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Billet de blog 17 novembre 2009

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La 69e réforme de la taxe professionnelle ne sera pas la bonne

L'examen de la réforme de la taxe professionnelle (TP) se poursuivra le jeudi 19 novembre au Sénat. Cette 69e réforme depuis 1980 n'est toujours pas la bonne : en plus d'amputer l'autonomie fiscale des collectivités, elle risque de rompre le lien fiscal entre entreprises et territoires.

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L'examen de la réforme de la taxe professionnelle (TP) se poursuivra le jeudi 19 novembre au Sénat. Cette 69e réforme depuis 1980 n'est toujours pas la bonne : en plus d'amputer l'autonomie fiscale des collectivités, elle risque de rompre le lien fiscal entre entreprises et territoires. En réintroiduisant les salaires dans l'assiette de la TP, le Gouvernement prend en outre le risque de pénaliser l'emploi. C'est à une réforme globale de la fiscalité locale, gravement défaillante dans son ensemble, qu'il faut s'atteler aujourd'hui.

Les médias s'en font abondamment l'écho : la réforme de la taxe professionnelle (TP), présentée par le gouvernement dans le cadre du projet de budget 2010, fait l'objet d'un tir de barrage parlementaire transpartisan. Réécriture en profondeur du texte à l'Assemblée nationale, à l'initiative de Gilles Carrez, le rapporteur (UMP) de la commission des finances. Réaction exaspérée d'Alain Juppé : « C'est se foutre du monde ! ». Menaces de Gérard Larcher, le président du Sénat, et Jean-Pierre Raffarin : « En l'état, la réforme ne sera pas votée ». On rejoue là en réalité une scène classique. Depuis sa création en 1975 pour remplacer la patente, la TP a été modifiée par 68 textes législatifs différents (!) sans jamais trouver son équilibre.

La TP est un impôt insatisfaisant. Elle est due par 3 millions d'entreprises. Elle a deux assiettes d'imposition : une assiette foncière (les immeubles) ; et une assiette assise sur les investissements productifs.

La taxe professionnelle a un point fort : le financement des collectivités locales. C'est une ressource essentielle : elle leur apporte 29 Md€, soit 44% de la fiscalité locale. Une ressource stable : la TP est peu sensible aux variations de l'activité économique. Une ressource dynamique : elle a encore augmenté de 4.5% en 2008. Surtout, elle assure un lien entre l'entreprise et son territoire : les communes perçoivent 60% de la TP, elles ont intérêt à l'implantation de l'entreprise sur leur sol pour financer leur budget.

Mais la TP a deux défauts majeurs. D'abord, elle constitue un facteur majeur d'inégalités territoriales : 5% des communes concentrent 80% de ses recettes. Le fonds de péréquation de la taxe professionnelle, censé corriger ces déséquilibres, ne représente que 3% du budget de fonctionnement des collectivités locales.

Ensuite, la TP est un impôt qui pénalise l'activité économique. C'est un impôt élevé, qui joue comme un second impôt sur les sociétés et crée un paysage fiscal global considéré comme défavorable aux entreprises : l'imposition directe des entreprises s'élève à 6% du PIB en France, contre 4% dans l'Union à 15. Un impôt très concentré : assise sur les immobilisations de l'entreprise, la TP est un impôt « anti-investissement » qui pénalise les entreprises à forte intensité capitalistique ; les entreprises industrielles paient ainsi les deux-tiers de la TP, alors qu'elles représentent le quart du chiffre d'affaires des entreprises établies en France. Un impôt stable : indépendant de la conjoncture, il pèse fortement en période de crise ; surtout, indépendant des bénéfices, il est intégré comme une charge fixe dans les projets d'investissement, grevant leur rentabilité, et constitue à ce titre un handicap sérieux pour l'attractivité du « territoire France ».

