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Billet de blog 17 octobre 2009

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Gabon: les enjeux d’une impossible transition

L'investiture du nouveau président du Gabon, Ali Bongo Ondimba, ouvre une période d'incertitudes pour ce pays, après une transition chaotique. Le système de pouvoir mis en place par Omar Bongo, décédé le 8 juin dernier, constitue l'héritage empoisonné d'un fils dépourvu de l'expérience et de l'envergure de son père. La période de transition aurait dû permettre à la France de reconsidérer sa politique africaine. Or, la position en demi-teinte du gouvernement français n'est pas une réponse satisfaisante aux nouvelles réalités africaines.

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L'investiture du nouveau président du Gabon, Ali Bongo Ondimba, ouvre une période d'incertitudes pour ce pays, après une transition chaotique. Le système de pouvoir mis en place par Omar Bongo, décédé le 8 juin dernier, constitue l'héritage empoisonné d'un fils dépourvu de l'expérience et de l'envergure de son père. La période de transition aurait dû permettre à la France de reconsidérer sa politique africaine. Or, la position en demi-teinte du gouvernement français n'est pas une réponse satisfaisante aux nouvelles réalités africaines.

Alors que le nouveau président gabonais, Ali Bongo Ondimba, a été investi ce vendredi 16 octobre en présence du secrétaire d'Etat à la coopération Alain Joyandet, les violences qui ont entaché le processus électoral gabonais interpellent une fois de plus sur les transitions politiques problématiques du continent africain. La période qui a marqué la passation de pouvoir entre père et fils a en effet été marquée par des tensions sociales exacerbées, une ethnicisation du vote, et un processus électoral douteux.

L'analyse de la pratique du pouvoir par Omar Bongo père, décédé le 8 juin dernier, permet de mieux appréhender les causes de la crise. Le système « géopolitique » qu'il avait mis en place, s'appuyant sur le mythe de la résorption des inégalités territoriales, des progrès démocratiques limités, la redistribution de la rente pétrolière aux élites et une corruption rampante, est l'héritage du Bongoïsme.

La période post-transition s'amorce donc dans un contexte incertain. D'une part, d'une envergure moindre que son père, Ali Bongo ne peut prétendre au magistère moral de médiateur qu'Omar Bongo a tenu sur la scène africaine dans la dernière partie de sa vie. Ce rôle requiert en effet une expérience dont il est dépourvu, un âge inspirant le respect de ses pairs au sein d'un système continental de concertation et conciliation qui a fait ses preuves. D'autre part, cette absence d'envergure du nouveau président et les conditions catastrophiques de son élection risquent d'avoir des conséquences lourdes sur le régime de Libreville.

Pour la France, cette séquence électorale était une opportunité inédite d'assainir de manière définitive une relation qui entrave l'aggiornamento de sa politique africaine. L'étiolement de son partenariat avec le Gabon semble désormais inévitable. Cette nouvelle donne doit pousser Paris à reconsidérer les liens d'ingérence et le manque de transparence qui nuisent à son image, et donc à sa capacité d'influence dans le long terme. Les incohérences du Gouvernement français tout au long de cette transition laissent planer de graves doutes sur sa capacité à construire une relation transparente et constructive avec les pays africains.


1 - LES DERNIERS HEURTS (ET HEURES) DU BONGOÏSME : RETOUR SUR UN HERITAGE

1.1 - UN EQUILIBRE POLITIQUE FONDE SUR L'UNITE DU PAYS ET D'UN HOMME.

« Moi j'ai une idéologie : le Gabon d'abord, l'unité nationale, la concorde, la cohésion sociale, la paix... » Omar Bongo était un homme charismatique sur lequel le fonctionnement des institutions reposait. Jouant de la personnalisation du régime, il entretint jusqu'en 1990 un pouvoir sans partage, même si l'organisation de la conférence nationale (1989) obligea à une restructuration politique (ouverture démocratique, développement de la presse, fin du monolithisme/monopartisme), qui ne déboucha que très partiellement sur un « nouvel éthos politique et social » .

