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Billet de blog 24 novembre 2025

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Loi Duplomb : la FNSEA et l’agro-industrie verrouillent le débat sur les pesticides

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Je suis agriculteur bio depuis vingt ans, et je regarde aujourd’hui avec colère – et une lassitude que je ne parviens plus à masquer – la manière dont la FNSEA et la filière betteravière continuent d’imposer leur vision d’une agriculture intensive et dépendante aux pesticides. La loi Duplomb en est le symbole : une loi taillée pour l’agro-industrie, écrite pour servir les mêmes intérêts que depuis trente ans, et certainement pas ceux des paysans qui travaillent avec le climat, les sols et les vivants. Et comme la loi est plus ou moins en train de revenir par la petite porte à travers l'examen de la pétition à l'Assemblée, il faut rester super vigilants.

On veut nous faire croire que cette loi répond au “malaise agricole”. Je peux te dire, moi, que sur le terrain, c’est tout autre chose. Les collègues parlent revenus, installation des jeunes, coût du matériel, sécheresses à répétition. Pas de néonicotinoïdes. Pas d’acétamipride. Ça, ce sont les obsessions de la Confédération des planteurs de betteraves, dirigée par Franck Sander, qui n’a jamais accepté la fin des néonics. Avec leurs relais à la FNSEA, ils ont appris à instrumentaliser chaque crise pour remettre leurs vieilles demandes sur la table.

Depuis le début de la crise agricole en 2024, les syndicats se sont engouffrés dans chaque micro-ouverture politique. La FNSEA, déjà surpuissante dans les chambres d’agriculture grâce à un système électoral taillé sur mesure, a utilisé cette instabilité pour pousser un agenda bien particulier : moins de règles environnementales, plus de pesticides, et toujours plus de soutien à l’agro-industrie. Et pendant que les paysans attendent des solutions sur leurs revenus, on leur sert une loi qui simplifie surtout… la vie des producteurs les plus intensifs.

Quand j’ai vu que la loi Duplomb ciblait des élevages représentant à peine 3 % des fermes françaises, j’ai compris. C’était une loi écrite par et pour ceux qui veulent continuer à produire comme si le dérèglement climatique n’existait pas. Et qu’on ne me dise pas que Franck Sander et la CGB ne sont pour rien dans cette orientation : toute la filière betterave est construite sur un modèle de volumes, d’intrants et de dépendance chimique. Leur influence est réelle, constante, organisée.

Le Conseil constitutionnel a censuré l’article réautorisant le pesticide tueur d’abeilles ? Tant mieux. Mais qu’on ne s’y trompe pas : ce n’est qu’un contretemps pour ceux qui poussent en coulisses. Avec un texte mieux ficelé, ils reviendront. Je les ai vus faire, année après année, réunion après réunion : leur stratégie n’a jamais changé.

Pendant ce temps, on détourne le mot “souveraineté alimentaire” pour justifier les mêmes logiques productivistes. On parle commerce international, exportation, compétitivité… mais jamais nourriture saine, résilience, adaptation écologique, ou revenus dignes. Le fossé entre l’agriculture paysanne et l’agro-industrie n’a jamais été aussi visible.

Pourtant, une autre voie existe. Elle demande de simplifier l’accès à l’installation, de financer la transition, de protéger les revenus, de valoriser les pratiques qui préservent les sols. Cette voie, je la vois chaque jour dans les fermes bio, dans les petites structures, dans les paysans qui veulent nourrir les gens, pas les marchés.

Alors oui, il faudra rester mobilisés. Les citoyens aussi. Parce que la suite de 2025 sera déterminante : si nous ne faisons rien, la FNSEA, la CGB et leurs alliés politiques réussiront ce qu’ils ont toujours voulu faire depuis l’interdiction des néonics : rouvrir la porte, pesticide après pesticide.

Je peux te le dire franchement : je ne laisserai pas les betteraviers écrire l’avenir de l’agriculture française à coups de molécules interdites. Je ne suis pas le seul, alors pourquoi personne ne nous écoute à Paris?

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