La COP30 de Belém aurait pu être historique. Le monde a dépassé les +1,5 °C, l’Amazonie était à deux pas et l’accord de Paris fêtait ses dix ans. Au lieu de cela, on a assisté à un naufrage climatique soigneusement empaqueté dans un vernis diplomatique. Dans une ville où même le pavillon de l’Afrique de l’Est a pris feu en plein sommet — symbole parfait — les dirigeants ont livré un texte final qui ne mentionne même pas la fin des énergies fossiles. Oui, en 2025, après des décennies d’alertes scientifiques.
Pourquoi un échec aussi monumental ? Parce que les poids lourds du pétrole — Chine, Arabie saoudite, Russie, Inde — ont bloqué toute feuille de route claire. Parce que 1 602 lobbyistes fossiles ont arpenté les couloirs. Parce que les pays riches, à commencer par l’Union européenne, ont passé la COP à esquiver leurs responsabilités financières envers les nations déjà ravagées par le chaos climatique. Et parce que, comme toujours, on préfère les verbes mous — “reconnaît”, “accueille” — aux décisions fermes. Résultat : un processus de travail de deux ans, une promesse brumeuse d’aller “plus loin et plus vite”, et beaucoup d’air chaud.
Mais il y a un autre tabou soigneusement étouffé : le rôle central de l’agrobusiness dans l’impasse climatique au Brésil. Sur cette question je suis très reconnaissant à ce billet du compte grain.org: "L’agrobusiness prépare sa mainmise sur la COP climat au Brésil"
Que malheureusement je découvre trop tard... Mais qui pose les enjeux avec clarté. Sous Lula comme sous Bolsonaro, le secteur de l'agrobusiness exerce une influence tentaculaire sur l’État. L’agriculture industrielle est l’un des premiers moteurs de la déforestation amazonienne, mais elle se présente aujourd’hui comme championne du climat, multipliant les opérations de “verdissement” pour masquer ses ravages. Organiser la COP en Amazonie aurait pu être l’occasion de briser ce silence — ce fut surtout l’occasion pour l’agro-industrie de repeindre sa façade. Rien d’étonnant, donc, à ce que la protection des forêts soit reléguée à un vœu pieux : il s’agit de “souligner” l’importance d’arrêter la déforestation d’ici 2030. Souligner, pas agir.
Les pays vulnérables, eux, repartent avec presque rien : pas de financement sérieux pour l’adaptation, pas de plan massif pour soutenir les populations déjà frappées par les sécheresses, les inondations, les pertes de récoltes. Une “occasion manquée”, disent les diplomates africains. Un euphémisme.
Alors oui, le multilatéralisme survit, paraît-il. Mais si les COP continuent d’être des scènes où s’imposent les intérêts des pétroliers, des agro-exportateurs et des États les plus puissants, à quoi survivent-elles vraiment ? Certainement pas à l’ambition nécessaire pour empêcher le monde de basculer définitivement dans la surchauffe. L’échec de Belém n’est pas seulement diplomatique : c’est celui d’un système qui continue de protéger les profits avant la planète — et qui, malgré les beaux discours, refuse encore de regarder la réalité en face.