Concentrées sur leur objectif de maintien de la stabilité des prix à la consommation, les banques centrales n'ont pas pris en compte l'évolution des prix d'actifs (immobilier, actions, matières premières...), dont la hausse a été alimentée par le développement du crédit suite aux politiques monétaires menées ces dernières années. Dans cette note, Philippe Sabuco propose de relancer la réflexion sur les missions et mandats de la Banque centrale européenne, à l'heure où Mario Draghi prend ses fonctions de Président : il propose une évolution du rôle de la BCE vers une double surveillance des prix à la consommation et des prix d'actifs. La BCE pourrait ainsi jouer un rôle central dans la prévention des bulles sur les prix d'actifs, à l'origine des crises bancaires systémiques.
Les politiques monétaires menées au cours de la dernière décennie n'ont pas permis d'éviter la crise financière actuelle. Pour certains observateurs, au contraire, ces politiques - jugées accommodantes - seraient à l'origine de la crise. Redoutant le risque déflationniste suite à l'éclatement de la bulle Internet au début des années 2000, les banques centrales - particulièrement la FED - ont laissé leurs taux directeurs à des niveaux historiquement bas, alimentant ainsi une dynamique du crédit exceptionnellement soutenue. L'expansion du crédit s'est traduite par une hausse spectaculaire du prix des actifs, notamment immobiliers. A titre d'illustration, l'augmentation cumulée des prix réels des logements américains a dépassé 90 % entre 1996 et 2006 (année du pic des prix des logements). Concentrées sur leur objectif explicite de maintien de la stabilité des prix - telle que mesurée par l'indice des prix à la consommation -, les banques centrales n'ont pas pris en compte l'évolution des prix d'actifs (actions, obligations, immobilier, matières premières...). Or, l'observation de séries temporelles sur les prix à la consommation et les prix d'actifs indique que leurs évolutions sont le plus souvent décorrélées. Ce constat milite donc en faveur d'une double surveillance : les prix à la consommation d'un côté, et les prix d'actifs de l'autre. D'une certaine manière, la politique monétaire - dans sa conception actuelle - est hémiplégique car seulement focalisée sur l'évolution des prix de certains biens et services. Il est donc urgent que la politique monétaire marche enfin sur ces deux jambes. Dans cette note, nous proposons que la banque centrale intervienne afin d'éviter la formation de bulles sur les prix d'actifs alimentées par le crédit, bulles à l'origine des crises bancaires systémiques. Cette considération nous conduit à proposer ici un nouveau mandat explicite pour la BCE : la stabilité des prix d'actifs. La BCE devra veiller tout particulièrement à la stabilité des prix immobiliers, constante historique des crises bancaires systémiques. Enfin, il conviendra de privilégier l'adoption par la BCE d'un instrument de régulation unique pour atteindre cet objectif : les réserves obligatoires et progressives sur les crédits. La dernière crise bancaire systémique - dont les conséquences économiques et sociales se font encore durement ressentir - a démontré que ces pistes de réflexion méritaient d'être étudiées avec la plus grande attention. L'application des mesures présentées ici constituerait une avancée majeure dans la prévention des crises bancaires de nature systémique et le maintien de la stabilité financière. A l'heure où Jean-Claude Trichet vient de quitter ses fonctions de Président de la BCE - après huit années passées à la tête de l'institution - au profit de Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale italienne, il semble particulièrement opportun de relancer dès à présent le débat sur les objectifs et les mandats de la BCE. Cette réforme importante pourrait figurer à l'agenda politique européen du futur président de la République.Billet de blog 10 novembre 2011
Face à la crise financière, un nouveau mandat pour la BCE : la stabilité des prix d'actifs
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