Reposant sur l'unité et la stabilité du Gabon et l'attribution des sièges au sein du gouvernement, censée représenter, par un savant équilibre, la diversité ethno-religieuse du pays, ce système, était dénommé « géopolitique ». Il appuie sur le mythe d'un rattrapage du retard de certaines régions sur les autres (littoral). Les effets pervers de ce système (prébendes, corruption, dévalorisation des parcours universitaires classiques, rôle majeur de la politique pour acquérir une vie confortable sur des fondements ethniques et clientélistes selon une architecture néo-féodale) se sont surajoutés aux conséquences pernicieuses d'une économie extravertie et quasi-mono-sectorielle, tournée essentiellement vers le pétrole, le manganèse et le bois. Le Gabon se caractérise ainsi par une corruption endémique que le tournant des années 90 (apparition d'un discours sur la pauvreté, la mauvaise gestion des fonds publics) et les ministères dédiés à la lutte contre la prévarication ne purent enrayer. De facto, le système Bongo a reposé à la fois sur la captation des recettes tirées des ressources nationales et sur une redistribution de type féodal et néo-patrimonial (audiences accordées au Palais de la Révolution).

1.2 - LE PARADOXE GABONAIS : UN PIB ELEVE ET UNE POPULATION PAUVRE

La principale source de revenus du pays provient du pétrole : sa contribution au PIB à hauteur de 44% (2005) représente 78% des recettes d'exportation et 62% des recettes budgétaires. Après l'indépendance, les liens entre la France et le Gabon se sont en grande partie établis au travers des activités extractives et des accords de coopération attenants et ses prolongations souterraines. Elf - Total avait une place prédominante sur le marché gabonais. En effet, la retentissante affaire Elf, qui éclate en 1994 sous l'investigation d'Eva Joly mit en évidence le financement occulte des partis français et les pratiques des grands groupes pour s'accaparer des marchés.

Les inégalités de revenus sont criantes : une grande partie de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté. Le taux de chômage est élevé, même parmi les diplômés du supérieur. Le taux de scolarisation de 80% ne doit pas dissimuler le fort taux d'analphabétisme qui frappe particulièrement les campagnes (notamment dans les provinces de Ngounié, de Nyanga, d'Ogooué Iveindo où le taux dépassait largement 40% de la population des plus de 15 ans selon les chiffres de l'UNESCO de 2000).

Le Gabon est emblématique du « syndrome hollandais » ou de la « malédiction du pétrole », c'est-à-dire le développement d'un seul secteur d'activité, en l'occurrence une activité extractive, au mépris d'un processus de développement et d'une diversification des sources des revenus budgétaires. La rente pétrolière a permis un enrichissement facile dans les années 70 et 80 d'une certaine élite politique, sans que cela s'accompagne d'un investissement dans l'agriculture, dans la construction d'infrastructures ou d'autres industries. Le seul moyen d'accéder à une certaine aisance et d'accumuler du capital (économique) dans un pays de rente comme le Gabon passe par la politique. Selon le classement du Programme des Nations Unies pour le développement, entre 1990 et 2005, le Gabon est passé de la 91e à la 123e place en ce qui concerne son indice de développement humain. Pourtant le PIB par habitant était en 2004 de 6 623 dollars par habitant en parité pouvoir d'achat (équivalent au niveau de l'Espagne des années 1980 ou de la Thaïlande dans les années 1990).

1.3 - LES BIENS MAL ACQUIS : UNE AFFAIRE DELICATE POUR OMAR BONGO ET SES HERITIERS

Ce tableau a été largement commenté avec le déclenchement fin 2008 d'une polémique qui a éclaboussé différents chefs d'Etat africains (Omar Bongo, Denis Sassou Nguesso du Congo et Teodora Obiang de Guinée équatoriale, Biya du Cameroun étant concerné indirectement) en raison des biens qu'ils détiennent à leur nom ou à celui de membres de leur famille, en France et dans d'autres pays occidentaux (Espagne, Etats-Unis...). Les fonds provenant vraisemblablement de détournements massifs des recettes budgétaires des pays. Suite aux plaintes déposées par des ONG, dont Transparency International, une procédure judiciaire a été ouverte contre Omar Bongo et sa famille en France afin de connaître les conditions d'acquisition de biens immobiliers.

