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Billet de blog 1 septembre 2023

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L’addiction au X détruit totalement l’éducation sexuelle des jeunes autistes hétéros

En juin 2023, le rapport du Sénat sur l’industrie du X révélait qu’un seul site, comme Pornhub, aurait enregistré 42 milliards de visites en 2019, soit près de 220 000 vidéos visionnées chaque minute à l'échelle mondiale. Face à ce développement massif d’une industrie toxique, des jeunes ayant des troubles sociaux et affectifs deviennent totalement dépendants.

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Illustration 1

Un vieux danger persistant

Nous sommes au début du premier confinement. Dans une série d'échanges de textos sur la messagerie cryptée Telegram, plusieurs secrétaires d'État discutent de l'impact de la consommation internet en ces temps de pandémie. Voici un aperçu de leurs échanges, mettant en lumière à la fois l'importance du sujet des sites pornographiques et une touche d'humour totalement inacceptable de la part des plus hauts représentants de l’État, au vue des ravages que causent cette industrie : «

 -Cédric O : "L’Italie a rencontré des problèmes de réseau, notamment à cause de la hausse de la consommation de porno et de jeux en ligne.

-Sibeth Ndiaye, amusée, commente : "Ça serait intéressant de voir Cédric expliquer cela à la télé.

-Agnès Pannier-Runacher suggère avec humour : "Si tu te connectes sur YouPorn à 22h30, ça ne dérange personne... C'est juste une question d'organisation.

-Jean-Baptiste Djebarri, jouant le jeu, répond : "C'est noté Agnès, merci pour ce conseil.

-Agnès Pannier-Runacher ajoute malicieusement : "Tu peux toujours compter sur moi." -Marlène Schiappa intervient en suggérant : "Avec Youporn, tu pourrais toujours solliciter des contenus amateurs. Netflix, c'est pour les familles.

-Agnès Pannier-Runacher taquine alors : "Je trouve que tu es devenue bien sage, Marlène.

-Marlène Schiappa, surprise, réplique : "C'est ta proposition de chercher des contenus pornos qui te fait dire ça ?".

Cette discussion souligne combien certains proches d’Emmanuel Macron sont indifférents à l'addiction précoce à des contenus violents, tels que les films. Néanmoins, cette addiction est préoccupante pour les jeunes autistes, aux vues de leur vulnérabilité mentale et leurs défis sociaux. Interrogée par message, Lénaé, militante chez Cleautiste, affirme : « L'addiction se manifeste quand le mécanisme de récompense du cerveau, normalement utile pour nous orienter vers le bien, se dérègle. » La jeune fille ayant un diplôme d’ingénieur conclut que l’addiction des autistes au X est un phénomène d’une grande complexité. Elle indique qu’il est crucial d'en prendre conscience, sans chercher une autre source de récompense. « Je crois, précise-t-elle, qu'il est essentiel de comprendre les rouages de l'addiction et de chercher de l'aide auprès d'experts ou de groupes de soutien. Des groupes existent, notamment dans la communauté gay pour des addictions spécifiques comme le chemsex, mais sûrement aussi ailleurs. »

Que disent les psychiatres au sujet de cette addiction ?

Un psychiatre parisien formé aux TSA nous offre une perspective contrastée par rapport à celle de Lénaée, et déplore les dérives qu’a récemment pris cette industrie « La pandémie de covid a vu l'industrie pornographique impacter gravement les jeunes autistes. » Si leurs troubles affectifs étaient déjà présents, leur vie intime aurait subi une dégradation accrue pendant les périodes de pandémie, particulièrement chez les hommes hétérosexuels. « Bien qu'en minorité, insiste-t-il ; puisque les coming-outs et transitions de genre sont courants parmi les jeunes autistes masculins, leur vue de la sexualité a été gravement altérée par les films X, où la violence est omniprésente. » Effectivement, un rapport sénatorial de juin 2023 révèle que nombre de scènes pornographiques contiennent des actes de violence - des agressions bien réelles touchant surtout les femmes y prenant part. Par conséquent, la consommation excessive de pornographie, choquante à tout âge, a des impacts variant selon l'âge du spectateur. Le psychiatre avec qui nous a échangé note que, en raison de leurs défis sociaux, beaucoup d'autistes adoptent les normes sociales par "mimétisme".

