant sur l'instauration d'une contribution fiscale dite « climat-énergie ».

Cette initiative vient concrétiser la politique climatique française et anticiper les engagements français dans le cadre du prochain accord. En effet, en décembre, la conférence de l'ONU de Copenhague devra élaborer un nouveau traité sur le climat prolongeant et renforçant la Convention de Rio et le Protocole de Kyoto.

La mise en place d'une contribution carbone-énergie (ou taxe carbone) devra être inscrite dans la loi de finances de 2010.

1.5 - UN CONTEXTE DEFAVORABLE DU FAIT DE LA CRISE FINANCIERE ET ECONOMIQUE

Comme la mise en place de la taxe carbone intervient dans une situation de grave crise financière et économique -et donc d'aggravation du chômage et des déficits publics- il convient d'être extrêmement attentif aux décisions qui seront prises. Rien ne serait pire que d'associer la lutte contre le changement climatique à un alourdissement généralisé de la fiscalité, notamment celle pesant sur les ménages les plus modestes.

Les difficultés prévisibles sont :
- La crainte qu'au-delà des discours, la contribution climat-énergie génère un impôt supplémentaire du fait du naufrage prévisible des comptes publics (moins de recettes de TVA et gonflement des budgets sociaux par montée du chômage) ;
- Un manque d'acceptabilité sociale des milieux modestes et des acteurs économiques ;
- Le risque de mise en place d'une taxe aux frontières avant la négociation internationale sur le nouveau traité (pour la conférence de Copenhague et sa suite) ;
- L'insuffisance démocratique du processus enclenché qui a découlé de la précipitation du gouvernement à boucler la mise en place de la contribution climat-énergie pour le budget 2010.

Ainsi, à l'amorce de ce débat, il convient de poser clairement les principes qui conditionneront le succès de la démarche.

2 - LES PRINCIPES INDISPENSABLES A L'INSTAURATION D'UN DISPOSITIF FISCAL

2.1 - LA NATURE DE L'OBJECTIF FINANCIER RECHERCHE POUR LA FISCALITE

L'instauration d'un nouvel impôt déclenche des réflexes de défense générés tant par des dérapages passés que par des propos démagogiques de délégitimation de l'impôt.

On peut attribuer à la fiscalité quatre grands rôles : rapporter, redistribuer, punir, inciter. Il convient de déterminer clairement l'objectif poursuivi afin de choisir l'outil fiscal le plus efficient.

- Rapporter

Le but est alors de rechercher le meilleur rapport financier, sans autre préoccupation tout en suscitant une bonne acceptation sociale. L'outil classique en est une taxe à faible montant couvrant un champ plus large et payée par le plus grand nombre de contribuables possible. Ses inconvénients sont une absence de capacité d'incitation et une hausse des prélèvements obligatoires. La TIPP est clairement de ce type.

C'est également le cas de la taxe professionnelle qui constitue une taxe de rapport au profit des collectivités locales, tout en étant inégale selon les territoires. Le rendement actuel de la taxe professionnelle est évalué à 18 milliards d'euros, mais seulement 8 milliards d'euros après soustraction des dégrèvements, En cas de suppression, il faudra donc mettre en place un autre mécanisme de financement des collectivités, notamment à travers la DGF.

- Redistribuer

Le but est ici d'assurer une redistribution sociale au moyen de barèmes réajustés régulièrement en fonction d'objectifs publics.

- Punir

Cette conception qui renvoie aux actes directement préjudiciables à la santé et à l'environnement ne s'applique pas à la fiscalité carbone. Il faut éviter par une communication maladroite qu'une taxe sur le carbone ne soit associée à une symbolique punitive.

- Inciter

C'est évidemment le principal objectif poursuivi par une fiscalité carbone. L'incitation peut faire l'objet de deux types de réglages : un prix additionnel du carbone permettant de rentabiliser les investissements d'efficacité énergétique ou un prix fixé à partir du consentement à payer des acteurs économiques.

Il faut aussi distinguer les types de fiscalité présentant un effet vertueux, à savoir générant des comportements d'optimisation de la part des contribuables (c'est le cas de la TIPP et des taxes sur le tabac et l'alcool) de celles aux effets pervers, c'est-à-dire sans effet d'optimisation des comportements et d'amélioration de la productivité générale et instaurées pour générer le plus de recettes possibles.