Face à ce constat, le président de la République avait annoncé la suppression de la taxe professionnelle. L'objectif affiché est économique : restaurer la compétitivité de nos entreprises, leur capacité à investir. Le gouvernement a proposé en réalité, non de supprimer, mais de remplacer la TP par une contribution économique territoriale (CET), formée de deux impôts : la contribution locale d'activité (CLA), affectée aux communes, qui est la perpétuation de la base foncière de la TP ; et la cotisation complémentaire (CC), affectée aux départements et régions, assise sur la valeur ajoutée des entreprises, en substitution de la base « investissements productifs » de la TP.

Cette réforme présente d'incontestables avantages économiques. La nouvelle imposition pèsera moins sur l'activité : même si on peut légitimement la critiquer au regard du déficit public qui atteint un niveau d'alerte, la réforme va se traduire globalement par une réduction d'impôt d'environ 5.8 Md€ pour les entreprises. La nouvelle assiette - valeur ajoutée plutôt qu'investissements productifs - va permettre d'étaler plus équitablement la charge de l'impôt : les entreprises qui investissent le plus, et qui sont parmi les plus exposées à la concurrence internationale, seront les principales bénéficiaires de la réforme (baisse de 30% en moyenne pour les entreprises industrielles).

Toutefois, le nouveau dispositif ne règle pas tous les problèmes économiques. La valeur ajoutée est certes plus sensible aux résultats de l'entreprise que la TP mais il s'agit d'une base relativement stable : la CET continuera d'être intégrée, comme la TP, dans les charges fixes des projets d'investissement. Surtout, la réforme repose sur une erreur d'analyse fiscale. La TP est certes un impôt qui pèse sur les investissements, mais d'un point de vue global, elle constitue une pièce d'un puzzle fiscal équilibré : la valeur ajoutée est composée de trois éléments - la masse salariale, les investissements, les bénéfices - et elle est frappée par trois grands prélèvements - les cotisations sociales, la taxe professionnelle, l'impôt sur les sociétés. En substituant une cotisation assise sur la valeur ajoutée à la TP, on déséquilibre cet édifice : la masse salariale fait ainsi l'objet de deux prélèvementsf, au titre des cotisations sociales et au titre de la CET. La fiscalité des entreprises devient ainsi « anti-emploi ». C'était le cas jusqu'à la réforme de la TP en 1998. Son assiette était composée jusque-là de la masse salariale et des investissements. Le ministre des finances de l'époque, Dominique Strauss-Kahn, avait supprimé la part salariale de la TP pour faire cesser cette double imposition des salaires, facteur de chômage.

Au-delà de ses objectifs économiques, la réforme ne s'attaque pas à l'autre point noir de la taxe professionnelle : les inégalités territoriales. La péréquation a en effet été limitée à la seule compensation des écarts produits par la réforme.

Surtout, la réforme déstabilise ce qui était le point fort de la taxe professionnelle, le financement des collectivités locales. Elle entraîne une baisse des recettes fiscales des collectivités locales, de l'ordre de 11 Md€. Les élus locaux s'inquiètent. Le gouvernement promet que cette baisse sera compensée pour chaque collectivité à l'euro près en 2010, mais après ? La compensation est effectuée par des dotations budgétaires de l'Etat : c'est une nouvelle limitation de l'autonomie financière des collectivités locales. Et pourquoi cette réforme majeure du financement local n'est-elle pas liée à la réforme en cours de l'organisation des collectivités locales et de leurs compétences ?

Point névralgique, la réforme prévoit une nouvelle spécialisation territoriale de la fiscalité locale : la part fiscale liée à l'entreprise et à sa valeur ajoutée n'est plus affectée aux communes mais aux départements et régions. C'est une erreur fondamentale : le lien entre l'entreprise et son territoire d'implantation est coupé. Une commune n'aura plus intérêt à faire venir de l'activité économique sur son sol ; les entreprises auront tendance à être éconduites par les municipalités, qui préfèreront les zones résidentielles, leurs habitants-électeurs et leur taxe d'habitation, plutôt que les entreprises et leurs nuisances.