Il en conclue que cela devient préoccupant, lorsqu’on sait que les hommes autistes hétérosexuels s'éduquent souvent sur la sexualité via la pornographie. « Dans le rapport sénatorial, mentionne-t-il, le terme "viol psychique", employé par Maria Hernandez-Mora, experte en addictions sexuelles, m'a interpellé. L’adolescent autiste ne parvient pas toujours à percevoir ces contenus comme traumatisants. Ces images biaisent complètement leur conception de la sexualité, présentant des actes tels que la fellation ou la sodomie, dans leur représentation pornographique, comme des moments d'extase pour l'homme. »  De plus, le psychiatre met l’accent sur les termes choisis par Samia Bounouri, infirmière scolaire, lors de son échange avec les auteurs du rapport, pour souligner l'urgence de la situation. « Dans ce document, précise-t-il, Mme Bounouri énumère des symptômes post-visionnage chez les adolescents : culpabilité, honte, réminiscences des scènes, troubles du sommeil et alimentaires, difficultés de concentration, automutilation, entre autres. Cependant, la plupart des autistes avec ou sans déficiences intellectuelles, à cause de leurs défis émotionnels, n'éprouvent pas la culpabilité ou l'empathie que d'autres jeunes peuvent ressentir en réalisant un acte inapproprié ou une agression. » Le psychiatre suggère donc qu'un autiste peut, dans sa vie intime, reproduire des gestes inappropriés des dizaines de fois, même s'il est suivi, à cause de la difficulté à gérer ces émotions. D'ailleurs, selon la Fondation Scelles, 90 % du contenu pornographique inclut des violences, qu'elles soient sexuelles, physiques ou verbales.

Prise en charge psychologique des mineurs influence de la pornographie, Maria Hernández Mora © Famille Liberté

Vers la violence

Les autistes exposés à du contenu pornographique, et les femmes ayant subi des attouchements de personnes autistes, mettent en lumière un fonctionnement alarmant de l'industrie. Cette dernière diffuse des contenus brutaux aux jeunes présentant un handicap mental, et certaines jeunes filles subissent des violences de la part d'hommes ayant un tel handicap. Cela reflète l'influence néfaste des films X sur les relations. Maître Lorraine Questiaux, défenseure de plusieurs victimes, a décrit dans un rapport sénatorial de 2023 ce mécanisme, qui commence souvent par une domination intense, qualifiée de "viol de soumission". « Cette première étape a pour objectif de briser psychologiquement les victimes, rendant les abus ultérieurs plus aisés », nous a-t-elle précisé lors d'un entretien téléphonique aujourd'hui, en mentionnant que tous ses dossiers en cours concernaient des VSS. « La suite du processus se manifeste pendant les tournages, où les femmes endurent des violences, des rapports forcés, des actes non consentis et une dépersonnalisation totale », continue-t-elle. Selon ces témoignages, les scénarios dépeints sont glaçants. Les personnes autistes, à cause de leurs défis émotionnels, ne perçoivent pas toujours ces situations comme traumatisantes et peuvent reproduire ces actes, comme nous l'a confirmé Maître Questiaux cet après-midi. Elle plaide pour un mouvement de protestation contre la pornographie, similaire aux mouvements pour le climat initié par la jeunesse.

Un témoignage glaçant

Lors d'une rencontre dans un café du 11ème arrondissement, une jeune femme de 23 ans nous a partagé sa difficile expérience avec un individu ayant des troubles comportementaux. « Tout semblait normal au début. Mais rapidement, sa demande s'est basée sur des scènes qu'il avait vues dans des films populaires. » Elle nous mentionne des références spécifiques à certains films et séries. « Mon partenaire m’a expliqué qu’il s’était éduqué sexuellement en regardant les scènes d’un film de Riad Sattouf (Les Beaux Gosses), où Vincent Lacoste se branle devant un magazine La Redoute, et le premier épisode d’American Pie où Stiffler se fait sucer sous la table de son salon par une camarade de lycée. »

Les beaux gosses (2009) - Bande annonce © Telerama_BA

A ce moment, la jeune fille de 23 ans comprend que son partenaire autiste du même âge est addict au porno. « Je pense qu’il a été dans un premier temps influencé par des scènes de films grand public, comme les épisodes de la série Soda où il est régulièrement mentionné que Kev Adam’s regarde des films X, avant de tomber accro à ces mêmes. » Elle met vite un terme au rapport, puisqu’elle se sent en danger, et envoie un texto à son partenaire le lendemain pour lui expliquer la situation. « Au bout de quelques minutes, il me fait comprendre par message qu’il est tombé addict au porno vers 16 ans, et qu’il se masturbe quatre fois par jour sur des films ayant un peu toujours le même scénario : fellation puis sodomie avec des caméramans filmant les parties intimes du corps de la femme. »

Slim est-il Meilleur Dragueur que Kev Adams ? © JEUXACTU

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