L’Iran en deuil après l’attaque contre la tombe du « général des cœurs »
Hier, une attaque terroriste près de la mosquée Saheb Al-Zaman, a endeuillé l'Iran et la tombe du général Qâsem Soleimâni. Elle résonne comme un rappel cruel de l'importance historique et symbolique de celui que les iraniens surnomment « le général des cœurs ».
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Précoce et efficace
🇮🇷 Special Aide to Iran's Interior Minister, Mojtaba Abtahi, speaking at a commemoration ceremony for Qassem Soleimani:
“Since October 7th, the field is in the hands of the resistance. We don't do any rushed actions, or any action derived from emotions, as we don't play in a… pic.twitter.com/PlMHTU9mZA
Soleimâni commence à se distinguer lors de la contestation étudiante de 1999. Sa loyauté se reflète dans son action décisive après les attentats du 11 septembre 2001. Dans un ouvrage paru l’an dernier, le politologue Morgan Lotz, auteur de plusieurs livres sur le régime des Mollahs affirme que Soleimâni « défend devant le Conseil suprême de Sécurité nationale l’idée de travailler en coopération avec les Américains dans la lutte contre les Talibans afghans ». Cette période de coopération, souligne la complexité de la diplomatie régionale et le rôle pivot de Soleimâni. La vénération de Soleimâni en Iran ne peut être dissociée de son influence dans ses tentatives de discussions avec des États opposés aux États-Unis et à la CIA qui tuera Soleimâni en 2020. Morgan Lotz souligne que « l’invasion de l’Irak par les États-Unis et le déclenchement de la guerre en 2003 convainquent Soleimâni de développer un réseau de soutiens à l’Iran ». Ces actions, souvent controversées, illustrent la stratégie iranienne de projection de pouvoir, avec Soleimâni en architecte principal. La création de milices shî’ites, inspirées du modèle du Hezbollah, est une preuve tangible de son ingéniosité militaire et de sa vision stratégique. Soleimâni a été un acteur clé dans le renforcement des alliances iraniennes, notamment en orchestrant la coopération avec la Russie et en influençant les stratégies militaires contre des groupes comme l'État islamique. Puis, son rôle dans des opérations telles que l'offensive de Lattaquié et la campagne du désert syrien révèle son expertise et sa capacité à diriger dans des situations extrêmement complexes durant la première décennie de notre siècle.
La révision du nombre de victimes de l'attaque terroriste, passant de 103 à 95 selon les correspondants du Monde à Téhéran, ne diminue en rien la gravité de cet acte, ni l'importance de la figure de Soleimâni pour l'Iran et le Moyen-Orient lorsque Soleimani a mis en œuvre des stratégies de lutte contre Daech. L'attaque contre sa tombe n'est pas seulement un acte de vandalisme ; c'est une tentative de détruire un symbole puissant de résistance et d'influence iraniennes sur la scène internationale. Comme l'écrit Morgan Lotz dans son essai Comprendre les Gardiens de la Révolution islamique paru l’an dernier aux éditions L'Harmattan, Soleimâni est un stratège clé ayant joué un rôle crucial dans des opérations militaires stratégiques, comme la libération de Tikrit en mars 2015, où il a dirigé l'armée irakienne, les milices shî'ites et la force Qods. Lotz observe : « L’armée irakienne, les différentes milices shî’ites et la force Qods commandées par Soleimâni qui avait préalablement planifié la bataille, soutenues par les aviations françaises, britanniques et américaines, libèreront la ville le 31 mars. ». Au-delà de ses prouesses militaires contre l’État Islamique, Soleimâni s’était rendu à Moscou en juillet 2015 pour présenter un plan de campagne pour la Syrie à Vladimir Poutine, opposée à l’EI puisqu’elle a toujours soutenu le régime de Bachar Al Assad depuis le début des printemps arabes en 2011. Bien que Vladimir Poutine ait réfuté ces allégations, Morgan Lotz affirme dans son livre paru l’an dernier que « Qâsem Soleimâni va superviser de nombreuses campagnes en Syrie à la tête des nombreuses unités précédemment citées regroupées sous son égide ». Enfin, au vue de l’importance des actes diplomatiques effectués par Soleimani, la vague d'émotion et de souvenir exprimée après la vandalisation de sa tombe ayant causé la mort de 95 personnes est totalement compréhensible.
Le flegme iranien
Au-delà de son rôle militaire, Soleimâni est décrit par Morgan Lotz comme un homme de caractère doux et calme, aimé pour sa simplicité et sa proximité avec son peuple. Cette image d'homme simple d’un fils de petits paysans, né après la révolution de 1979 où il était possible de faire de la politique en Iran lorsqu’on venait d’une famille pauvre contraste fortement avec les figures habituelles de commandants militaires, ajoutant à la complexité de sa personnalité et à son héritage. Lotz souligne également la profonde piété de Soleimani, sa sensibilité et son humanité, illustrées par son affection pour les familles de ses compagnons tombés au combat, dans les opérations militaires qu’il a pu commander. Ces témoignages du politologue dépeignent Soleimani comme un leader militaire mais aussi comme un homme de foi et de compassion, profondément impliqué dans la vie et les épreuves de ceux qui l'entouraient. Sa popularité en Iran, où il était considéré comme un héros national, est un témoignage de son impact sur le pays jusqu’à ce que la CIA le tue en 2020. De plus, son approche du leadership était marquée par l'empathie et le dévouement, était appréciée. Comme le rappelle son ami d'enfance Ali Akbar Pouryâni, un militaire iranien qui fut capitainepilotes deshélicoptèresBell AH-1 Cobra et Bell 212 de l'armée de la république islamique d'Iran. dans ses mémoires : « Soleimâni guidait ses soldats par l'exemple, disant toujours « Suivez-moi ! » au lieu de « Allez-y ! ». Cette vision du leadership défendue Qâsem Soleimâni a également été immortalisée dans les mémoires recueillies par Ali Akbari Mozdabadi dans son livre "Nobles Camarades : Hadj Qâsem". En conclusion, les mots du diplomate Hossein Amirabdollahiân résument avec justesse l'énigme qu'était Soleimâni : « Il est trop tôt pour pouvoir dire qui était le général Soleimâni et ce qu’il a fait pendant sa vie, pendant son martyr. » L'histoire retiendra sans doute son nom et son héritage complexe, celui d'un général, d'un leader et d'un homme au cœur profondément humain.
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