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Billet de blog 6 mai 2023

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Les particularités de la constitution de 1958

La Ve République est née de l’impuissance de la IVe République à régler le problème de la décolonisation, principalement en Algérie. En effet, la loi fondamentale de la Constitution du 4 octobre 1958 fut construite dans un objectif de restauration et de continuité du pouvoir et d’aménagement des relations entre la France et les peuples d’outre-mer.

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Illustration 1

L’inspiration de la Constitution de 1958

La Constitution de 1958 a été conçue pour faire face à l'hypothèse d'un gouvernement privé d'une majorité absolue à l'Assemblée, afin de stabiliser l'action du pouvoir exécutif. Un politologue du CEVIPOF enseignant à Sciences Po Paris explique qu'elle "s'inspire d'une idéologie forte visant à rétablir l'autorité de l'État tant à l'étranger qu'à l'intérieur". La récente réforme des retraites Borne-Ciotti, imaginée par Emmanuel Macron afin de réaliser une économie de 17 milliards d'euros dans le budget de l'État français, montre dans quelle mesure cette Constitution permet de faire prévaloir l'intérêt national sur les conflits partisans et les affrontements entre les personnes issues de différentes catégories sociales, comme les cadres soutenant massivement la réforme et les classes populaires qui sont massivement descendues dans les rues de l'hexagone pour exprimer leur mécontentement.

La validation de cette réforme des retraites par le Conseil constitutionnel et l'échec de la motion de censure du 28 mars montrent également comment les partis politiques et les citoyens opposés à la réforme ne peuvent s'opposer à l'intérêt supérieur de la nation incarné par le chef de l'État. Un professeur d'histoire contemporaine de l'Institut catholique de Paris, souhaitant rester anonyme, souligne la volonté d'Emmanuel Macron et de tous les présidents de la Cinquième République de mettre un terme à l'anarchie parlementaire du régime précédent. "La Constitution du 4 octobre 1958, explique-t-il, a été le fruit d'un compromis entre de Gaulle et les chefs de parti de la IVe République. La SFIO, le MRP, les Indépendants et les Paysans étaient d'accord pour remédier à l'instabilité gouvernementale, mais ils jugeaient inconcevable l'élection de l'hôte de l'Élysée au suffrage universel direct." Enfin, cet historien se revendiquant ouvertement du gaullisme souligne que les projets des partis politiques tels que La France Insoumise, basés sur une assemblée constituante, créeraient une "forme d'anarchie" à l'Assemblée.

La Vème République, une constitution sur mesure ? © imineo Documentaires

La double conception du régime politique de 1958

Le régime né en 1958 repose ainsi sur l'idée d'un renforcement de la légitimité du Président de la République et celle d'une restauration du rôle du gouvernement et du Premier ministre. Le politologue du CEVIPOF que nous avons rencontré explique que ce régime mixte mis en place par Charles De Gaulle participe au caractère ambigu de la Constitution de 1958 qui est double. "D'un côté", explique-t-il, "se dresse une Constitution de type parlementaire avec un Gouvernement responsable devant l'Assemblée nationale et qui devrait logiquement en être l'émanation. D'un autre se dessine une prédominance du Président de la République, accentuée par la révision de son mode d'élection au suffrage universel direct en 1962 (révision de la Constitution de 1958 par la loi référendaire du 6 novembre 1962)". Le quinquagénaire barbu portant une veste APC (il a vraiment l'apparence du politologue de gauche) explique que cette constitution incite naturellement les présidents de la Xème République à assumer toutes les responsabilités qui découlent d'un tel mode d'élection, alors même que le texte de la Constitution ne semble pouvoir lui offrir les prérogatives nécessaires pour cela. "L'article 20 de la Constitution, explique-t-il, laisse entendre que c'est le gouvernement qui détermine et conduit la politique de la Nation. Or, l'équilibre du régime dépend des choix du Président de la République." En somme, la Constitution de 1958 est l'œuvre d'un pouvoir constituant dérivé prévu par le régime antérieur. Le professeur d'histoire contemporaine que nous avons rencontré démontre que le suffrage universel comme source du pouvoir, la séparation du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, la responsabilité du gouvernement devant le Parlement, l'indépendance de l'autorité judiciaire limitent la liberté de rédaction du gouvernement, même si aucune sanction n'était prévue en cas de violation de ces derniers.

Le régime parlementaire moniste et dualiste © Jurixio - Les vidéos de droit

Comment fut institué la Constitution du 4 octobre 1958 ?

Le 4 octobre 1958, la Constitution de la Ve République est promulguée - 04 10 2018 © Ako HAMDAOUI

Élaboré pendant l'été 1958, le texte de la Constitution fut soumis à un Comité consultatif constitutionnel (composé de deux tiers de parlementaires et d'un tiers de personnalités qualifiées désignées par le Gouvernement français). Cette loi portait dérogation transitoire à l'article 90 de la Constitution de 1946 qui concernait la révision constitutionnelle. Le jeune professeur d'histoire contemporaine que nous avons rencontré porte beaucoup d'intérêt à ce détail de notre constitution. "La Constitution de 1958 est l'œuvre d'un pouvoir constituant dérivé prévu par le régime antérieur. Le passage des institutions de 1946 à 1958 s'est opéré sans hiatus et reste jusqu'à présent un cas unique." Ainsi, l'historien souligne que la nouvelle procédure dérogatoire était très différente de l'initiale sur laquelle l'Assemblée nationale avait la haute main, mais elle était régulière. L'un de ses collègues enseignant le Droit Constitutionnel aux étudiants de licence 1 à la Sorbonne Paris IV précise qu'elle imposait au gouvernement chargé de la rédaction de la nouvelle Constitution le respect de cinq principes formulés par le général de Gaulle lui-même : le suffrage universel comme source du pouvoir, la séparation du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif (comme disait Montesquieu dans l'Esprit Des Lois, "Le pouvoir freine le pouvoir"), la responsabilité du gouvernement devant le Parlement, l'indépendance de l'autorité judiciaire, l'organisation des rapports entre la République et les peuples associés. "Ces principes limitaient la liberté de rédaction du gouvernement, même si aucune sanction n'était prévue en cas de violation de ces derniers", précise-t-il. En outre, la loi constitutionnelle prévoyait l'obligation pour le gouvernement, en l'absence de réunion d'une Assemblée constituante, de procéder à la ratification du texte par référendum sans qu'aucun délai n'ait été toutefois fixé.

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