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Billet de blog 16 septembre 2009

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Politique fiscale 2002-2009 : la contre réforme

Daniel Vasseur, économiste, et Thomas Chalumeau, coordinateur du pôle "économie et finances" de Terra Nova dressent ici le bilan de la politique fiscale menée depuis 2002 par la droite au pouvoir. Elle se caractérise par une politique systématique de « redistribution à l’envers » : 20 milliards d’euros par an, plus d’un point de la richesse nationale, sont pris aux classes moyennes pour être redistribués aux ménages les plus aisés.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Daniel Vasseur, économiste, et Thomas Chalumeau, coordinateur du pôle "économie et finances" de Terra Nova dressent ici le bilan de la politique fiscale menée depuis 2002 par la droite au pouvoir. Elle se caractérise par une politique systématique de « redistribution à l’envers » : 20 milliards d’euros par an, plus d’un point de la richesse nationale, sont pris aux classes moyennes pour être redistribués aux ménages les plus aisés. Qui plus est, cette politique favorise la rente contre le travail. Elle vient se greffer sur un système fiscal français structurellement peu redistributif. Il est grand temps que les progressistes s’attaquent à une réforme fiscale de grande ampleur. Telle sera l’ambition de Terra Nova dans les mois qui viennent.


Quel bilan peut-on tirer de la politique fiscale menée par la droite au pouvoir depuis 2002 ?

Elle se caractérise pour l’essentiel par une véritable contre-réforme au plan social, à travers une politique agressive et systématique de « redistribution à l’envers ». Ainsi :

1. La politique fiscale est marquée par une forte baisse des impôts au profit des ménages les plus aisés. Les deux-tiers des baisses d’impôts de la période, soit 20 milliards d’euros par an sur un total de 30, ont été fléchés vers les plus riches.

C’est le cas de l’essentiel des réformes « phares » décidées par l’exécutif depuis 2002 : de la réforme de l'impôt sur le revenu (IR), à la baisse de l’ISF et de la fiscalité des successions et donations, en passant par la création du bouclier fiscal et la réduction d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile.

2. Cette redistribution au profit des plus aisés a été financée par des prélèvements équivalents sur les classes moyennes. Ces prélèvements ont notamment transité via la fiscalité locale et les prélèvements sociaux. C’est ce qui explique que les prélèvements obligatoires soient restés stables sur la période, autour de 43% du PIB, en dépit des baisses d’impôts. Au total, plus d’un point de la richesse nationale a été pris des poches de tous les Français pour être donné aux ménages les plus riches.

3. Cette redistribution est également financée par les prélèvements sur les jeunes, et les générations futures. Les baisses de recettes fiscales ont en effet été en partie financées par l’endettement, via un creusement du déficit budgétaire, qui devra in fine être remboursé par les générations futures.

4. La politique fiscale a été orientée vers la rente, en contradiction avec l’objectif affiché de revaloriser le travail. C’est une révolution discrète : depuis 2002, la fiscalité du patrimoine et de ses revenus a été considérablement et systématiquement affaiblie, là encore au profit des ménages les plus aisés.

5. La politique fiscale s’avère d’une grande continuité. La même politique est poursuivie dans les ères Raffarin-Villepin (2002-2007) et Sarkozy (depuis 2007). Le tiers des baisses d’impôts au profit des contribuables les plus riches est imputable à la seule période d’après-mai 2007. Le rythme des cadeaux fiscaux aux plus aisés s’est même un peu accéléré : 2.4 milliards d’euros par an de 2002 à 2007, 3 milliards depuis 2007…

Cette politique injuste vient se greffer sur un système fiscalo-social qui se caractérisait déjà par sa faible redistributivité. Aujourd’hui, la fiscalité française est devenue régressive. Notre système fiscal marche sur la tête.

6. La politique fiscale a ainsi accru méthodiquement les inégalités dans notre pays, renforçant des inégalités de marché qui sont pourtant déjà en croissance importante. « Donner plus à ceux qui ont plus » : tel est le crédo suivi depuis 2002, au détriment de tous les Français, et notamment des classes moyennes.

Cette contre-réforme sociale s’accompagne d’un bilan négatif sur les autres objectifs de la politique fiscale.

Un bilan économique médiocre, avec une série de mesures fiscales contre-productives pour la croissance et l’emploi : une redistribution sociale à l’envers qui affaiblit la consommation populaire, des exonérations pour les heures supplémentaires qui ont provoqué une forte accentuation du chômage, des mesures clientélistes chères et inutiles comme la baisse de la TVA pour la restauration.

Un bilan écologique plus que modeste – et la taxe carbone pourrait s’avérer une grande occasion ratée de faire enfin émerger la fiscalité environnementale en France.

Un bilan budgétaire préoccupant, avec un endettement public qui dérive rapidement.

Un bilan structurel inexistant, avec le report de la nécessaire réforme des structures du système fiscal français caractérisé par la complexité, l’accumulation et l’incohérence.

La politique fiscale apparaît sans doute comme la politique la plus contestable de Nicolas Sarkozy, et de la droite au pouvoir depuis 2002.