2.2 - UNE PROFONDE REFORME FISCALE

Transférer une partie de la fiscalité, qui pèse sur l'emploi, vers la réduction de consommation de ressources et d'émissions de polluants

La question de la fiscalité sur l'énergie et le carbone doit être envisagée dans le cadre d'une vaste réforme fiscale. Les principes en ont été posés dès la conférence de Rio :
- Réduire la fiscalité sur ce qui doit être abondant, à savoir l'emploi ;
- Accroître la fiscalité sur ce qui doit être sauvegardé, à savoir les ressources épuisables et l'environnement.

Pour éviter d'alourdir la charge de la fiscalité sur les entreprises et les ménages, le Président de la République a proposé que cette taxe carbone soit compensée par la réduction d'autres impôts. L'idée n'est pas neuve.

Cette réforme fiscale a déjà été opérée, avec une ampleur variable, dans plusieurs pays européens. Cette orientation est compatible avec une taxation qui peut être élevée sans toutefois générer une hausse forte des prélèvements obligatoires. C'est ce qui a été pratiqué en Suède dans les années 90 avec un déplacement de 15% des prélèvements obligatoires par un transfert partiel de la fiscalité sur l'emploi vers la taxe carbone.

Une réforme bénéfique à l'économie

Les effets d'une telle réforme fiscale présentent deux avantages économiques :
- La baisse de la fiscalité sur l'emploi améliore la compétitivité économique dans un contexte de concurrence internationale,
- La hausse de la fiscalité sur l'énergie induite par une taxe carbone déclenche des comportements d'économie d'énergie et réduit le poids des importations d'énergie sur le commerce extérieur.

Il faut rappeler le poids des importations de pétrole, de gaz, d'uranium et de charbon : 48,5 milliards d'€ en 2008, soit l'équivalent de la rémunération de 800.000 salariés qui a quitté le pays. Toute amélioration de l'efficacité, toute valorisation des ressources renouvelables, tout développement des transports collectifs aurait pour effet de favoriser l'emploi en France.

C'est dans ce contexte que le Président de la République a annoncé deux décisions liées :
- La mise en place d'une contribution climat-énergie ;
- La suppression de la taxe professionnelle sur les immobilisations corporelles - Il faudra dans ce cas résoudre un autre problème : celui du financement des collectivités locales qu'elle alimente ;
- Mention avait également alors été faite de l'instauration d'une taxation aux frontières sur les produits importés venant de pays n'ayant pas d'obligation ou de politique de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre.

La suppression de la taxe professionnelle

La proposition est maintenant faite de supprimer la taxe professionnelle dont l'effet est jugé défavorable à l'emploi.

La taxe professionnelle est une fiscalité inéquitable. Son remplacement devra affronter le problème des écarts de ressources qu'elle générait pour les collectivités. Si cette solution était retenue, il faudrait compenser les recettes fiscales qu'elle constitue pour les collectivités locales.

Cette solution n'est pas la seule possible. Si l'on veut réduire plus directement les coûts salariaux, c'est une réduction des charges sociales qu'il faudrait opérer.

2.3 - LA RECHERCHE D'UN EFFET PRIX

A priori, le principe d'une taxe carbone consiste à déterminer une valeur à la tonne de carbone émise puis à l'appliquer dans tous les usages, à tous les combustibles, proportionnellement à l'émission de gaz carbonique et des autres gaz à effet de serre qu'ils génèrent.

Mais pour mettre en place cette taxe, il faut arbitrer sur six éléments majeurs :

Le niveau de la taxe à prendre en compte

Le niveau de la taxe est à déterminer en fonction :
- soit de l'effet de levier que celle-ci doit obtenir au plan de la transformation des arbitrages attendus des agents économiques,
- soit de la capacité de ces acteurs économiques à supporter cette taxe.

Cela pose ensuite la question de la progressivité de la mise en place de la taxe.

La taxe comme message à la société

La progressivité est une nécessité pour permettre l'adaptation des acteurs. Avant d'avoir un effet mécanique sur les décisions d'investissement et les comportements d'usage, une taxe est d'abord, un signal, un message exprimé par les autorités à l'ensemble de la société.

