Depuis le drame de Nanterre, les critiques de la droite et de l’extrême droite se sont concentrées sur LFI. Néanmoins, Jean-Luc Mélenchon a démontré lors de son interview d’hier avec des journalistes de Mediapart qu’il reste l’un des seuls à proposer un projet politique social et écologique.
Énoncé en 1964, ce principe influençant fortement Les Insoumis ces dernières années restera fondamental dans la pensée de Murray Bookchin. Lorsqu’il affirme que "la société écologique est structurée autour d'une commune des communes confédérées", idée qu'il développera en théorisant le "municipalisme libertaire" à partir de 1973 dans son essai The Limits of the City, Bookchin reprend deux principes caractéristiques de l'anarchisme. Certes: l'organisation de la société du bas vers le haut, clamée par Bakounine et la Fédération jurassienne, va à l'encontre des principes et de la stratégie Insoumise qui ne remet pas fondamentalement en cause l'État ou le système policier. Jean-Luc Mélenchon soulignait encore hier dans une interview à Mediapart : "Qu'il y a besoin d'une police dans toutes les sociétés, c'est l'évidence depuis que les villes existent." Donc, Jean-Luc Mélenchon reste un défenseur d'une police républicaine sous étroit contrôle politique. "Traditionnellement, soulignait-il hier dans Mediapart, les grandes forteresses de l'État sont cogérées. Le ministre de l'Intérieur compose avec les syndicats de police. Il faut donc refonder la police, en commençant par la formation, la reprise en main de l'encadrement, le rétablissement du code de déontologie de Pierre Joxe...". Il est donc totalement faux de laisser entendre que Les Insoumis n'appellent pas à la justice et au calme dans un contexte d'intense violence policière. Dans la vie politique française, le rôle des Insoumis consiste plutôt à formuler une évaluation politique d'un problème pour lui apporter des réponses satisfaisantes sur un plan républicain et écologique.
Murray Bookchin n'a pas véritablement creusé les dimensions scientifiques de l'écologie savante. Il a surtout utilisé quelques mots-clés. Il semble toutefois avoir conscience d’une grande ambiguïté, puisqu'il ajoute que l'écologie est "intrinsèquement une science critique". Mais de quelle critique s'agit-il ? En fait, elle consiste surtout en une remise en cause des dégâts causés par l'homme. Depuis la création du mouvement en 2016 par Jean-Luc Mélenchon, Les Insoumis s'efforcent de démontrer que les dégâts causés par les individus prennent de nombreuses formes (sécuritaires, sociales, écologiques, politiques). Or, comme l'affirmait Jean-Luc Mélenchon hier dans les colonnes de Mediapart : "La violence comme stratégie politique ne mène nulle part. Nous devons passer notre temps à nous défendre d'être des violents", expliquait l'ancien candidat aux présidentielles au sujet des Insoumis, alors que c'est le pouvoir qui institutionnalise la violence. En 1989, déjà, Mélenchon rédigeait texte fondateur de la Nouvelle école socialiste théorisait le concept de "social-démocratie urbaine". L'idée, à l'époque, de celui qui était encore élu à Massy, était qu'avec l'urbanisation du monde, les nouvelles organisations progressistes, socialistes et collectivistes naîtraient de la structure urbaine et pas dans les entreprises. Ainsi, c'est en affirmant que la ville n'est pas un décor, et qu'elle correspond à son époque, que Jean-Luc Mélenchon se montre réellement bookchinien. Dans ce système politique qui lui est cher, la tentation biologiste et naturaliste est donc recentrée au profit de ce qu'on pourrait appeler un humanisme non irénique, un socialisme en fait.