Les débats à l'Assemblée nationale ont permis, à ce stade, de rétablir le lien fiscal entre les communes et l'entreprise. Mais la nouvelle ventilation économique de la CET entraînera en tout état de cause des problèmes. Les communes qui accueillent des industries lourdes verront fondre leur ressource fiscale : c'est la « double peine », selon le mot de Gilles Carrez.

Au total, cette réforme n'atteint, pas plus que les précédentes, un point d'équilibre satisfaisant. C'est à une réforme globale de la fiscalité locale, gravement défaillante dans son ensemble, qu'il faut s'atteler aujourd'hui. Terra Nova fera bientôt des propositions en ce sens.

1 - LES CRITIQUES ADRESSEES A LA TAXE PROFESSIONNELLE SONT CONNUES

Impôt inégalitaire et mal réparti, la taxe professionnelle (TP) représente un facteur majeur d'inégalités territoriales malgré ses nombreuses réformes ainsi qu'un impôt « anti-économique » pesant sur l'investissement, notamment industriel.

1.1 - UNE RESSOURCE ESSENTIELLE POUR LES COLLECTIVITES...

Perçue par chaque niveau de collectivités territoriales, la taxe professionnelle a accompagné l'essor des budgets locaux et représente aujourd'hui une part déterminante des recettes locales (29 milliards d'euros en 2008, soit 44,3% de la fiscalité locale et 39% des recettes de fonctionnement des collectivités locales).


Elle alimente aujourd'hui essentiellement les communes, qui ont touché en 2008 59% du montant de la taxe professionnelle contre 30% pour les départements et 11% les régions.

Sur le plan financier, la taxe professionnelle a longtemps été appréciée pour son assiette stable et dynamique. Ainsi, l'an dernier, la TP est la recette fiscale qui a le plus augmenté entre 2007 et 2008, avec une progression de 4,48% contre 4,36 % sur l'ensemble de la fiscalité locale directe .

A ce titre, la taxe professionnelle a porté le développement de l'intercommunalité depuis la loi du 12 juillet 1999, puisque les EPCI qui choisissent de passer à la taxe professionnelle unique bénéficient d'une dotation globale de fonctionnement par habitant majorée.

1.2 - ... MAIS UN FACTEUR D'INEGALITES TERRITORIALES

La critique est connue. La taxe professionnelle, dont les bases sont très inégalement réparties sur le territoire, constitue une source majeure d'inégalités entre les collectivités territoriales. La TP est même le principal facteur des écarts de richesse entre ces dernières.

Ainsi, environ 5 % des communes du territoire regroupant 39 % de la population représentent à elles seules 80 % de l'ensemble des produits de TP du secteur communal.

Le fonds de péréquation de la taxe professionnelle, insuffisant dans ses modalités, ne parvient pas à corriger ces écarts. L'ensemble des opérations de péréquation a représenté en 2007 seulement 3,1% des recettes de fonctionnement des collectivités locales.

1.3 - ... ET UNE IMPOSITION PENALISANTE POUR LES ENTREPRISES : L' « IMPOT ANTI-ECONOMIQUE »

C'est l'autre paradoxe de la taxe professionnelle. La taxe professionnelle est assise pour l'essentiel sur la détention de facteurs de production, bâtiments, investissements productifs, depuis la suppression de la part salariale sous le gouvernement de Lionel Jospin. Elle est ainsi présentée comme un impôt « anti-investissement ».

Assise sur les immobilisations, la TP est un impôt stable. Indépendante de la conjoncture, elle pèse fortement en période de crise. Surtout, indépendante des bénéfices, elle est intégrée comme une charge fixe dans les projets d'investissement (contrairement à l'impôt sur les sociétés, assis sur les résultats). Elle grève ainsi leur rentabilité et constitue à ce titre un handicap sérieux pour l'attractivité du « territoire France ».