L'efficacité d'une taxe carbone résidera d'abord dans la qualité du débat qui prépare son instauration, la légitimité qu'on lui accordera et l'acceptation sociale dont finalement elle bénéficiera. Le rythme de progression de la taxe doit être loyalement déterminé en fonction du temps d'adaptation des acteurs, sous peine d'encourir un rejet massif. Une taxe présentée comme processus durable, à réglage progressif qui génère de réels comportements d'anticipation aura une efficacité qui dépasse la mesure de son effet prix.

La sensibilité au signal prix

L'efficacité du signal prix pour orienter les investissements et les choix des acteurs économiques varie d'un secteur à l'autre. Il sera d'autant plus sensible que l'énergie représente une part importante des coûts (industries de 1ère transformation des matières premières, transport routier...) et qu'il sera soumis à une forte concurrence internationale. A la différence de certains secteurs ou certains usages, le poids de l'énergie dans les coûts est si faible que la sensibilité aux variations de prix y est minime (par exemple dans de nombreuses branches du tertiaire).

Il faudra distinguer les secteurs qui ont :

- Une sensibilité forte : les industries lourdes de production de matériaux de base,
- Une sensibilité moyenne : les industries manufacturières au contenu énergétique plus faible mais soumises à la concurrence des pays émergents à bas coût de main-d'œuvre,
- Une sensibilité déterminée par des conditions économiques et sociales : le tertiaire et le résidentiel, mais par nature peu délocalisables,
- Une sensibilité faible : la production d'électricité dans le cas français,
- Une sensibilité variable mais progressive : sensible sur les transports de pondéreux et de personnes, faible sur les produits à haute valeur ajoutée à la tonne.

C'est dire que le signal prix ne saurait suffire pour tenir des objectifs qui exigent une mise en mouvement de la totalité des secteurs pour réussir une division par 4.


Les effets sociaux anti-redistributifs du signal prix

Le poids dans le budget des ménages du facteur énergétique (chauffage et véhicule essentiellement) est plus élevé dans les ménages modestes surtout ruraux que dans les ménages aisés. A une taxe carbone devra donc être associé un dispositif social compensatoire. Les deux dispositifs fiscaux devront être présentés simultanément pour permettre l'acceptabilité sociale.

La stabilité du signal prix

Avant d'envisager l'influence sur les comportements économiques d'une taxe carbone, il faut bien constater le caractère perturbateur des très fortes variations de prix que connait le pétrole et dans la foulée les autres énergies.

Le signal prix de la taxe carbone peut être à la fois :
- Dissimulé et brouillé par les variations des prix des énergies qui sont d'une ampleur bien supérieure à toute valeur possible de la taxe carbone,
- Et donc de n'avoir comme effet que celui d'une augmentation de prix sans avoir une capacité d'orientation des choix des agents économiques.

Les limites du signal prix

Une taxe ne peut orienter seule mécaniquement les acteurs économiques sans avoir un niveau tellement élevé qu'elle peut sinistrer des secteurs économiques entiers. Le remède est alors tellement brutal qu'il aggrave le mal.

Une taxe ne peut être envisagée sans des mesures d'accompagnement : aides à la décision, information, formation professionnelle, aides à l'innovation, dispositions réglementaires... afin de trouver son efficacité sans provoquer une hausse des prix trop perturbatrice. L'efficacité d'une telle politique résultera de la cohérence et de l'effet de masse des différentes dispositions.

2.4 - LA TAXE AUX FRONTIERES

Sa justification

Une taxe aux frontières aurait pour but de compenser les surcoûts issus des obligations de réduction des émissions de gaz à effet de serre sur les entreprises soit taxées, soit assujetties au système européen de quotas échangeables par une taxation équivalente portant sur les produits importés. Sa justification principale concerne les produits industriels de base soumis à une forte concurrence internationale et au contenu en carbone élevé.

Cette sensibilité ne doit pas être surestimée car l'enjeu essentiel au plan industriel consiste à progresser vers l'utilisation de matériaux qui dans leur fabrication nécessiteraient moins d'émissions voire fixeraient du carbone (filière bois). L'analyse de l'impact économique des fuites de carbone met en évidence que peu de branches seraient réellement touchées par la mise en place d'une taxe carbone interne. Néanmoins ses effets ne doivent pas être sous-estimés du fait d'un tissu industriel déjà fragilisé et des impacts sociaux majeurs dans nombre de territoires.