« La stratégie, c’est l’union populaire, pas seulement l’union des partis politiques. L’union populaire, c’est un objectif qui s’adresse à la masse et qui transite aussi par des formes organisées. »
En tenant ce type de propos, Jean-Luc Mélenchon laisse entendre que dans les immensités urbaines, sans bords, sans limites composant actuellement la France, il est évident que la question de la gestion se pose différemment, et que la bonne échelle, c'est le quartier. Contrairement au sens très libertarien de "community" aux États-Unis, qui est souvent proche de celui de paroisse, Murray Bookchin et Mélenchon reprennent à travers le concept de "quartier" l'idée communaliste caractéristique du socialisme européen en lui ôtant la dimension insurrectionnelle en faveur d'une "commune des communes". Tout comme Bookchin, Les Insoumis envisagent la ville comme un écosystème qui doit tendre à l'autosuffisance, d'un point de vue énergétique mais aussi politique. Rien de très neuf aux yeux de ce spécialiste de l'écologie politique ayant accepté de témoigner : "Dès les années 80, Brice Lalonde assimile la communauté locale à un écosystème au sens propre comme au figuré. Son autonomie est présentée comme un moyen d'assurer sa libération hors de la tutelle de l'État, que Brice Lalonde rejette, qu'elle prenne l'apparence de la providence ou du gendarme, comme elle le fait depuis la mort du Nahel ou la dissolution des soulèvements de la terre", souligne-t-il. Dans le cadre de ce programme écologiste, cette réflexion sur la communauté à peine esquissée apparaît comme une troisième voie possible, distincte du collectivisme et de l'anomie de la société capitaliste.
« Là où nous pouvons encore décider, s’il est encore possible de retrouver dans un lieu public ce sentiment de propriété collective, alors il sera sans doute également possible de reconnaître dans l’air, dans l’eau, dans la nature vierge et le bocage verdoyant le sens du patrimoine collectif, qui est nôtre, comme une immense maison sans portes ni fenêtres où les saccageurs sont entrés, nous privant de notre bien-être. Ensemble, mettons-les dehors et laissons la nature reconquérir ses droits »
Cette citation associe très étroitement l'accroissement du "pouvoir d'agir" des citoyens et la préservation de l'environnement défendue par toute La Nupes. L'intérêt général, étendu à la jouissance d'un cadre de vie vierge de pollutions et de violences policières, n'est ici plus pris en charge par les élus mais par un "nous" qu'on peut rapprocher des réflexions de Brice Lalonde sur la communauté comme unité de base librement choisie. Un membre des soulèvements de la Terre, également militant Insoumis, que nous avons rencontré dans un café parisien témoigne : "Dans un modèle politique Insoumis ou bookchinien, les communes doivent être le cadre d'une démocratie directe écologiquement viable où les individus seraient en mesure d'agir directement sur leur environnement."
Concrètement, ce jeune militant ayant fréquenté les bancs de Sciences Po Paris est convaincu que les écologistes doivent établir des commissions extramunicipales composées de responsables associatifs ou de simples citoyens qui auraient pour fonction de contrôler les élus voire de déterminer les grandes orientations du développement de la commune. " En soulignant depuis une semaine qu'il y a de moins en moins d'animateurs, de médiateurs, d'éducateurs dans les cités, et qu'on coupe les budgets pour la prévention spécialisée, je pense que Mediapart a fait un très bon choix éditorial. Je suis convaincu que s'ils étaient remis en place, les emplois aidés ayant disparu pourraient être au cœur des commissions extramunicipales que Brice Lalonde et Murray Bookchin rêvaient de créer., souligne-il." Déçu par une classe politique ayant choisi la sécurité face à la prévention, le jeune Mélenchoniste veut promouvoir l'action des citoyens dans le cadre de la commune. Ce choix traduit son grand certain discrédit à l'encontre de la fonction d'élu municipal et s'accompagne donc d'une promotion des associations, considérées comme l'expression directe des citoyens. "Fortes de leur prise en charge de problèmes concrets à Paris sur des questions aussi larges que l'autisme, l'accueil des réfugiés ou l'écologie, les associations sont érigées en une nouvelle force apte à organiser la vie collective dans le cadre d'une démocratie locale vécue au quotidien."
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