La TP impacte également de manière différenciée les différents secteurs économiques. C'est un impôt « anti-industrie » : les entreprises du secteur industriel, mais aussi de l'énergie et des transports, paient environ les deux tiers de la TP, alors qu'elles ne dégagent que le quart du chiffre d'affaires et le tiers du bénéfice fiscal des sociétés établies en France. Le rapport Fouquet en 2004 soulignait déjà ce déséquilibre .

La suppression de la part salaires a de ce point de vue accentué la concentration de la taxe professionnelle sur les secteurs à forte intensité capitalistique : 10 % des entreprises paient aujourd'hui 90 % de la TP nette.

La TP est considérée, enfin, comme un « impôt anti-entreprise ». Il s'agit d'un impôt élevé, qui joue comme un second impôt sur les sociétés et crée un paysage fiscal défavorable aux entreprises. Cette double imposition TP/IS explique ainsi que l'imposition directe des entreprises s'élève à 6% du PIB en France, contre un peu plus de 4% dans l'UE-15 en 2005 . Ce contexte a été aggravé par les récentes baisses de taux d'impôt sur les sociétés décidés en 2008 par plusieurs grands pays européens : en 2008, seule la France, la Belgique et l'Italie ont un taux supérieur à 30%.

1.4 - CIRCONSTANCE AGGRAVANTE : ENTRE INTERVENTIONS ECONOMIQUES ET CORRECTIONS D'INEGALITES PARTIELLES, LA TAXE PROFESSIONNELLE A PERDU SA COHERENCE AU FIL DE REFORMES MANQUEES

Les réformes successives de la taxe professionnelle, globales ou plus ponctuelles depuis 1980 se sont révélées coûteuses et n'ont pas réussi à remédier aux problèmes d'égalité et de compétitivité de l'impôt.

Elles se sont en revanche traduites par une complexité croissante, ainsi que d'un coût de plus en plus élevé pour l'État. Ainsi, celui-ci prend désormais en charge plus du tiers du coût de la taxe professionnelle, devenant à ce titre le premier contributeur à la taxe professionnelle.

La taxe professionnelle a fait l'objet d'une multiplication des dépenses fiscales, soit pour corriger des situations vues comme inéquitables, soit pour stimuler l'activité économique. La taxe professionnelle a notamment été un outil fiscal largement sollicité pour l'aménagement du territoire : les entreprises implantées dans les zones franches urbaines ou dans les zones de revitalisation rurale bénéficient, sauf délibération contraire des collectivités territoriales, d'une exonération de taxe professionnelle.

Le total des dépenses fiscales concernant la taxe professionnelle s'élevait dans la loi de finances pour 2009 à 1,3 Md€ à la charge de l'Etat et celui des dégrèvements à 12,7Md€. Ces montants ont été réévalués a posteriori à 821 M€ et à 13,7 Md€. Cette combinaison des dérogations ou adaptations diverses de la norme fiscale aboutit aujourd'hui à une complexité redoutable des règles d'assiette et à un manque de lisibilité coûteux.

2 - LA REFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE ANNONCEE PAR LE GOUVERNEMENT, AURAIT POUR EFFET D'AMPUTER SIGNIFICATIVEMENT LES RESSOURCES FISCALES DES COLLECTIVITES LOCALES SANS REMEDIER A L'ENSEMBLE DES CRITIQUES DONT LA TAXE FAIT L'OBJET

2.1 - COUTEUSE POUR LES COLLECTIVITES LOCALES, LA REFORME ACTUELLE AMPUTERAIT EN L'ETAT DU PROJET DE LOI SIGNIFICATIVEMENT L'AUTONOMIE FISCALE DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

- A l'issue des discussions engagées avec les collectivités territoriales et d'environ un an de travaux, le schéma proposé aujourd'hui dans le cadre du projet de loi de finances 2010 remplace la part de l'assiette de la taxe professionnelle assise sur les équipements et bien mobiliers et par une contribution économique territoriale (CET), formée d'une contribution locale d'activité (CLA) - assise sur les valeurs locatives des immobilisations industrielles - et d'une cotisation complémentaire (CC) assise sur la valeur ajoutée.