Le mécanisme d'inclusion des importateurs (MIC)

La forme actuellement étudiée est celle du MIC, le mécanisme d'inclusion des importateurs dans le système communautaire d'échange de quotas d'émission. Il s'agit d'appliquer simplement le système ETS (emission trading system) aux produits importés dans les mêmes conditions que pour les entreprises européennes.

Quelle acceptation ?

La mise en place directe d'une taxe aux frontières rencontrerait de nombreux obstacles :
- L'instauration directe d'une taxe déclencherait une forte opposition des pays émergents ;
- Elle déclencherait un contentieux dans le cadre de l'OMC comme contradictoires aux règles de concurrence ; or le débat sur la compatibilité des règles de commerce et l'environnement ne porte que sur des produits ponctuels ; il fait toujours l'impasse d'une discussion sur l'intérêt général : les biens publics mondiaux, l'effet de serre.

Il est donc impossible que cohabitent deux systèmes internationaux de principes juridiques et de sanctions dissociés, l'un fondé sur l'ouverture à la concurrence et l'autre sur des obligations globales de résultat au nom de l'intérêt général commun. Cela dépasse largement la question de la taxe aux frontières. Il ne peut y avoir au plan international des instances de production de droit et de gestion des conflits dissociés. Il est donc indispensable de les relier dans une architecture commune. Et cela n'implique rien de moins qu'une réforme de l'ONU.

Quand la décider ?

Décider une taxe aux frontières avant que la négociation internationale ne se soit conclue par un éventuel échec cuisant, à savoir un refus des pays émergents ou d'autres pays industrialisés de souscrire à l'accord et de prendre des engagements significatifs, constituerait une attitude extrêmement agressive. Il faudrait en outre identifier les risques de contournement (par exemple un packaging effectué dans un autre pays tiers préalable à une entrée dans un pays ayant instauré une taxe aux frontières).

Cette taxe aux frontières ne peut être instaurée à la fois que :
- postérieurement à un échec de la négociation internationale,
- après la mise en place d'une taxation interne à la France dont elle constituerait une contrepartie au maximum équivalente,
- dans un cadre européen pour minimiser les processus de contournement.

2.5 - UNE CONTRIBUTION CLIMAT-ENERGIE EUROPEENNE

L'opportunité d'un tel mécanisme mérite d'être étudiée au plan européen. Elle effacerait tout risque de disparité de concurrence et permettrait à chaque pays d'opter sur la forme de compensation selon la structure de sa fiscalité. Ce système étant une accise ne nécessiterait pas d'unanimité parmi les Etats-membres et son instauration peut être progressive. Néanmoins, l'actuelle crise financière et économique a souligné la nécessité d'une convergence des régimes fiscaux tant les écarts existants deviennent de plus en plus perturbateurs à mesure que les échanges financiers internationaux se développent.

2.6 - L'INTEGRATION D'UNE DEMARCHE FISCALE DANS LA NEGOCIATION CLIMAT

A la lumière de l'actuel de crise financière, les mécanismes de Kyoto, qui sont des paiements à terme, paraissent instables. On assiste dès lors dans les débats à un retour en faveur de l'idée de taxe internationale. La principale proposition, qui émane de la Suisse, consisterait à taxer toutes les émissions de carbone au-delà de 1,5 tonne par habitant afin d'alimenter les fonds de la Convention de Rio et du Protocole. Le produit de la taxe servirait à aider ainsi les pays en développement à s'engager dans un développement sobre en carbone, à s'adapter aux effets du changement climatique, à lutter contre la déforestation et à acquérir des technologies.

Une taxe internationale aurait trois qualités :
- Intégrer uniformément une valeur additionnelle du carbone ;
- Alimenter un financement pérenne en direction des pays en développement, notamment pour leur permettre de s'adapter au changement climatique, de lutter contre la déforestation et progresser vers un développement sobre en carbone ;
- Constituer un mécanisme simple et clair pour la négociation politique, protégé des mécanismes spéculatifs et constituant un signal fort vers plus d'équité universelle.