Il est grand temps pour les progressistes de travailler à une réforme fiscale d’ensemble, fixant des objectifs clairs, notamment sociaux, et restructurant les impôts français en fonction de ces objectifs. C’est la tâche que se fixe Terra Nova dans les prochains mois.


Une politique fiscale peut être jugée à l’aune de plusieurs objectifs. Objectif social : la politique fiscale corrige-t-elle les inégalités ? Objectif économique : la politique fiscale contribue-t-elle au soutien de la croissance et de l’emploi ? Objectif de lutte contre les externalités négatives : la politique fiscale participe-t-elle, notamment, à la préservation de l’environnement et à la lutte contre le réchauffement climatique ? Objectif budgétaire : la politique fiscale assure-t-elle un financement sain des finances publiques.

Sur aucun de ces objectifs, la politique fiscale des gouvernements conservateurs, d’une grande continuité depuis 2002, n’apparaît satisfaisante. Elle s’apparente même à une véritable contre-réforme en matière sociale.

1 - BILAN SOCIAL : UNE POLITIQUE AGRESSIVE DE REDISTRIBUTION A L’ENVERS

« Donner plus à ceux qui ont plus » : tel a été le mot d’ordre implicite des gouvernements de droite successifs, alors même que la tendance est à la forte augmentation des inégalités de marché. Cette politique fiscale contribue à renforcer une caractéristique du système fiscal français : sa très faible redistributivité sociale.

1.1 - POLITIQUE FISCALE 2002-2009 : DES BAISSES D’IMPOT MASSIVES POUR LES PLUS RICHES FINANCEES PAR LES CLASSES MOYENNES

De multiples baisses d’impôt au profit exclusif des plus favorisés…

Bilan non-exhaustif des réductions d’impôts ayant principalement bénéficié aux catégories les plus favorisées

Coût pour le Budget de l’Etat en Mds d’euros en régime de croisière (2010)

Bilan des réductions d’impôts
Total des mesures identifiées

Coût pour le Budget de l’Etat en Mds d’euros en régime de croisière (2010) hors crédit recherche (4 Mds€)

Période « Sarkozy » (2007-2009)Milliards d’euros 2010Baisse des droits de mutation à titre gratuit2,3Crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt immobilier2Extension du bouclier fiscal0,4Réduction d’ISF pour investissement et relèvement de l’abattement pour résidence principale0,9Prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes0,2Exonération des heures supplémentaires4,4[1]TVA sur la restauration2,4Sous-total12,6[2]

[1] Estimation du coût annuel de la mesure pour le Budget de l’Etat lors du lancement de la mesure fin 2007 avant possible révision à la baisse du fait de l’impact de la récession sur le volume d’heures consommées.

[2] Cour des Comptes, synthèse de son rapport sur l’exécution budgétaire 2008 annexé au projet de loi de règlement (Juillet 2009)

Bilan des réductions d’impôts

Total des mesures identifiées

Coût pour le Budget de l’Etat en Mds d’euros en régime de croisière (2010) hors crédit recherche (4 Mds€)

Périodes « Raffarin / Villepin » (2002-2007) Réformes successives de l’impôt sur le revenu de 2002 à 2006 (baisse de 2002, plan triennal, réforme du PLF 2006)11Mise en place du bouclier fiscal0,4Précédente réduction d’ISF pour souscription au capital d’une PME0,2Précédents allègements de droits de mutation à titre gratuit (successions, donations)1Plafonnement de la taxe professionnelle3,2Sous-total15,8

De ces tableaux consolidés de la période 2002-2009, on peut tirer plusieurs enseignements :

- Les baisses d’impôts décidées depuis 2002 amputeront en 2010 les recettes fiscales de l’Etat de près de 30 milliards d’euros par an. C’est considérable. Les recettes du budget de l’Etat se situant autour de 270 milliards, les recettes fiscales on donc baissé d’à peu près 10%.

- Près des deux-tiers des baisses d’impôts, autour de 20 milliards d’euros, auront bénéficié aux contribuables les plus riches. C’est le cas de toutes les réformes « phares » décidées par l’exécutif depuis 2002 : réforme de l'impôt sur le revenu (IR), baisse de l’ISF et de la fiscalité des successions et donations, création du bouclier fiscal, réduction d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile.

C’est le cas même pour l’impôt sur le revenu, dont la baisse semble en apparence s’adresser à tous les Français. Selon étude de l’OFCE publiée en novembre 2006 sur les mesures de baisse de l’impôt sur le revenu prévues au budget 2007, celles-ci devaient bénéficier pour 70% aux 20% de foyers imposables les plus favorisés, pour 20% seulement aux « classes moyennes » au sens large (50 % de la population) et pour… 2% seulement aux 10 % de ménages les plus pauvres (par définition, puisque ces derniers paient peu ou pas du tout d’impôt sur le revenu).

- A l’inverse, les mesures fiscales redistributives au profit des ménages modestes ont été très limitées, de l’ordre de 3 milliards d’euros.

Il s’agit pour l’essentiel de deux mesures : la taxation des revenus du capital destinée à financer le revenu de solidarité active (RSA) versé aux plus démunis, pour un montant de 1,5 milliard d’euros ; et l’augmentation progressive de la prime pour l’emploi (il s’agit d’un crédit d’impôt), pour 1,4 milliard (son coût étant passé de 2,5 Md d’euros en 2001 à 3,9 Md en 2009). Le reste a été anecdotique : faut-il citer l’exonération dont bénéficient les salaires perçus par les étudiants, d’un coût de…40 millions d’euros ?