Peu ouverts à la critique et incapable d'intégrer un processus démocratique, ceux qui ont participé à la diffusion de cette affaire (dont un candidat actuel, Bruno Ben Moubamba) sont devenus persona non grata. Ces pratiques expliquent aussi la tentation dynastique relayée par la presse et la volonté de préserver les avantages pour tous ceux qui ont joui du système.

2 - UNE TRANSITION SANS ALTERNANCE

D'un point de vue institutionnel, la transition a été assurée par la présidente du Sénat, Rose Francine Rogombé, magistrate de profession et qui a été par le passé secrétaire d'Etat à la Promotion de la femme et des Droits humains (1975-1990). N'étant pas une affidée directe d'Omar Bongo, au contraire de la présidente de la Cour constitutionnelle, elle a tenu à assurer sa fonction dans la transparence. Cependant, derrière le paravent de l'État de droit, le respect et l'effectivité de certains principes nécessaires à la régularité et à la transparence du scrutin ont été et sont aujourd'hui fortement questionnés.


2.1 - UNE SUCCESSION CHAOTIQUE

Après moult débats sur l'application stricte ou non de la loi électorale, la Cour constitutionnelle du Gabon a arrêté la date du 30 août pour la tenue du scrutin électoral. Même respectueuse des textes cette date a posé problème : un délai imparti trop court, une absence d'indépendance des médias, la confusion entre appareil d'Etat et le Parti démocratique du Gabon (PdG).

Pour une grande partie, les prétendants étaient déjà connus depuis quelque temps : Ali Bongo Odimba, « le dauphin naturel », Pierre Mamboundou, l'opposant historique, Jean Eyeghe Ndong, l'ancien premier Ministre, Pierre Claver Moussavou (ministre de l'Enseignement technique et de la Formation professionnelle) pour ne citer que quelques-uns des 23 candidats. Malgré un détachement apparent affirmé à plusieurs reprises par le truchement du ministre des Affaires étrangères et européennes, Bernard Kouchner, les faveurs de Robert Bourgi pour le candidat Ali Bongo ont troublé un peu plus un climat politique déjà électrique.

2.2 - UN CONTEXTE DE TENSIONS SOCIALES

Les médias n'ont cessé de présenter le processus électoral comme une transition tranquille. Pourtant la décision du ministre de la Défense (Ali Bongo) de fermer les frontières terrestres, aériennes et maritimes et la sécurisation des sites dits sensibles juste après la mort de son père, ont réveillé les peurs d'un coup d'Etat. De surcroît, les grèves et les contestations ont été nombreuses et ont touché plusieurs services publics au mois de mai et de juin 2009 : enseignants, universitaires, agents des télécommunications... Ce type de mobilisation était un moyen d'obtenir des concessions du pouvoir, mais aussi de pratiquer le marchandage électoral.

A ce climat, s'ajoutent le spectre de l'ethnicisation du vote. La fragile construction politique nationale du pays ne tient plus. Et d'une certaine manière, la renonciation de plusieurs candidats en faveur de Mba Obame peut être interprétée comme une tentative de concentrer sur une personne le vote fang (sud du Gabon), ethnie majoritaire, dont ne font partie les Bongo. Si la centralité du pouvoir étatique n'est pas remise en cause, et qu'aucun irrédentisme économique ou politique ne se fait jour, la revendication identitaire a été et reste un moyen d'accéder ou de conserver un mandat pour de nombreux hommes politiques.

2.3 - UN PROCESSUS ELECTORAL CONTESTABLE

En plus de ces tensions et une amorce difficile du processus électoral, plusieurs éléments sont venus en ternir la régularité. Ainsi :

- la Cour constitutionnelle n'a accordé au gouvernement qu'un délai supplémentaire de 45 jours pour l'organisation du scrutin, d'où une préparation précipitée et bâclée ;


- les listes électorales ont recensé 813 000 électeurs, laissant planer quelques doutes parce que, d'une part, sur moins d'1,5 millions d'habitants, beaucoup ne sont pas en âge de voter et d'autre part, l'administration a reconnu ne pas avoir eu le temps d'effacer tous les doublons. En outre, le gouvernement n'a pas publié les décrets convoquant les électeurs aux urnes ;