3 - LES CRITERES D'EFFICACITE D'UNE CONTRIBUTION CLIMAT-ENERGIE

3.1 - EFFICACITE ENVIRONNEMENTALE : DONNER UN SIGNAL CLAIR QUANT A LA NECESSITE DE LUTTER CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

L'objectif premier de cette contribution climat-énergie est qu'elle doit inciter à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elle devra donc porter sur tous les gaz à effet de serre au prorata de leur responsabilité au changement climatique.

En pratique, cette contribution concernera les consommations de combustibles fossiles (pétrole, gaz naturel, charbon), les sources d'émission de méthane (mise en décharge des déchets organiques et certaines pratiques agricoles), les sources d'émissions d'oxyde nitreux (ses émissions par l'industrie et les engrais azotés) et les sources d'émissions de gaz fluorés.

Son niveau ne devra pas être symbolique, avec un taux de taxation trop faible, car elle doit modifier les arbitrages économiques en offrant un réel attrait aux technologies et aux investissements qui induisent moins d'émissions de gaz à effet de serre.

3.2 - EFFICACITE ENERGETIQUE : TAXER AUSSI LES ENERGIES AUTRES QUE LES COMBUSTIBLES FOSSILES

- Une contribution carbone stricte :

deux options sont possibles :
o Une taxation du contenu en carbone des produits,
o Une taxation des combustibles fossiles.

Si la première apparaît intellectuellement satisfaisante, elle nécessite une approche du « berceau à la tombe » sur le mode du bilan carbone de produit. Cette démarche est très difficile à valider (risque d'omission et de double-compte), elle est impropre pour des produits à évolutions fréquentes ou à variantes multiples. Si l'on retient pour principes de base en matière fiscale la simplicité d'assiette, la stabilité et la facilité de contrôle, cette option apparaît hors de portée.

La seconde option consiste en une taxe à taux fixe qui s'appliquerait sur les sources de gaz à effet de serre. Son niveau pourrait être proportionnel au prix HT ou fixe (comme la TIPP). Son principal atout : un rendement fiscal stable. C'est une contribution carbone stricte que semble privilégier le Premier Ministre.

- Une contribution climat énergie

Une contribution climat-énergie constituera une avancée déterminante si elle couvre à la fois la question du changement climatique et contribue à accroître l'efficacité des différents usages de l'énergie en aidant aussi à réduire toutes formes de pollutions de l'air et de risques. Cette contribution devra porter ainsi sur le nucléaire, pour éviter que la lutte contre le changement climatique ne se traduise que par une substitution d'un risque par un autre alors qu'il faut avant tout améliorer l'efficacité de l'utilisation des ressources. On peut aller plus loin et plaider plus simplement en faveur de la taxation de toute énergie consommée au nom de la claire priorité à l'efficacité de l'usage de l'énergie.

Le compromis adopté par la plupart des pays européens qui ont instauré une taxe carbone est le suivant : une exonération des énergies renouvelables car peu concernées par des impacts environnementaux irréversibles et une taxation du nucléaire au titre de ses propres impacts potentiels sur la santé et l'environnement, même si celles-ci sont d'une autre nature. Il s'avère qu'un accord européen ne sera possible sans respecter cette symétrie climat-énergie.

Deux arguments plaident également pour une taxation de l'électricité :
- Les usages de l'électricité de pointe sont ceux qui dimensionnent le parc électrique et qui coûtent le plus cher (chauffage électrique et éclairage domestique). Ils doivent faire appel à des combustibles fossiles (turbines à gaz essentiellement) et ont donc un contenu carbone élevé.
- Les économies d'électricité sur la plaque européenne évitent la production d'électricité des centrales les plus chères et les plus polluantes, souvent celle d'une centrale au charbon allemande. En raisonnement

La contribution climat-énergie doit faciliter la mutation des divers secteurs de l'économie. Cela signifie clairement qu'il faut éviter de donner à la fiscalité un rôle punitif qui, d'ailleurs, ne ferait que transférer les activités industrielles émettrices de gaz à effet de serre vers des pays sans obligation internationale de réduction de leurs émissions. L'efficacité de la contribution climat-énergie ne peut résulter du seul effet prix (d'ailleurs bien modeste même en cas d'une valeur de 32 € la tonne de CO2, a fortiori à 14 €).

