Dans une tribune publiée sur le Monde.fr, Olivier Ferrand et Alexandre Aidara reviennent sur la loi LRU et le principe d'autonomie des universités : mal menée sur le plan qualitatif, la réforme menace de créer des déserts universitaires et d'asphyxier financièrement les petites et moyennes universités. Surtout, elle n'a pas été accompagnée, comme s'y était engagé le gouvernement, d'une augmentation du budget de l'enseignement supérieur. Or sans davantage de moyens, difficile d'envisager un avenir brillant pour nos universités.
Que restera-t-il de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (loi LRU du 10 août 2007) ? Un principe : l'autonomie des universités. Les études et les expériences internationales convergent pour le montrer : l'autonomie est une clé de la réussite des universités. Un principe, mais c'est à peu près tout. La réforme a été mal menée au plan qualitatif. Elle a mis en place un mode de gouvernance calqué sur celui des entreprises, qui donne trop de pouvoir aux présidents d'université, au détriment de la collégialité. La réforme menace aussi de générer des déserts universitaires. Elle repose sur la valorisation d'universités d'excellence, à travers une mise en compétition pour l'obtention des crédits publics et la recherche de crédits privés (fondations universitaires, chaires). Corollaire de cette politique, l'asphyxie financière des petites et moyennes universités. Une autre politique était possible, valorisant aussi l'excellence, mais au travers de filières et de départements spécialisés, répartis sur le territoire, dans une logique de coopération.
Surtout, les moyens ont été absents. C'est l'enjeu central. La France consacre à peine 1,5 % de sa richesse nationale à l'enseignement supérieur, contre 3 % aux Etats-Unis, entre 4 et 5 % pour les pays les plus avancés. Elle consacre 9 000 euros par étudiant, ce qui nous situe en dessous de la moyenne OCDE, loin des pays leaders. Pour simplement se mettre au niveau américain, il faudrait doubler le budget et trouver 30 milliards d'euros annuels supplémentaires.
Le gouvernement a communiqué tout au long de la mandature sur le plan campus. On devait faire pompeusement émerger des très grands campus internationaux "visibles de Shanghai", à travers des projets immobiliers structurants en matière pédagogique et de recherche. Cinq milliards d'euros devaient y être consacrés. A l'issue de la mandature, seule une misère – 56 millions d'euros… – a été mise à la disposition des établissements.
"DES ANNONCES SANS EFFET"
Le gouvernement a également vanté le programme d'investissement d'avenir, issu de la commission Juppé-Rocard. Il consacre 11 milliards d'euros à l'université. "Un effort sans précédent", selon la ministre de l'époque, Valérie Pécresse. Voire : le programme est constitué pour l'essentiel de dotations en capital, dont seuls les revenus annuels viennent abonder les projets universitaires. Au taux moyen de 3 %, il s'agit en réalité d'un supplément de 300 millions annuels. 300 millions contre 30 milliards pour se mettre à niveau : les "investissements d'avenir" ont permis de faire 1 % du chemin. Il en reste 99%…
Dernière ressource : le budget de l'Etat. Nicolas Sarkozy avait promis d'augmenter le budget de l'enseignement supérieur d'un milliard d'euros par an, soit cinq milliards annuels à l'issue de la mandature. Les annonces, là encore, n'ont pas été suivies d'effet. Deux milliards seulement ont été effectivement accordés. Terra Nova a déjà polémiqué avec Valérie Pécresse sur ce point : si le gouvernement prétend avoir respecté ses engagements, c'est par un savant bricolage de doubles comptes, d'argent fictif, de montants hétérogènes et de mesures de périmètre qui ne résistent pas à une analyse budgétaire sommaire.
L'autonomie sans les moyens : tel est bien, en un mot, le bilan universitaire du quinquennat. Il faut les deux pour donner un avenir à nos universités.