- la délivrance limitée des accréditations aux organes de presse, tout comme le huis clos instauré dans les bureaux de vote, font partie de la longue liste des griefs qui montrent que sous le voile de la légalité les élections n'ont pas été entièrement transparentes ;


- la délivrance tardive des résultats par la Commission électorale nationale autonome et permanente (CENAP) a traduit des désaccords en son sein. La ventilation régionale montrent ces incohérences : la très forte participation dans la province du Haut Ogooué favorable à Ali Bongo (rapporté à celle de l'Ogooué où elle est deux fois moindre) alors que dans les deux plus importantes, à savoir celle de l'Estuaire et Libreville, Ali Bongo n'arrive selon la CENAP que troisième derrière ses deux grands rivaux .

Enfin, on doit ajouter que le caractère même du scrutin présidentiel dans sa déclinaison uninominale à un tour engendre une frustration au regard des résultats. Ali Bongo ne peut se prévaloir d'une majorité absolue et se trouve dépassé par le cumul des voix de ses deux concurrents qui cristallisent le rejet du bongoïsme.

En outre, un ensemble de faits ont attisé les rancœurs : l'inégalité de traitement médiatique, le maintien au gouvernement de deux candidats (Pierre-Claver Moussavou et Ali Bongo), l'impossibilité de voyager à l'extérieur pour deux candidats, la suspension (début août) des moyens de communication (Internet stoppé voire ralenti, l'impossibilité d'avoir des communications téléphoniques) en raison d'une grève de l'opérateur principal ont constitué des entraves au bon déroulement de la campagne.

De fait, il n'est pas étonnant que ce faisceau de facteurs ait fini par produire de la violence et que la rue ait fini par jouer un rôle similaire à ce qu'à connu la Côte d'Ivoire en 2000. Les manifestations ont été violemment réprimées par les forces de l'ordre à Libreville (le 7 août notamment), et les troubles postélectoraux touchent désormais aux intérêts de la France dans ce pays.

3 - LES ENJEUX REGIONAUX ET INTERNATIONAUX DE L'ELECTION PRESIDENTIELLE GABONAISE

3.1 - LES ENJEUX REGIONAUX DE LA TRANSITION - UNE AFRIQUE CENTRALE AUX AGUETS

Les tensions qui ont débuté en juillet au Gabon ne sont pas sans inquiéter les pays riverains (Cameroun, Congo...) et l'ensemble de la sous-région. En effet, les turbulences postélectorales peuvent attiser des tensions dans les pays voisins dont la stabilité est récente ou toujours en cours de construction.

En effet, en dépit de la modestie du Gabon, Omar Bongo jouait le médiateur parmi ses pairs africains. Son âge et son expérience de la politique continentale le justifiaient largement aux yeux des chefs d'Etat africain. Ainsi, Libreville a accueilli à plusieurs reprises des pourparlers et des négociations régionales. A l'inverse de Félix Houphouët-Boigny, Omar Bongo militait pour le panafricanisme et l'unité régionale de l'Afrique centrale . Lors des années fastes (1977-1990), il fut non seulement un acteur incontournable de l'Organisation de l'Union africaine, mais il tenta aussi d'aider à mettre un terme à la désintégration tchadienne. Lors de la décennie 90 et jusqu'à aujourd'hui, il intervint dans les querelles du Congo-Zaïre, en Centrafrique et de nouveau en Angola. Du fait de son âge et de sa faible expérience politique, Bongo jr ne pourra prétendre à un tel magistère, le rayonnement du Gabon s'en trouvera de facto amoindri.

3.2 - UN PARTENARIAT AVEC LA FRANCE EN VOIE D'ETIOLEMENT

Même s'il fut le premier chef d'État africain reçu par Nicolas Sarkozy après l'arrivée de ce dernier à l'Elysée, les dernières années du long mandat d'Omar Bongo ont vu les relations franco-gabonaises se dégrader. En juillet 2007, le passage à Libreville de Sarkozy lors de sa visite présidentielle sur le continent africain se décida au forceps et il semble que les pressions d'Omar Bongo auprès de l'Elysée aient provoqué la chute du secrétaire d'Etat à la Coopération, Jean-Marie Bocquel, qui avait qualifié la Françafrique de système de connivences. Ainsi au sein du système françafrique, Omar Bongo a presque réussi à inverser les rapports traditionnels de dépendance en recourant au chantage et en faisant jouer la concurrence (ces dernières années avec la Chine) . Animal politique, fin connaisseur du microcosme politique français, il entretenait des relations privilégiées avec l'ensemble du milieu politique de l'Hexagone, du Front National au Parti Socialiste. Par ailleurs, la présence de forces françaises à Libreville, a assuré sa protection contre toutes formes de déstabilisation externe.