Pour cela, la mise en place de la contribution climat-énergie doit comprendre quatre réglages :

Sa progression

D'abord, avoir une montée en régime progressive sur plusieurs années afin de permettre aux acteurs économiques de s'y préparer et de réaliser les investissements nécessaires pour réduire leurs émissions. La contribution climat-énergie doit s'inscrire dans un dispositif complet avec des signaux forts pour les acteurs aient les moyens de résoudre le problème posé et ainsi d'éviter tout simplement de subir la hausse des prix provoquée la taxe.


Son rendement

Cette contribution ne constitue pas une fiscalité de rapport mais vise au contraire à organiser la diminution de ce qu'elle taxe, c'est-à-dire les émissions néfastes de gaz à effet de serre. Il s'agit là d'un usage vertueux de la fiscalité.

Sa visibilité

Cette claire programmation dans le temps du rythme d'augmentation de la contribution climat-énergie pour susciter des comportements d'incitation implique le lancement d'une campagne d'information à destination des entreprises et du grand public. Cette progression de la mesure doit être organisée dans une temporalité calée sur les capacités de progression des acteurs.

Son accompagnement

Enfin, la mise en place de cette contribution doit donc être associée à diverses mesures facilitant la mutation recherchée, qu'un seul effet prix ne pourrait atteindre : un renforcement des programmes de recherche et d'innovation, un accès facilité à l'expertise et à la formation continue et une communication et des conseils dispensés aux ménages. Dans certains cas, des aides financières seront utiles pour aider à la réalisation de la mutation.

La cohabitation avec le système de quotas européen

Il faudra également trancher à propos de la juxtaposition entre le marché européen des quotas échangeables et une taxe carbone. S'il est clair que l'on ne peut les cumuler, il faudra régler la question de la disparité qu'engendrerait le fait que certaines entreprises seraient soumises au système européen des quotas tandis que d'autres seraient assujetties à la taxe. La même question se pose pour la production d'électricité elle aussi couverte par le système européen des quotas échangeables.

L'évolution de la taxe par rapport aux fluctuations des prix du pétrole

L'efficacité de la contribution climat énergie découlera de l'effet prix ressenti par le ménage, l'entreprise ou la collectivité qui aura à l'acquitter. Toutefois, ce signal prix variera en fonction des mouvements erratiques des prix des énergies, dont les écarts sont plus importants que le niveau de la contribution. Il y a là un phénomène complexe à suivre de près dans le futur.

L'année 2008 a été lourde d'enseignements en ce qui concerne les variations des prix du pétrole et leurs effets économiques et sociaux dévastateurs. Des prix élevés des énergies n'induisent guère des comportements rationnels d'investissements d'économie d'énergie si l'on s'attend à des fluctuations aussi fortes qu'imprévisibles. C'est la prévisibilité des prix qui influe sur les comportements des entreprises comme des ménages.


3.5 - EFFICACITE SOCIALE : PARER AUX EFFETS SOCIAUX NEGATIFS

Comme la part du budget consacrée aux consommations d'énergie pour le chauffage et les déplacements pèse proportionnellement plus lourd pour les ménages modestes que pour les ménages aisés, des contreparties sociales devront venir soulager le poids de la contribution climat-énergie pour ces ménages, tout en les incitant à réduire leurs émissions. Mais les disparités de poids sur les budgets des ménages seraient surtout fortes entre les ruraux et les urbains. Les ménages ruraux ou banlieusards ont une forte dépendance de la voiture avec de longues distances à parcourir, souvent sans transports collectifs offrant une alternative. A cela s'ajoutent souvent de fortes dépenses de chauffage faute de réseau gaz.

De nombreuses dispositions visant à réduire cette pression fiscale sont envisageables :

- une compensation en direction des populations les plus modestes à travers une compensation dont la forme est à définir ; celle-ci doit permettre d'effacer la perte immédiate de pouvoir d'achat à court terme tout en les incitant à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et à économiser l'énergie ;

- une aide au logement ou tout mécanisme permettant de cibler les zones rurales et les banlieues mal desservies en transports collectifs.