La contribution locale d'activité (CLA) - assise sur les valeurs locatives des immobilisations industrielles - remplacerait la cotisation minimale de taxe professionnelle, actuellement perçue par l'État, qui est supprimée. Elle alimenterait les communes et les EPCI. Vestige de la logique d'assiette foncière antérieure, elle resterait assise sur les valeurs locatives des immobilisations industrielles, baissées de 15% ou sur 6% des recettes et sur la valeur locative foncière des biens dans le cas des bénéfices non commerciaux. Le conseil municipal ou l'EPCI le cas échéant, pourrait la moduler en établissant un montant minimum compris entre 50 et 500€. À défaut de délibération, le montant minimum est fixé à 500€ ;

La cotisation complémentaire (CC) - assise sur la valeur ajoutée - serait égale à une fraction de la valeur ajoutée des personnes physiques ou morales qui exercent une activité professionnelle non salariée et dont le chiffre d'affaire est supérieur à 500 000€. Le taux serait variable selon le chiffre d'affaires de l'entreprise, mais n'excèderait pas 1,5% pour les entreprises dont le CA est supérieur à 50M€. Il est prévu à ce stade d'attribuer ¾ du produit de la cotisation complémentaire aux départements et ¼ de aux régions.

La répartition au sein de chaque groupe de collectivité s'appuierait sur trois critères :


- le rapport entre la population locale et la population nationale (pondéré par un coefficient de 0,2) ;
- le rapport entre les bases imposables sur le territoire concerné et le montant total des bases sur l'ensemble du territoire (pondéré par un coefficient de 0,5) ;
- le rapport entre l'effectif salarié sur le territoire et l'effectif salarié total national (pondéré par un coefficient de 0,3).

L'ensemble de la contribution économique territoriale sera plafonnée en fonction de la valeur ajoutée à 3% contre 3,5% actuellement, dont la définition et le mode de calcul sont également modifiés.

La réforme proposée dans le cadre du PLF 2010 s'inspire en partie des orientations proposées en 2004 par la Commission Fouquet sur la réforme de la taxe professionnelle, mais en omettant des aspects essentiels. En effet, la commission proposait le remplacement de la taxe professionnelle par un impôt assis sur une assiette mixte composée de la valeur locative des immeubles imposée à un taux local et d'un solde de gestion (valeur ajoutée ou excédent brut d'exploitation) imposé à un taux local encadré. Cependant, le rapport de la Commission Fouquet proposait également un réexamen des dispositifs d'exonération et une période de transition de dix ans, qui n'ont pas été repris.

- Il reste que ce projet amputerait, en l'état, sensiblement l'autonomie fiscale des collectivités territoriales portant posé par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, qui dispose que « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources ».

Soit directement :

- Les collectivités assisteraient à une baisse de leurs recettes fiscales ;


- Elles disposeraient de moindres marges de manœuvre sur la fiscalité locale ;


Les questions de péréquation ne sont pas traitées.

Soit indirectement : les collectivités disposeraient également de moindres marges de manœuvre sur les liens entre les taux. Ainsi,

Le taux de CLA :


- ne pourrait pas être augmenté dans une proportion supérieure à l'augmentation du taux de la TH ou, si elle est moins élevée, à celle du taux moyen pondéré (TMP) des 3 taxes pesant sur les ménages ;


- ou devrait être diminué dans une proportion au moins égale, soit à la diminution du taux de la TH ou à celle du TMP, soit la plus importante de ces diminutions (lorsque les deux taux sont en baisse). Le taux de la taxe foncière sur les propriétés non bâties ne peut pas augmenter plus (ou diminuer moins) que le taux de la taxe d'habitation.