- Il y a une grande continuité sur la période, entre les ères Raffarin-Villepin et Sarkozy. Le tiers des baisses d’impôts au profit des contribuables les plus riches est imputable à la seule période d’après-mai 2007. Le rythme des cadeaux fiscaux aux plus aisés s’est même un peu accéléré : 2.4 milliards d’euros par an de 2002 à 2007, 3 milliards depuis 2007…

…. Et compensées par l’augmentation des prélèvements sur tous les autres, en particulier sur les classes moyennes

Le taux de prélèvements obligatoires est en effet resté relativement stable sur la période. Malgré la multiplication des mesures de baisses d’impôt, ce taux de prélèvement atteint 42,8 % en 2008, contre 43,1% en 2002.

La baisse du taux de prélèvements obligatoires attendue pour 2009 - il devrait diminuer sensiblement cette année à 42 % du PIB - n’est pas significative. Elle sera principalement le reflet de l'effondrement conjoncturel des recettes fiscales liées à la crise , plutôt que des mesures du plan de relance .

C’est que les baisses d’impôts au profit des plus riches sont compensées par des hausses simultanées d’autres prélèvements obligatoires. Ces hausses concernent avant tout les classes moyennes :

- Hausse de la fiscalité locale.

La fiscalité locale est une fiscalité injuste, au caractère largement régressif. Or les impôts perçus par les collectivités locales ont augmenté de 4,9% à 5,8% du PIB sur la période.

L’essentiel de cette hausse s’explique par les transferts de charges croissants en provenance de l’Etat (34 milliards d’euros de 2004 à 2008, selon la Cour des Comptes). Ces transferts de charges sont certes compensés par des transferts de recettes à peu près équivalents la première année. Mais leurs dynamiques n’ont rien à voir : les charges transférées (dans le domaine social notamment) évoluent à un rythme élevé, ce qui n’est pas le cas des recettes d’impôts d’Etat transférées (TIPP, taxe spéciale sur les conventions d’assurances…). Le déficit entre charges et recettes transférées se creusent ainsi rapidement année après année, obligeant à une augmentation de la fiscalité locale.

- Hausse des prélèvements sociaux.

Les classes moyennes ont subi une ponction croissante au titre des prélèvements sociaux : plus de 8 milliards d’euros sur la période au titre des diverses hausses de prélèvements sociaux (hausse de la CSG dans le cadre de la réforme de l’assurance maladie, loi vieillissement et solidarité, qui a organisé le financement de l’allocation personnelle pour l’autonomie…).

La sécurité sociale bénéficie du même « vice de fonctionnement » que la fiscalité locale, avec des transferts de recettes fiscales récurrents dont l’assiette est découplée de l’assiette des dépenses sociales : taxe sur les véhicules de société, transfert d’une partie des recettes de CSG du fonds de solidarité vieillesse à la caisse d’amortissement de la dette sociale, TVA brute sur les boissons alcoolisées, affectation de la cotisation sociale sur les bénéfices, droits de licence sur les débitants de tabac…Dès lors, le « trou » de la sécurité sociale se creuse mécaniquement année après année. Son comblement est porté pour l’essentiel par les classes moyennes et populaires, à travers des prélèvements sociaux non progressifs ou des déremboursements au premier euro qui frappent d’abord les plus modestes (franchises, hausses des forfaits).

Au total, depuis 2002, les gouvernements de droite mènent une politique continue et agressive de « redistribution à l’envers ». Ils ont pris 20 milliards d’euros (soit plus d’un point de la richesse nationale) des poches de tous les Français pour les donner aux ménages les plus riches.

1.2 - LA FISCALITE DES MENAGES EN 2009 : UN SYSTEME INJUSTE, QUI NE REMPLIT PLUS SON OBJECTIF DE CORRECTION DES INEGALITES

Les mesures prises depuis 2002 auraient pu avoir une légitimité politique si le système fiscal français présentait un profil très redistributif. Mais ce n’est pas le cas. Le rapport Ducamin de 1994 avait montré au contraire que le système fiscalo-social, en dépit de prélèvements élevés, était « plat » : il ponctionnait autour de 55% des revenus aux ménages, quel que soit leur niveau de revenu. La politique fiscale régressive menée depuis 2002 vient donc dérégler plus avant un système qui, structurellement, ne corrige pas les inégalités de revenus.

Un impôt sur le revenu affaibli

La France se caractérise par l’impôt sur le revenu (le principal impôt progressif) le plus faible de l’OCDE. Il représente aujourd’hui moins de 15% des recettes fiscales de l’Etat contre 25% à 30% en moyenne dans les autres pays européens.

L’impôt sur le revenu n’a cessé donc de voir sa part reculer dans recettes fiscales de l’Etat depuis 2002. Sa chute s’élève à près d’1/5eme, passant 3,2% du PIB en 2001 à 2,6% du PIB en 2007. Alors que, parallèlement, le poids dans le PIB de la CSG, impôt proportionnel, s’accroissait de 4% à 4,2%.