Le débat qui s'ouvre devra permettre d'arbitrer sur cet aspect fondamental. La neutralité fiscale invoquée dans le projet gouvernemental ne peut être constatée au seul niveau de l'économie nationale. Le projet doit être conçu pour avoir au minimum une neutralité fiscale au niveau des couches de populations les plus modestes.

3.6 - EFFICACITE TERRITORIALE : DONNER AUX COLLECTIVITES LOCALES UN INTERET FINANCIER DIRECT A METTRE EN ŒUVRE LES PLANS CLIMAT TERRITORIAUX

Enfin, comme la lutte contre le changement climatique doit associer les collectivités territoriales qui mettent en œuvre ou coordonnent une large part des investissements concernant les bâtiments, les réseaux de transports, la valorisation des énergies renouvelables, la gestion des déchets (...), les mécanismes économiques mis en place devront avoir un effet incitatif sur ces collectivités. Cette question serait d'autant plus à traiter si la mise en place de la contribution climat-énergie est accompagnée d'une suppression de la taxe professionnelle, source de ressources pour elles.

4 - LE CONTENU DE LA PROPOSITION DE CONTRIBUTION CLIMAT-ENERGIE


4.1 - L'APPLICATION DE LA CONTRIBUTION CLIMAT-ENERGIE

Les bases d'une fiscalité carbone pourraient être les suivantes :
- Un niveau initial de la contribution climat-énergie qui assure sa crédibilité ; il convient de s'en tenir au niveau de 32 €/tCO2 initialement proposé par les économistes afin qu'elle permette de placer la France dans la trajectoire nécessaire de modération de ses émissions de gaz à effet de serre ;
- Une montée en régime progressive de la contribution climat-énergie par une augmentation annuelle de l'ordre de 5euros /tCO2 par an ;
- Les recettes de la contribution climat-énergie acquittée par les ménages d'un côté et par les entreprises d'un autre devront faire l'objet de réductions d'impôts ou de compensations financières équivalentes ;
- Un mécanisme d'accompagnement (information, conseil, incitation) qui serait suffisamment puissant pour influer sur les décisions et démultiplier l'effet prix de la contribution climat-énergie ;
- Une réduction en contrepartie de la fiscalité qui pèse sur l'emploi ou d'autres ressources fiscales dès lors que les mécanismes de compensation sociale auront atteints leurs objectifs ainsi que les dispositifs d'incitation à réduire les émissions et à économiser l'énergie ;
- Un intéressement des collectivités territoriales à l'action.

Les composantes qui précèdent doivent être mises en place simultanément.

4.2 - LA RECETTE DE LA CONTRIBUTION CLIMAT ENERGIE

L'assiette
- Toutes les consommations d'énergie,
- Les émissions des autres gaz à effet de serre, notamment les émissions de méthane.

Le niveau
- 32 €/ la tonne de CO2. Il est clair qu'au niveau de 14 € la tonne de CO2, c'est-à-dire, 3c€ au litre de carburant, il n'y a aucun effet prix. Les oscillations récemment connues des prix du pétrole étaient 20 fois supérieures.
- Les recettes fiscales qui en résulteraient seraient soit de 8 milliards d'€ dans le premier cas et de 3 milliards d'€ dans le second. Dans cette dernière hypothèse, ce produit ne peut servir qu'à financer les contreparties sociales pour les populations les plus touchées et des actions d'accompagnement.
- Un niveau d'entrée de la contribution climat-énergie trop bas rendrait impossible l'évaluation de son efficacité et risque, après une mise en place décevante, d'entraîner son abandon.


La progression
- Un objectif de progression qui soit étalé sur environ 15 ans. 15 ans est la durée de vie de la majeure partie des équipements de consommation usuels (la voiture, les appareils électroménagers, la chaudière...). C'est donc la durée nécessaire pour, qu'à partir des actes d'achat attentifs en particulier, un ménage puisse réduire de façon significative ses émissions ;
- Sur la base d'une augmentation progressive de 5 € la tonne de carbone par an, la recette annuelle additionnelle serait d'un milliard d'€ chaque année. Cela conduirait à une valeur comprise entre 87 € la tonne de CO2 en 2020 et une recette totale de 23 milliards d'€ si la valeur de la première année est de 32 €/tCO2. Celle-ci serait alors largement suffisante pour à la fois assurer les compensations sociales, stimuler les politiques de lutte contre le changement climatique, développer les transports collectifs et se substituer à d'autres ressources fiscales.