Le reste des collectivités verrait son autonomie fiscale diminuer. Les départements voteraient encore le taux de la TFPB, mais celui-ci ne pourrait pas excéder deux fois et demi le taux moyen constaté au niveau national. Par ailleurs, les régions ne disposeraient plus d'aucune autonomie fiscale.

Ce choix d'affecter aux communes la totalité des impôts fonciers directs et les impôts reposant sur la valeur ajoutée aux départements et aux régions pourrait soulever un vrai problème de retour sur investissements de la richesse créée sur le territoire des communes et des EPCI.

- De manière immédiate, la suppression de la part investissement de la taxe professionnelle, en l'état actuel du texte discuté au parlement, se traduirait pour les collectivités locales avant transfert par un manque à gagner fiscal de 22,6 Mds€, soit un coût bien supérieur aux bénéfices de 5,8 milliards d'euros par an pour les entreprises (4,3 milliards d'euros compte tenu des surplus d'impôts sur les sociétés engendrés) , qu'en retirent les entreprises.

Ce manque à gagner serait « couvert » en principe comme suit :

Source : Dossier de presse du projet de loi de finances 2010


La cotisation complémentaire apportera 11,4 Mds€ ;
Une imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau a été instituée ;
Des taxes seront transférées : la part résiduelle des droits de mutation à titre onéreux, la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) et la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) ;
Le Gouvernement envisage par ailleurs de baisser les frais de gestion des impôts prélevés sur les collectivités :
- les frais de gestion pour dégrèvement et non-valeurs prélevés sur la fiscalité locale seraient baissés à 2% au lieu de 3,6% pour les impôts TFPB, TFNB, TH et CLA (2% au lieu de 3,6% actuellement) ;
- les frais d'assiette et de recouvrement sur ces mêmes impôts diminueraient à 1% au lieu de 4,4%.
Le solde de la compensation sera assuré par des dotations budgétaires.

En réalité, le besoin de recourir à des dotations budgétaires complémentaires démontre que la réforme n'est pas à la hauteur des besoins de financement des collectivités, particulièrement dynamiques compte tenu de la décentralisation. Entre 2008 et 2007, seules les communes, qui prennent en charge la moitié des dépenses, ont connu une baisse de 0,4% de leurs dépenses. En revanche, les départements et régions ont vu leur part augmenter dans les dépenses locales (respectivement + 8,8% et +5% entre 2007 et 2008), qu'ils financent à hauteur de 30% en 2008.

Le coût de la réforme de la taxe professionnelle sur le budget de l'Etat est évalué par la Ministre à environ 4,8 milliards d'euros . L'absence de précisions sur le financement de ce coût peut laisser anticiper un transfert de la pression fiscale des entreprises sur celles des ménages.

2.2 - AUTRE DIFFICULTE PROBABLE : LA VOLONTE DE SAISIR L'OCCASION DE LA REFORME DE LA TP POUR REAFFECTER LES RESSOURCES FINANCIERES DES COLLECTIVITES TERRITORIALES EN SPECIALISANT LEURS IMPOTS

L'avant-projet de loi prévoyait une nouvelle spécialisation territoriale de la fiscalité locale avec pour principe, l'attribution des quatre vieilles, dorénavant basées uniquement sur le foncier, au bloc communal et l'impôt basé sur la valeur ajoutée aux départements et régions.

Source : avant projet de loi.

Toutefois, les communes et les intercommunalités se seraient vu priver du produit de la cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée.

Le Président de l'Association des Maires de France, l'UMP Jacques Pélissard, a fait savoir que ce projet était inacceptable car il priverait le bloc communal d'une assiette dynamique et entraînerait un alourdissement insupportable de la taxation des ménages.