Si l'élection de Bongo jr. est le signe d'une certaine forme de continuité de cette « relation particulière », elle n'est qu'apparente tant il ne jouit sans doute pas de la même aura politique auprès des acteurs français. En toute logique, l'étiolement du partenariat, qui se délitait déjà dans sa dimension économique (au bénéfice de la Chine), risque de s'accélérer.

3.3 - LA FRANCE AU MIROIR DE L'AFRIQUE

Amorcée avec l'aggiornamento du gouvernement de Lionel Jospin (1997-2002), la France doit s'efforcer d'édifier une nouvelle politique de coopération avec les États africains afin de prendre en compte l'évolution de ces vingt dernières années. Les nouveaux accords de coopération doivent instaurer un partenariat plus équilibré valorisant tant les intérêts français que les intérêts des peuples africains.

Elle doit reconsidérer le rôle de l'Afrique dans ses relations afin d'intégrer une compétition acharnée que se livrent les grandes puissances sur le sol africain. En témoignent les monopoles sur l'exploitation des ressources qui se défont progressivement (ex. l'extraction de l'uranium au Niger). Depuis les années 1990, ses liens privilégiés (acteurs publics/acteurs privés) pâtissent de la disparition de grandes figures tutélaires et autoritaires, si elle n'est pas capable d'en renouveler la légitimité. L'ingérence directe ou indirecte, réelle ou supposée - dans tous les cas ressentie comme telle par les acteurs africains - nuit au « soft power » de la France dont l'influence décline sur le continent. Elle a tout à gagner à une meilleure transparence dans ses alliances comme elle s'engage actuellement à le faire dans le domaine de la défense. In fine, cette séquence électorale était une opportunité inédite pour l'Elysée d'assainir de manière définitive une relation qui entrave l'aggiornamento de la politique africaine de la France.

Cela passe par des relations transparentes tant sur les modes bilatéraux que multilatéraux. Depuis 2002, après des hésitations qu'illustre la crise ivoirienne, les gouvernements successifs issus de la majorité sont revenus à d'anciennes modalités de gestion des affaires africaines, ce alors même que la France ne peut continuer à être la seule instigatrice des questions de politique et de sécurité pour l'ensemble d'un continent où son influence se délite inexorablement.

Cette position en demi-teinte au Gabon s'inscrit dans la suite de l'incapacité de Paris à résoudre la crise ivoirienne, à encourager des alternances démocratiques crédibles (Togo en 2005) ou plus récemment à légitimer ses interventions militaires au Tchad et en République centrafricaine. Ces crises témoignent d'une improvisation qui peine à trouver des principes directeurs en phase avec les nouvelles réalités africaines. En dépit de la dernière révision constitutionnelle, tout un pan de la politique africaine, notamment dans sa déclinaison « gestion de la sécurité collective », continue d'échapper au Parlement et reste confinée dans les arcanes élyséennes. En ce sens, et en dépit de la remise à plat du dispositif militaire en Afrique et des accords de défense, l'essentiel continue à se jouer dans les travées des réseaux de connivences mêlant affaires et politiques. Cette continuité nuit à l'image de la France en Afrique, entrave la démocratisation du continent, empêche de penser une histoire commune et la constitution d'une communauté d'esprit fondée sur une vision du monde partagée et une langue commune, au moins pour les pays francophones.

La France doit comprendre que la démocratie est « affaire africaine » et qu'elle ne se limite pas à une combinaison de procédures ou d'hommes providentiels. La démocratie est également affaire de pédagogie auprès de la population et de culture politique. Elle est intimement liée à un meilleur partage des ressources, à une extension des marchés intérieurs et à une diversification des économiques, dont même les pays du Nord ont tout à gagner.


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