Cet affaiblissement a fait l’objet d’une politique systématique depuis 2002. Dès la réélection de Jacques Chirac en 2002, le nouveau gouvernement a pris l’initiative d’une réduction de 5% de l’impôt sur le revenu au titre des revenus de 2001. Ce fut le geste inaugural d’une politique de baisse de l’impôt sur le revenu, poursuivie par la suite année après année, en particulier en 2003, 2004 et surtout en 2006 (réduction du nombre de tranches de 7 à 5, intégration dans le barème de l’abattement de 20%). Au final l’allègement aura atteint en moyenne 20% sur cette période.

Cette remise en cause de la progressivité a été couronnée par la création du bouclier fiscal, puis par son élargissement . Avant même son renforcement, plus des deux-tiers du coût du bouclier correspondait à des restitutions accordées à des contribuables d’un patrimoine… supérieur à 15 millions d’euros, et plus de 90% à des contribuables dont la patrimoine dépassait 3,7 millions d’euros.


Une lutte contre l’optimisation fiscale des ménages aisés jusqu’ici limitée

Le nombre dépenses fiscales (les « niches fiscales ») est une spécificité française : près de 400 niches en 2002 pour un coût d’environ 50 milliards d’euros correspondant environ à 3% du PIB.

Les niches ont continué à se multiplié pour atteindre 464 en 2009, représentant une moins-value globale pour les finances publiques de 69,1 milliards d’euros, soit 3,5% du PIB. La France est le pays du G7 qui compte le plus grand nombre de dépenses fiscales

Cette multiplication concerne particulièrement l’impôt sur le revenu, qui comprend près de 200 niches fiscales pour un coût approchant 40 milliards d’euros, soit le deux tiers du produit de l’IR et plus de la moitié du total des dépenses fiscales.

Néfaste à bien des points de vue, économique comme de la technique fiscale (cf infra), cette multiplication, apparaît donc aussi particulièrement inéquitable, puisqu’il s’agit à chaque fois d’une opportunité de plus pour des détenteurs de hauts revenus bien conseillés de réduire leur impôt. Pour en profiter, il faut en effet avoir les moyens de faire les investissements afférents et intérêt à rechercher une optimisation fiscale. Certaines niches fiscales sont presque explicitement destinées à des ménages favorisés, comme la réduction d’impôt pour l’emploi d’un salarié au domicile .

On en arrive ainsi à des résultats aberrants au sommet de l’échelle des revenus, le taux d’imposition pouvant diminuer avec le niveau du revenu. En 2006, les 25 000 contribuables dont les revenus imposables étaient les plus élevés acquittaient un impôt moyen équivalent d’à peine 25% de leur revenu fiscal de référence. Ce taux devient même inférieur à 20% pour les 10.000 contribuables les plus riches. 150 foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence était de l’ordre du million d’euros ont même pu, par ce biais, éviter de payer le moindre euro d’impôt, voire recevoir une restitution de la part du Trésor public.

Le plafonnement de certaines niches fiscales ne permet que de limiter la portée des cas les plus contestables car il n’empêche pas les contribuables aux revenus les plus élevés de cumuler le bénéfice des nombreux dispositifs existants aujourd’hui. Aussi la loi de finances initiale pour 2009 a-t-elle, enfin, introduit un mécanisme de plafonnement global, mais il prévoit de nombreuses exceptions (avantages fiscaux non-pris en compte) et un seuil d’application élevé (25 000 euros + 10% du revenu imposable)


Une pression fiscale sur le patrimoine et ses revenus considérablement diminuée : « vive la rente ! »

Il s’agit d’une révolution discrète mais d’une révolution quand même. Depuis 2002, la fiscalité du patrimoine et de ses revenus, et plus globalement de la rente, a été considérablement et systématiquement affaiblie, là encore au profit des ménages les plus aisés.

Une imposition des patrimoines progressivement grignotée

La baisse des droits de mutation contenue dans la loi TEPA n’a pas suscité toute l’attention qu’elle méritait. Voici une mesure d’un coût évalué à 2,3 milliard d’euros au seul bénéfice de ceux qui ont la chance d’hériter un capital.

Désormais, on estime à plus de 9 sur 10 la proportion d’héritiers en ligne directe qui n’auront plus à payer de droits de succession. Un couple de 50 ans peut transmettre un patrimoine de 1,5 million d’euros à ses deux enfants en franchise totale d’impôt au terme de deux donations puis d’un héritage pour le capital restant. La réduction des droits de succession n’a concerné qu’une minorité de ménages puisque 70% des successions étaient déjà exonérés de tout droit en 2005.

Il s’agit de mesures particulièrement injustes socialement, entraînant l’accumulation du capital et la reconstitution à terme de castes de rentiers.

Sur un plan économique, aussi, le bilan reste à dresser. Les gouvernements successifs depuis 2002 n’ont cessé de réduire les droits sur les successions et donations (dans le cadre des LFI de 2003, 2004, 2005, 2006 ou encore de la loi d’août 2004 relative au soutien à la consommation et à l’investissement), au prétexte de stimuler la consommation, voire dans le souci explicite de « lever les obstacles à la conservation du patrimoine au sein de la famille » (rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, associé au PLF de 2007). Pourtant, toutes les études économiques montrent que ces mesures sont défavorables à la croissance : la rente est l’ennemi du risque, donc de l’activité économique.