4.3 - LES ALLEGEMENTS EN COMPENSATION

La compensation de la mise en place de la contribution climat-énergie doit se faire d'abord au plan social.

La compensation sociale
- En zones rurales et dans les zones urbaines périphériques, compensation en direction des populations les plus exposées ;

L'utilisation d'une partie du produit de la taxe pour maîtriser l'énergie
- Seconde priorité, les mesures d'accompagnement pour orienter les décisions (d'investissement, d'achat de biens de consommation et d'usage) pour faire en sorte que la transition se fasse le plus vite possible grâce à des décisions de la meilleure qualité possible.
- Ce soutien qui vise à progresser dans le sens d'une meilleure efficacité énergétique, de la valorisation des ressources renouvelables et de l'amélioration des transports, est d'autant plus important qu'il conditionne la progressivité de la contribution climat-énergie dès lors que l'on cherche à éviter des effets économiques et sociaux négatifs sur les acteurs les plus fragiles.

L'utilisation du produit de la taxe pour financer d'autres mesures incitatives
Cette option est alternative (au moins partiellement) à celle d'une taxe qui correspondrait à une réforme fiscale à niveau constant de prélèvements obligatoires.

Le produit de cette taxe pourrait alors avoir deux affectations principales :
- Financer la lutte contre le changement climatique notamment les dépenses les plus lourdes à temps de retour élevé, comme les transports publics, les programmes de recherche,... ;
- Alimenter la contribution que la France devra assurer pour soutenir les pays en développement (adaptation, lutte contre la déforestation, programmes engageant dans la voie d'un développement sobre en carbone.

La prise en charge de ces trois cibles pourra se faire progressivement à mesure que le niveau de la taxe s'élèvera.


5 - DONNER DES GARANTIES A LA SOCIETE

La qualité du processus démocratique est évidemment la condition fondamentale d'acceptation dans un contexte économique très difficile.

L'efficacité de cette contribution climat-énergie ne va pas seulement résulter d'une décision formelle initiale mais découlera de la plus large acceptation possible quant à la cohérence des choix d'assiette et de montant, à la détermination des autres impôts à réduire et surtout quant à la montée en puissance graduelle. En outre, elle va impliquer des réglages annuels de sa progression, qui seront autant d'occasion de blocage si la décision est prise brutalement sans bénéficier des soutiens solides.

Cette nécessité de concertation ne s'arrêtera pas à la décision initiale de lancement. Se donner du temps ne sera pas inutile. Il faudra rechercher l'accord du patronat, des entreprises, des ONG, des collectivités locales, bref de tous les partenaires du Grenelle de l'environnement. La mise en place de cette contribution climat-énergie dans le cadre d'une indispensable réforme fiscale et avec en toile de fond une négociation internationale décisive est une occasion unique pour convenir d'un mécanisme compris, efficace et stable dans la durée. Les réformes qui réussissent sont évidemment celles qui recherchent le soutien public le plus large possible.

5.1 - UN PACTE ENTRE LES PARTIS POLITIQUES ?

Un autre argument souvent invoqué contre une fiscalité carbone résulte du manque de confiance dans la pérennité des engagements politiques.

En effet, une fiscalité climat-énergie exige à la fois :
- Une stabilité relative du système malgré les alternances politiques ;
- Un réglage régulier du dispositif pour incrémenter régulièrement le niveau de la taxe et, si l'option est retenue, de tenir compte des fluctuations des cours du pétrole, ce qui offre autant d'occasions de contestation.

La réponse à cette difficulté serait un consensus au Parlement. Un précédent a été constitué par l'accord qui avait permis l'adoption de la loi d'orientation sur les lois de finances (la LOLF préparée par MM. Lambert et Migaud).

La nécessité d'un tel pacte est d'autant plus importante que la question fiscale ne peut être abordée isolément. Elle constitue une des nombreuses composantes de la politique énergétique et de la lutte contre le changement climatique. Une fiscalité ne peut atteindre à elle seule tous les résultats escomptés. L'acceptabilité sociale, notamment par les populations les plus modestes, dépendra des compensations sociales et de leur progressivité. C'est donc un dispositif d'ensemble qu'il faut concevoir.

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