La suppression du lien fiscal entre l'entreprise et son territoire d'implantation serait une erreur fondamentale. Une commune n'aura plus intérêt à faire venir de l'activité économique sur son sol. Les entreprises auront tendance à être éconduites par les municipalités, qui préfèreront les zones résidentielles, leurs habitants-électeurs et leur taxe d'habitation, plutôt que les entreprises et leurs nuisances.

Le rapporteur de la commission des finances à l'Assemblée nationale, Gilles Carrez, a impulsé une révision du dispositif : le bloc communal conserverait une partie du produit de la valeur ajoutée - probablement autour de 2 milliards d'euros. Le lien fiscal est rétabli, mais il est plus ténu qu'aujourd'hui. Surtout, la nouvelle ventilation économique de la CET (cf. ci-dessous 2.3.) entraînerait des effets négatifs sur les implantations industrielles. Les communes qui accueillent les industries lourdes verraient fondre leurs ressources fiscales : ce serait la « double peine », selon la formule de Gilles Carrez. « Fini les ports méthaniers, il faut construire des marinas ! », résume Jean-Pierre Balligand.

2.3 - LA RECHERCHE D'UN IMPACT POSITIF OU NEUTRE POUR LES ENTREPRISES SE TRADUIRAIT EN OUTRE PAR DES COMPENSATIONS COMPLEXES

. La réforme se traduirait par des gains différenciés selon les secteurs, très importants dans le cas de l'industrie, de l'agriculture, de la construction ou des services aux particuliers, négatifs ou plus faibles dans les activités financières, l'immobilier ou les services aux entreprises.

Source : Dossier de presse du projet de loi de finances 2010.

La réforme profiterait en masse aux plus grandes entreprises (allègement de plus de 2,5 milliards d'euros sur les entreprises avec un chiffre d'affaires supérieur à 7,6 M€). En pourcentage relatif d'allègement de la pression fiscale, ce sont en revanche les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 3 millions d'euros qui seraient les plus avantagés.

Source : Dossier de presse du projet de loi de finances 2010.

Ce résultat serait cependant été obtenu au prix d'aménagements qui vont compliquer le calcul de l'impôt :


abattement à la base de 1 000 euros par an pour les petites entreprises dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas 2 millions d'euros ;


plafonnement de l'assiette taxable à 80 % du chiffre d'affaires pour éviter que la réforme fasse peser une charge excessive sur les entreprises intensives en main d'œuvre ;


mise en place d'un lissage sur cinq ans, afin qu'aucune entreprise ne voit sa cotisation augmenter de plus de 500 euros ou 10 % en 2010.

Pas de simplification de l'impôt en vue par conséquent.

Quant à la péréquation, largement insuffisante dans l'ancien système, elle resterait limitée à la seule compensation des écarts produits par la réforme mais ne corrige pas les déséquilibres antérieurs entre les collectivités. Aucun mécanisme de péréquation n'est en outre à ce stade prévu entre les communes et les intercommunalités.

2.4 - UN BILAN ECONOMIQUE INCERTAIN, UNE QUESTION D'OPPORTUNITE SUR LE TIMING DE CETTE REFORME SUR LE PLAN BUDGETAIRE

Cette réforme, qui pourrait coûter environ 4,8 milliards d'euros au budget de l'Etat l'an prochain pose une question sur son timing, au moment où les déficits publics atteindront cette année des niveaux records (140 milliards d'euros de déficits et une dette publique proche de 80% du PIB).

Le bilan économique de la réforme est en outre très incertain.

Via la valeur ajoutée, la réforme a pour conséquence paradoxale de réintroduire les salaires dans l'assiette de la taxation de la TP.... revenant ainsi sur la principale réforme opérée sur cet impôt y a 10 ans, dans le cadre d'un relatif consensus politique, au nom de la « défense de l'emploi ».