Quant à l’impôt de solidarité sur la fortune, il n’a cessé lui aussi d’être « réformé » à la baisse : l’augmentation 20% à 30% de l’abattement sur la valeur prise en compte pour les résidences principales, les réductions croissantes d’ISF à raison d’investissements faits directement ou non dans des PME (instaurées dès la loi pour l’initiative économique de 2003), l’assouplissement des critères d’éligibilité à la qualification de biens professionnels, les exonérations partielles concédées en contrepartie d’un engagement collectif de conservation des titres, le bouclier fiscal ont été autant d’entailles à un impôt, dont le dynamisme ne faisait que refléter l’augmentation de la valeur des patrimoines .

De même, sous les dehors d’une certaine neutralité, l’intégration de l’abattement de 20% dans le barème de l’impôt sur le revenu en 2006 a, en réalité, constitué un avantage important en faveur des revenus financiers encore soumis au barème, puisqu’auparavant cet abattement était réservé aux salaires

La généralisation des prélèvements forfaitaires sur les revenus du capital et des exonérations de taxation des plus-values

Un ensemble de réformes a dessiné depuis 2002 une tendance générale visant à faire échapper les revenus du capital à la progressivité de l’impôt sur le revenu, voire à toute taxation à ce titre. Celle évolution s’est traduit par une inégalité de traitement croissante, et paradoxale, entre revenus du travail et du capital.

Ainsi, depuis 2004, les plus-values immobilières (hors cessions des résidences principales déjà exonérées) sont imposables à un taux proportionnel, qui tient compte par ailleurs de la durée de détention des biens.

Puis, la loi de finances rectificative pour 2005 a exonéré partiellement d’impôt les plus-values réalisées par des actionnaires (sous condition d’une durée de détention des titres). Ainsi, on étend aux plus-values financières le régime très avantageux applicable aux plus-values immobilières – au prétexte, des plus vagues, de favoriser la stabilité de l’actionnariat des sociétés. Aucune étude précise n’est venue documenter l’efficacité d’une telle mesure fiscale.

Enfin, la loi de finances initiale pour 2008 a permis aux foyers d’opter pour le prélèvement forfaitaire libératoire en matière de dividendes.

Un accès à la propriété facilité pour les ménages aisés

Le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunts immobiliers est censé faciliter l’accession à la propriété de tous les Français. En réalité, cette subvention à l’accumulation de capital représente surtout un effet d’aubaine pour les ménages aisés. Elle constitue un appoint le plus souvent insuffisant pour ceux que leur niveau de revenus écarte de l’accession à la propriété, qui suppose un apport personnel, donc déjà un certain capital.

2 - BILAN ECONOMIQUE : UNE CONTRIBUTION NEGATIVE A LA CROISSANCE ET A L’EMPLOI.

Outre la redistribution sociale, la politique fiscale peut aussi se fixer un objectif de politique économique. C’est le cas de la politique fiscale de la droite depuis 2002. Les résultats ne sont pas au rendez-vous. Certaines des mesures mises en place ont même eu des effets clairement contre-productifs en matière de croissance et d’emploi.


2.1 – UN OBJECTIF AFFICHE DE LA POLITIQUE FISCALE DEPUIS 2002

Autant la droite a été peu disert sur les objectifs sociaux de sa politique fiscale, autant elle a affirmé sa volonté d’utiliser la fiscalité pour soutenir l’activité.

C’est notamment le cas de Nicolas Sarkozy. Lors de la campagne présidentielle, il fixait deux objectifs économiques à sa politique fiscale :

- une « révolution économique » visant à renforcer l’attractivité du site France : le futur président s’engageait notamment à la baisse de quatre points de PIB des prélèvements obligatoires, jugés trop élevés dans le cadre de la compétition internationale - soit une baisse de 70 milliards d’euros par an.

- une réorientation de la fiscalité afin de « revaloriser le travail », avec comme mesure phare une exonération des heures supplémentaires (double exonération de charges sociales et d’impôt sur le revenu).

2.2 – DES RESULTATS MEDIOCRES

Sur la base de la lecture des seuls résultats de l’économie française depuis 2002, l’efficacité de la politique suivie peut paraître douteuse :

- La croissance et le pouvoir d’achat ont été divisés par deux : 1,5% par an, contre 3 % entre 1997 et 2002. La France fait moins bien que la moyenne de l’Union européenne à 15 (un différentiel de croissance de un point de PIB par an par rapport à l’Allemagne) alors qu’elle était en tête des résultats de l’Union entre 1997 et 2002.

- Le commerce extérieur est historiquement déficitaire. L’effort de redressement entrepris dans les années 90 se trouve réduit à néant en quelques années.

2.3 – UNE POLITIQUE FISCALE CONTRE-PRODUCTIVE

Même à l’aune des objectifs économiques affichés, la politique fiscale menée depuis 2002 s’avère inappropriée.

