Le passage le 1er avril dernier d'un taux de TVA de 5,5 % à 7 % pour les livres papiers est un coup supplémentaire porté à un secteur qui doit faire face à des évolutions majeures : la révolution numérique, tout en offrant des perspectives nouvelles, a redéfini les rôles au sein de la chaîne éditoriale du livre. Face à ces transformations, les librairies indépendantes en particulier sont en difficultés, et davantage touchées que les autres acteurs par la récente hausse de la TVA, mesure contre-productive qui remet en question le statut du livre et du savoir dans notre société. Il est urgent d'envisager une autre politique, qui ne se limite pas à la simple création de nouvelles subventions, mais réponde aux nouveaux enjeux par la promotion de la lecture quels que soient ses supports.
Synthèse
En vertu du deuxième plan de rigueur du gouvernement Fillon, les livres papiers sont soumis, depuis le 1er avril 2012, à un taux de TVA de 7 %, au lieu de 5,5 %. Cette mesure pénalise un secteur déjà fragilisé par les défis posés par le développement du livre numérique, et en particulier les libraires indépendants, qui doivent faire face à la concurrence des circuits de grande distribution et de vente en ligne.
La chaîne du livre tente de s’adapter à la révolution numérique. Si le marché du livre numérique est encore balbutiant en France, il est appelé à se développer suite à l’alignement du taux de TVA de tous les supports (numériques et papiers) à 7 % et la mise en place d’un « prix unique du livre numérique ». Mais ce développement bouleverse les rôles au sein de la chaîne éditoriale, et appelle la définition d’un nouveau modèle économique. Il se heurte pour le moment à plusieurs obstacles : faiblesse de l’offre, absence de plateforme de distribution unique, prix de vente encore élevé des tablettes et liseuses, incompatibilité entre les différents dispositifs de lectures et leurs contenus respectifs… Surtout, les librairies indépendantes ont des difficultés à s’adapter à ces évolutions. Déjà fragilisées par l’augmentation de la part de marché des grandes surfaces ou des sites de vente en ligne, elles dégagent de faibles marges et doivent faire face à une désaffection de la population, et en particulier des jeunes, pour la lecture.
Dans ce contexte, la hausse du taux de TVA sur le livre papier aura des effets dévastateurs sur la filière, alors même que les gains attendus de cette mesure sont minimes : 60 millions d’euros, pour un coût de ré-étiquetage supporté par la filière de 30 millions d’euros. Elle pénalise les distributeurs ayant une rotation des stocks lente, donc en particulier les libraires indépendants. L’augmentation de TVA sera directement répercutée sur les prix publics, dans un contexte de stagnation du pouvoir d’achat. En pénalisant les libraires indépendants, elle fait courir le risque d’un appauvrissement de l’offre culturelle. Elle remet en question le statut du livre, et partant du savoir, dans notre société.
La révolution numérique doit permettre la diversité culturelle et l’accès au livre pour tous les publics. Les futures mesures doivent profiter à la création, tout en ne négligeant aucun acteur de la chaîne du livre.
Pour entrer dans l’ère numérique, les libraires doivent miser sur les services qu’ils assurent auprès des lecteurs - conseil et proximité – en transposant en ligne ce qui fait leur spécificité. Pour ce faire, la standardisation des formats et l’interopérabilité entre appareils et contenus sont nécessaires. Les librairies indépendantes peuvent mutualiser leurs moyens, dans le domaine du partage de données, de la vente et de l’achat. Concernant le taux de TVA, un taux modulable selon le nombre d’exemplaires imprimés est envisageable.
Pour relancer le goût pour la lecture, principal enjeu de la filière, une stratégie ambitieuse doit être mise en œuvre impliquant le secteur éducatif et tous les acteurs de la lecture publique (bibliothèques, médiathèques, secteur associatif).