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Billet de blog 5 juin 2023

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L'autisme fut un syndrome au coeur de la culture grunge

Dotés d'une rigueur et d'une sensibilité hors-norme, les autistes présentent souvent de fortes aptitudes en composition, ainsi qu'une grande créativité. Les œuvres des songwriters de la période grunge, régulièrement confrontés à l'autisme, mettent en lumière cette hypothèse.

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Illustration 1

Lorsque l’on aborde les liens entre traits autistiques et la musique, il est fréquemment question des œuvres de compositeurs classiques célèbres pour leur phobie sociale, leur minutie et leur créativité, comme Wolfgang Amadeus Mozart ou Erik Satie. Mais il ne faut pas oublier que d’autres musiciens contemporains comme Elliot Smith ou Kurt Cobain du groupe Nirvana ont probablement été touchés par ce syndrome. Ces songwriters américains, aussi géniaux que torturés, ont exploré les abîmes les plus sombres de l’âme humaine dans des textes ou la solitude, la dépression et la mort sont souvent abordés.

Leur description poignante des « misères » hantant leurs vies d’écorchés vifs ressemble souvent à celles que ressentent les personnes autistes Asperger, lorsqu’elles sont confrontées trop brutalement à la société. Dans des albums comme NevermindGrace ou Without a Sound, les songwriters américains des années 90 ont pu atteindre un état de conscience plus profond, où leurs souffrances ressenties lorsqu’ils devaient se confronter à une foule, n’étaient plus aussi oppressantes. Il est temps d’explorer l’univers de ces musiciens atypiques, probablement tous atteints du syndrome d’Asperger, aussi déchirants que fascinants.

Nirvana - Lithium (Official Music Video) © NirvanaVEVO

Une grande sensibilité

Le rock indépendant des années 90 était un genre musical se distinguant par ses riffs de guitare puissants et ses voix graves et rocailleuses, évoquant la force et la vitalité de cette musique puissante et atypique. Souvent originaires de Seattle, les songwriters de cette époque, parfois peu techniques mais prodigieusement créatifs, ont laissé leur empreinte dans l’histoire de ce style musical en composant des albums qui ont marqué leur temps. Ces musiciens avaient en commun une lutte contre leur propre condition, une angoisse face à la foule et la notoriété, ainsi qu’un rejet total de la société. Mais la musique leur a permis de transcender leurs souffrances, leurs névroses, et même de les aborder pour mieux les comprendre. En effet, pour certains d’entre eux, la créativité n’était pas seulement une voie de salut, mais également une source de perte.

Geneva © Billy Gaz Station - Topic

L’ancien chanteur et guitariste du groupe Billy Gaz Station, Fred Alera, également connu sous le nom de Billy The Kid, a récemment partagé son point de vue sur les liens entre l’autisme, la créativité artistique et les troubles psychologiques. " La matière créatrice étant souvent abstraite, explique-il, elle peut amener les artistes à réfléchir sans prise avec la réalité, ce qui peut être salvateur pour certains types de troubles mentaux. Toutefois, les troubles autistiques peuvent également être exacerbés par l’activité artistique, menant à des comportements obsessionnels et des enjeux de carrière démesurés, comme cela a été le cas pour Jeff Buckley, Kurt Cobain ou Elliot Smith. Un autre songwriter lauréat du tremplin Ricard 2018, Vincent Jouffroy, mieux connu sous le nom d’I Am Stramgram, a également exprimé son analyse élogieuse du trouble autistique. " Le collectif Punk Astéréotypie, clame-il, régulièrement mis en valeur par la rédaction du Papotin, a démontré qu’il y avait quelque chose de brut et surtout de très honnête dans l’implication artistique des personnes souffrant de troubles autistiques. Cette honnêteté émotionnelle contraint les artistes à ne pas tricher, ce qui leur donne une qualité unique et émouvante.

I Am Stramgram - A Million Years © I Am Stramgram

Une forme de pessimisme.

Bien que sa marque sur son temps fût indéniable et que son influence se fasse toujours ressentir chez de nombreux groupes contemporains tels que Lysistrata ou les groupes du label Bordelais Flippin Freaks, la musique grunge a été l’objet de critiques pour son pessimisme, son fatalisme et son côté « No Future », incarné par ses égéries comme Chris Cornell du groupe Soundgarden, ou Jon Mascis des groupes Dinosaur Jr et Sebadoh.

Dans « The Storyteller », une biographie racontant les histoires personnelles de Dave Grohl, l’ancien batteur de Nirvana met également en avant le côté pessimiste des songwriters apparentés au mouvement grunge. Il relate le déroulement des tournées avec Kurt Cobain. Les témoignages du frontman des Foo Fighters ont confirmé les soupçons selon lesquels le leader de Nirvana était atteint d’autisme. Dans cet ouvrage, Dave Grohl rapporte comment les foules immenses qui se rassemblaient pour voir le groupe dans de minuscules salles, au sommet de leur succès, faisaient perdre pied à Kurt Cobain. Le célèbre compositeur aux jeans troués et à la chevelure blonde atteignait un point de non-retour pendant les concerts, complètement frustré et submergé par des fans sauvages, et se mettait à détruire tout ce qui se trouvait à sa portée, que ce soit sa Fender Jazzmaster, les consoles de son ou tout autre objet à sa portée pour extérioriser sa rage.

Plusieurs sources laissent également entendre qu’Elliot Smith a vécu des scènes d’angoisse similaires tout au long de sa carrière. En 1998, lorsqu’il est invité à la cérémonie des Oscars pour présenter les chansons du film Will Hunting, il se produit devant un public de millions de téléspectateurs, accompagné cette fois-ci par tout un orchestre, la musique du chanteur de Portland touche le cœur de tout un pays. Bien que la récompense ultime lui échappe, tout cela semble irréel pour lui. Il se sent comme un étranger dans ce monde qui le célèbre, comme un autiste ne trouvant pas sa place dans un monde de neurotypiques. Pendant sa prestation aux Oscars, l’auteur de « Between The Bars » apparaît fragile, perdu dans les paroles de sa chanson, en contraste avec les autres nominés et leurs titres impersonnels et superficiels. Des années plus tard, il avouera que c’était ridicule.

Elliott Smith at the Oscars © charlie ramirez

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