D’abord, elle n’a pas tenu ses promesses. C’est le cas de l’engagement de baisse des prélèvements obligatoires par Nicolas Sarkozy. Les prélèvements demeurent stables en France autour de 43% du PIB. Seule la crise, par l’effondrement induit de l’assiette des recettes, va conjoncturellement entraîner leur baisse.

Ensuite, certaines mesures prises constituent des handicaps pour l’activité :

- La « redistribution à l’envers » organisée depuis 2002 freine la croissance.

Le principal moteur de la croissance en France, c’est la consommation des classes moyennes et populaires. La politique fiscale depuis 2002 a consisté à leur soustraire du pouvoir d’achat (20 milliards d’euros par an) pour le donner aux ménages aisés, qui consomment relativement moins et épargnent plus. L'épargne, qui était déjà élevée en France, a ainsi atteint des niveaux records (sans relancer pour autant l'investissement car elle sert à financer la dette publique et va se placer sur les marchés étrangers).

- L’exonération pour les heures supplémentaires est une mesure idéologique incompréhensible en période de crise, qui accélère le chômage.

Ces aides ont été largement utilisées : au quatrième trimestre 2008, en pleine récession centenaire de l’économie française, les entreprises ont déclaré avoir fait effectuer à leurs salariés 184 millions d’heures supplémentaires. Un peu plus qu’au troisième trimestre et surtout 40 millions d’heures de plus qu’au quatrième trimestre 2007 lorsque ce dispositif avait été mis en place. Ces quarante millions d’heures supplémentaires effectuées en plus sur un trimestre correspondent à 90 000 emplois à temps plein. L'accroissement du nombre des heures supplémentaires a ainsi concouru à la remontée brutale du chômage intervenue depuis l'été 2008. Premières victimes : les emplois précaires, avec le recul spectaculaire de l’intérim et des emplois en contrats à durée déterminée (CDD).

Ces mesures apparaissent d’autant plus contre-productives qu’elles sont très coûteuses : 4.4 milliards d’euros par an pour le budget de l’Etat ! Sachant qu’un emploi coûte un peu plus de 40 000 euros en moyenne en France, cela signifie que cet argent, qui a contribué à détruire 90 000 emplois, aurait permis d’en financer intégralement 100.000 de plus. Un gâchis difficilement compréhensible.

- Certaines initiatives économiques relèvent d’une logique clientéliste, qui constituent des gâchis budgétaires sans valeur ajoutée pour l’activité.

C’est tout particulièrement le cas pour la baisse de la TVA sur la restauration - une mesure nulle au plan économique pour un coût net élevé de 2,4 milliards d’euros, assortie il est vrai de la diffusion d’un bulletin d’adhésion à l’UMP… C’est également vrai pour le crédit d’impôt pour les cafetiers ( !) et, dans une moindre mesure, pour les dispositifs Robien, Borloo, Scellier en faveur l’offre locative privée et du secteur du BTP national.

3 - BILAN ENVIRONNEMENTAL : UNE FISCALITE ECOLOGIQUE TOUJOURS TIMIDE

La fiscalité peut également servir à corriger des externalités négatives, c’est-à-dire à modifier les comportements des agents (personnes physiques et morales) dans un sens plus vertueux. C’est le cas par exemple pour la fiscalité du tabac et de l’alcool, qui vise à limiter la consommation et à préserver la santé. Le grand enjeu d’aujourd’hui est l’environnement. Or la France est en retard.

3.1 - L’ABSENCE DE REFORME DE GRANDE AMPLEUR A CE STADE

La fiscalité écologique apparaît relativement peu développée dans notre pays. Elle a pourtant été un précurseur en la matière, grâce à la taxe intérieure sur les produits pétroliers et aux redevances versées aux agences de bassin (destinées à financer le maintien de la qualité de la ressource en eau). Selon Eurostat, la fiscalité écologique ne représentait que 2,1% du PIB de la France en 2006, contre 2,9% en moyenne au sein de l’Union européenne à 15. Notre pays est devancé par l’Italie, l’Allemagne ou le Royaume-Uni, et plus encore par la Suède ou le Danemark (4,7%). Notre pays n’a pas entamé sa mutation écologique dans le domaine fiscal.

Aucun effort n’a été fait pour taxer les activités agricoles à hauteur des externalités négatives qu’elles provoquent, tant en ce qui concerne les émissions de CO2 que la pollution des eaux et des milieux naturels. L’attention médiatique sur les algues vertes est là pour le rappeler. Ce manque de courage politique aboutit à des situations inéquitables. Par exemple, les ménages payent l’essentiel des taxes liées à l’utilisation de la ressource en eau, alors que les agriculteurs en sont les plus gros consommateurs.

De même, les pouvoirs publics n’ont pas osé remettre en cause la sous-taxation du gazole. Pourtant, à volume donné de carburant, le gazole exerce des effets plus négatifs sur l’environnement que l’essence, en émettant davantage de particules toxiques. Le maintien d’une orientation ancienne, principalement dans le souci d’avantager les constructeurs français, a conduit à une diésélisation du parc automobile qui rend aujourd’hui tous les projets de réforme plus difficiles et plus longs à réaliser. C’est aussi ce qui les rend plus urgents à entreprendre mais on n’a fait aucun pas dans la bonne direction au cours des sept dernières années.