La réforme repose en effet sur une erreur d'analyse fiscale. La TP est certes un impôt qui pèse sur les investissements, mais d'un point de vue global, elle constitue une pièce d'un puzzle fiscal équilibré : la valeur ajoutée est composée de trois éléments - la masse salariale, les investissements, les bénéfices - et elle est frappée par trois grands prélèvements - les cotisations sociales, la taxe professionnelle, l'impôt sur les sociétés. En substituant une cotisation assise sur la valeur ajoutée à la TP, on déséquilibre cet édifice : la masse salariale est ainsi taxée deux fois, au titre des cotisations sociales et au titre de la CET. La fiscalité des entreprises devient ainsi « anti-emploi ». C'était le cas jusqu'à la réforme de la TP en 1998. Son assiette était composée jusque-là de la masse salariale et des investissements. Le ministre des finances de l'époque, Dominique Strauss-Kahn, avait supprimé la part salariale de la TP pour faire cesser cette double imposition des salaires, facteur de chômage.

La notion même de valeur ajoutée est fragile sur le plan technique. Difficilement appréhendable et mesurable sur le plan territorial, département par département (la valeur ajoutée est calculée au niveau de chaque entreprise au niveau central), la valeur ajoutée est également une notion facilement « pilotable » et susceptible d'optimisation de la part des entreprises.

Ces critiques sont connues. Il reste que, en dehors de la valeur ajoutée, il est difficile de concevoir facilement une autre assiette alternative.

Enfin, l'impact de ce nouvel allègement de la fiscalité sur les entreprises, de l'ordre de 6 à 7 milliards, sur la relance l'investissement reste à démontrer.

2.5 - DERNIERE FAIBLESSE : LA REFORME RENONCE A CE STADE AU REEXAMEN D'ENSEMBLE D'UN CERTAIN NOMBRE DE DISPOSITIONS IMPORTANTES QU'IL AURAIT FALLU METTRE A JOUR OU ABROGER

D'autres chantiers auraient pu être ouverts à cette occasion : celui des valeurs locatives, et le réexamen des dérogations fiscales.

Ainsi, la contribution locale d'activité (CLA) s'appuierait toujours sur des valeurs locatives obsolètes, non réactualisées depuis plus trente ans.

De même, les dégrèvements liés à la TP passeraient de 13 700 M€ en 2009 pour la taxe professionnelle à 11 989 M€ pour 2010 dans le nouveau système sans être réellement toilettés. Une plus grande clarté aurait été salutaire sur les effets exacts de la réforme sur l'ensemble des dérogations fiscales existantes, en vue d'une révision plus radicale. Ce réexamen semble d'autant plus nécessaire que la compatibilité de ces dérogations au droit fiscal avec le droit communautaire en matière d'aides d'Etat n'est par ailleurs pas toujours avérée.

3 - CONCLUSION

Le besoin de réformer la taxe professionnelle, tant du point de vue de l'efficience de la fiscalité des entreprises que de la cohérence de la fiscalité locale, fait largement consensus.

Mais la réforme proposée par le Gouvernement, pas plus que les précédentes, n'atteint son but. Ses modalités pratiques (nature et dynamisme des impôts transférés, modalités de compensation, absence de vraie péréquation, absence de réel réexamen des objectifs et finalités de la fiscalité professionnelle) soulèvent un débat légitime au Parlement au regard des besoins de financement des collectivités locales, mais aussi de son efficacité économique rapporté à son coût pour le budget de l'Etat.

Le bras de fer engagé entre le gouvernement et les parlementaires de tous bords (et derrière eux les élus locaux) rend aléatoire le point de sortie de la réforme. Les parlementaires ont raison de souligner que la réforme de la TP, élément essentiel du financement local, ne saurait se penser indépendamment de la réorganisation en cours des collectivités locales et de leurs compétences. Plus généralement, c'est à une réforme globale de la fiscalité locale, gravement défaillante dans son ensemble, qu'il faut s'atteler aujourd'hui.

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