Plutôt que de remédier à ces anomalies fiscales qui portent préjudice à l’environnement et concevoir une réforme d’ensemble, les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002 ont choisi la voie de micro-mesures sans réelle portée structurelle, des crédits d’impôts divers et variés, par exemple au titre des dépenses d’équipement des logements en faveur des économies d’énergie . Ces dépenses fiscales se révèlent difficiles à calibrer (elles risquent d’être soit trop avantageuses et de se traduire par des rentes pour les professionnels concernés, soit insuffisantes et donc inefficaces), ce qui explique qu’il faille les modifier à l’occasion de presque toutes les lois de finances.

3.2 - L’ENJEU DE LA TAXE CARBONE

La « taxe carbone », en discussion pour le PLF 2010, pourrait marquer l’entrée de la France dans une véritable fiscalité écologique. Il s’agit, à travers une augmentation des prix des produits carbonés, de modifier le comportement des ménages, qui contribuent pour environ la moitié aux émissions de gaz à effet de serre.

La conférence de consensus pilotée par Michel Rocard, en juillet dernier, a fait naître beaucoup d’espoirs. Le discours à Culoz de Nicolas Sarkozy se situe nettement en retrait. Ses propositions sont trop faibles au plan écologique : 17€ la tonne de carbone, c’est un « signal-prix » insuffisant pour modifier les comportements, ce n’est pas à la hauteur des défis écologiques d’aujourd’hui. Elles ne sont pas accompagnées d’aides suffisantes à la transition écologique. Les compensations sociales – nécessaires – sont couplées à la taxe et en diminuent encore son efficacité : avec le « chèque vert », on rend d’une main ce que l’on a prélevé de l’autre.

Terra Nova a fait des propositions pour une taxe carbone progressiste. En voici les principaux éléments :

- Une contribution climat-énergie

La taxe doit couvrir toutes les productions de gaz à effet de serre (il s’agit d’une contribution climat) mais au-delà toutes les énergies, notamment le nucléaire, dans le cadre d’une politique globale de limitation de la consommation énergétique.

- Une taxe efficace au plan écologique

Son niveau de départ devra être de 32 €/tCO2 conformément au rapport Rocard, afin de peser suffisamment sur les comportements. Cela correspond à un prélèvement de 8 milliards d’euros (contre 3 pour la proposition Sarkozy). Sa progression future devra être inscrite en loi de finances, avec le niveau d’arrivée (100€) et le calendrier d’augmentation, pour donner à chacun la visibilité nécessaire à l’action.

- Une utilisation des ressources de la taxe fléchée vers la transition écologique

La contribution ne doit pas simplement pénaliser les comportements « carbonés », mais aussi encourager et faciliter les comportements de substitution. C’est pourquoi les recettes de la taxe devront être utilisées exclusivement pour assurer cette transition écologique à travers la création d’un fonds d’aide à la transition.

- Des compensations sociales découplées de la taxe carbone

Le fonds de transition contiendra naturellement des aides à caractère social, destinées à ne pas enfermer les Français modestes dans une « trappe à carbone » et à leur permettre de modifier leurs comportements. Ces aides doivent être surtout orientées vers un soutien aux économies d’énergie dans le logement et l’accès aux transports, notamment en zones rurales et périurbaines mal desservies par les transports collectifs.

Une compensation sociale est nécessaire en direction des populations les plus exposées, afin de neutraliser le coût financier d’une taxe supplémentaire importante au regard de leurs revenus. Mais cette compensation ne saurait être liée à la taxe elle-même (« chèque vert »), sous peine d’en annuler l’efficacité. Elle pointe l’urgente nécessité en France d’une vaste réforme fiscale globale : l’avènement de la fiscalité écologique en France doit s’accompagner d’une réforme de la fiscalité sociale vers plus d’équité et de redistributivité.

- Une taxe indépendante des enjeux économiques et budgétaires

La contribution climat-énergie ne peut pas constituer la compensation d’une éventuelle suppression de la taxe professionnelle : les moyens dégagés doivent être utilisés pour faciliter la transition écologique, et non pour renflouer le budget de l’Etat.

La mise en place de la contribution climat énergie peut en revanche avoir un effet négatif sur la compétitivité internationale de certains secteurs industriels. L’objectif est que la communauté internationale prenne des mesures environnementales similaires. C’est pourquoi les réponses doivent être recherchées à la fois dans un cadre européen et surtout dans le cadre de la négociation internationale sur le climat de Copenhague, à travers l’association des grands pays émergents à la lutte contre le changement climatique. Ce n’est qu’en dernier ressort que pourra être envisagé un « ajustement aux frontières » : il protègerait certes la compétitivité de nos industries mais sanctionnerait l’échec de la lutte internationale contre le changement climatique.

4 - BILAN BUDGETAIRE : UN REPORT DE CHARGES FISCALES SANS PRECEDENT SUR LES GENERATIONS FUTURES

4.1 - DES BAISSES D’IMPOT DEPUIS 2002 FINANCEES EN PARTIE PAR L’ENDETTEMENT

Les économies engagées sur les dépenses de l’Etat, malgré leur ampleur notamment sur l’emploi public, ont été insuffisantes pour compenser la contrainte exceptionnelle imposée sur ses recettes par la politique fiscale.

En conséquence, privé de marges de manœuvres, le budget de l’Etat a abordé la crise en état d’asphyxie. Impacté depuis quelques mois par l’effondrement de ses recettes fiscales, le déficit atteindra d’ici la fin de l’année plus de 7% du PIB, tandis que la dette sera proche d’un niveau sans précédent : 80% de la richesse nationale.

Ainsi, le déficit structurel de nos finances publiques (i.e. le besoin de financement des administrations publiques corrigé de l’effet des fluctuations de la conjoncture économique) atteignait déjà 4,2% en 2008, selon la Commission européenne, avant que la crise ne frappe après avoir été en moyenne de 3,7% de 2002 à 2006, contre seulement 2,0% sur la période allant de 1997 à 2001.

Dit autrement, les cadeaux fiscaux accordés aux ménages aisés d’aujourd’hui ont été financés pour une part par les classes moyennes et pour une autre part par les générations futures, qui devront rembourser l’endettement ainsi accumulé.

4.2 - DES EXPEDIENTS FISCAUX POUR CONTOURNER LES REGLES DE SAINE GESTION DES FINANCES PUBLIQUES.

La substitution massive de dépenses fiscales à des crédits budgétaires a été une tentation permanente depuis 2002, permettant de contourner la norme de dépense et de présenter une rigueur apparente de la gestion budgétaire, alors que parallèlement, de nouveaux crédits d’impôts venaient asphyxier les recettes, au prix de déficits croissants.

L’attention des médias et des citoyens a été ainsi attirée sur l’indicateur « tenu » (les dépenses budgétaires), alors que la situation ne cessait de se détériorer du côté des recettes.

Facteur aggravant, le coût de ces dépenses fiscales s’avère souvent extrêmement difficile à estimer.


5 - BILAN STRUCTUREL : UNE REFORME DES STRUCTURES DU SYSTEME FISCAL AU POINT MORT

La politique fiscale menée n’a pas permis de modifier la structure des prélèvements fiscaux en France et de les moderniser. Notre système de prélèvements obligatoires, fait d’une sédimentation de mesures fiscales annuelles poursuivant des objectifs différents voire contradictoires, reste sans logique d’ensemble. Il ponctionne des sommes élevées, près de la moitié de la richesse nationale, et s’avère pourtant inefficace, voire contre-productif, dans tous les objectifs qu’il est censé poursuivre.

- Le système fiscal français présente une défaillance structurelle, avec des assiettes étroites et des taux relativement élevés. Une logique à rebours de la plupart des analyses, qui soulignent qu’à recettes données, cette structure constitue un mauvais signal, crée des inégalités et multiplie les opportunités d’optimisation et d’évasion fiscales.

- Notre système fiscal est d’une complexité extrême. Outre la tentation de mettre le levier fiscal au service d’une multitude d‘objectifs, il faut souligner la tendance, quand un impôt s’avère défaillant, au lieu de le refondre, d’introduire des dispositifs dérogatoires et, bientôt, des exceptions à ces exceptions. Il s’agit en effet de prévenir certaines stratégies d’optimisation observées, mais les contribuables les plus fortunés s’adaptent ensuite en inventant de nouvelles stratégies, grâce à des conseillers fiscaux très compétents…Ce jeu de l’épée et du bouclier peut durer indéfiniment et occupe les fiscalistes de l’administration et des cabinets de conseil.

- Le partage des prélèvements entre collectivités publiques - locales, sociales, Etat – s’avère sous-optimal. L’affectation en opportunité de recettes fiscales inadaptées par la dynamique de leur assiette aux charges qu’elles ont vocation à couvrir crée des désajutements structurels dans les finances locales et sociales. Elle met à mal l’autonomie réelle des finances locales. La fiscalité a empiré en ce domaine ces dernières années.

- Les impôts directs locaux restent basés sur des assiettes obsolètes et injustes. La fiscalité locale sur les ménages repose sur des valeurs locatives qui n’ont pas été réestimées depuis 1970, ce qui fait de la taxe d’habitation l’impôt le plus injuste et inéquitable.

- La lutte contre le dumping fiscal en Europe n’a connu que de timides avancées. L’harmonisation de l’impôt sur les sociétés – et notamment de son assiette – au sein de l’Union européenne est au point mort.


La politique fiscale apparaît sans doute comme la politique la plus contestable de Nicolas Sarkozy, et de la droite au pouvoir depuis 2002.

Elle accroît méthodiquement les inégalités dans notre pays, renforçant des inégalités de marché qui sont pourtant déjà en croissance spectaculaire. « Donner plus à ceux qui ont plus » : tel est le crédo suivi depuis 2002, au détriment de tous les Français, et notamment des classes moyennes. C’est la contre-réforme fiscale.

En parallèle, les bilans économique, environnemental, budgétaire et structurel de cette politique sont largement négatifs.

Les promesses de campagne n’ont pas non plus été tenues.

Il est grand temps pour la gauche de penser une réforme fiscale progressiste d’ensemble, fixant des objectifs clairs, et restructurant les impôts français en fonction de ces objectifs.

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