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Billet de blog 6 novembre 2023

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La nouvelle loi qui pourrait redessiner le paysage migratoire français

Dans un contexte de tensions politiques et de défis démographiques, la France se prépare à écrire lors des prochaines semaines un nouveau chapitre de sa politique migratoire. Gérald Darmanin, au cœur de la tempête, propose un projet de loi audacieux, cherchant à équilibrer rigueur et intégration par le travail déplaisant aux parlementaires de droite.

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Illustration 1

Une loi pour s’adapter à un nouveau contexte démographique

Depuis dix ans, la France est de plus en plus sollicitée sur la scène internationale, où les histoires de milliers d'individus en quête d'un avenir meilleur viennent frapper à sa porte. Tout aussi révélateur est le nombre de premiers titres de séjour : 194 410 délivrés en 2009 contre plus de 277 466 en 2019. Ces chiffres, bien plus qu'une simple statistique, incarnent des destinées humaines, des espoirs et des rêves enracinés dans le désir d'une vie meilleure. Au cœur de cette réalité démographique et humaine, un projet de loi défendu par Gérald Darmanin cherche à naviguer dans les eaux tumultueuses de la politique migratoire. Il porte en lui un double objectif : intensifier les expulsions d’étrangers en situation irrégulière et, paradoxalement, réformer le système d'asile. Au cœur de cette réforme, un élément clé : la création d'un titre de séjour pour les travailleurs sans papiers dans des métiers en pénurie de main-d’œuvre. Une lueur d'espoir se profile pour ces ombres du marché du travail français analysées vendredi par le journaliste de Libération, Rachid Laïreche, qui pourraient, après trois ans sur le territoire et huit mois d'emploi dans des secteurs clés, saisir un sésame d'un an : le titre de séjour « métiers en tension ». Cette initiative ouvre une porte vers une possible régularisation, avec à la clé une carte de séjour pluriannuelle pour ceux qui s'engagent dans la durabilité de l'emploi et l'apprentissage de la langue française, dérangeant les groupes politiques de droite. Le parti LR voit dans l'Article 3 une distraction. Olivier Marleix, président du groupe LR à l'Assemblée nationale, estime que la loi actuelle souligne l'impuissance de la France face à la question migratoire. Il croit que « l'Article 3 est une manœuvre de Darmanin pour persuader le parti de voter en faveur de la loi ».

© Nils Wilcke

Ça chauffe entre le premier flic de France et la droite parlementaire 

Récemment, le parti LR a même publié une pétition appelant à un référendum sur la question de l'immigration, une démarche similaire à celle initiée par le Rassemblement National (RN) l'été dernier, à partir du travail de députés comme Edwige Diaz. Cette pétition, ayant recueilli près de 15 000 signatures, critique l'inefficacité des lois précédemment votées sur l'immigration et souligne le danger pour la nation en cas d'incapacité à expulser les étrangers qui engendrent du désordre. Des amendements sont également proposés pour renforcer la loi. Par exemple, l'un d'entre eux vise à éliminer toute protection contre l'expulsion ou l'interdiction sur le territoire français. Un autre cherche à instaurer une peine complémentaire d'interdiction du territoire pour tout étranger reconnu coupable d'une infraction. Dans les arcanes du pouvoir, où chaque décision peut être un tremplin ou un piège, Gérald Darmanin joue une partition délicate. Sur la scène politique française, il s'aventure à flirter avec l'idée d'un durcissement du regroupement familial, un numéro d'équilibriste visant à capturer les faveurs des Républicains tout en évitant de chambouler l'équilibre précaire au sein de la majorité présidentielle. En réponse à la dernière offensive de la droite, visant à lancer une motion de censure si l'article 3 de la réforme est adopté, Gérald Darmanin a exprimé, entre autres, sa préférence personnelle pour la proposition de Bruno Retailleau de transformer l'aide médicale d'État (AME) en une aide médicale d'urgence (AMU). 

Impasse migratoire, jeu politique européen

Ocean Viking : "Cette affaire illustre jusqu'à la caricature les maux français" © Europe 1

La toile de fond de cette saga se déroulant entre Matignon, L’Assemblée et le Sénat est incontestablement européenne. Avec seulement (107 agents de Frontex) pour garder ses frontières, l'Union européenne se repose lourdement sur l’Italie et la Grèce, véritables sentinelles méditerranéennes, submergées par des vagues de réfugiés sans recevoir l'appui escompté de leurs partenaires. Cette pression incessante a propulsé en Italie Georgia Meloni, figure de proue de la droite anti-immigration, (reflet d'une Europe déboussolée) face à la question migratoire. Ainsi, dans les autres états européens où L’Extrême-Droite est forte, ou au pouvoir, les choix de Beauvau sur l’immigration et la politique d'Emmanuel Macron sur ce dossier est scrutée, jugée, souvent condamnée. L’épisode de l’Ocean Viking, navire humanitaire avec (234 migrants à son bord), devenu un symbole de cette fracture : accueilli à Toulon sur décision présidentielle, après l’Italie de Meloni qui lui a fermé ses portes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon un sondage Odoxa Backbone pour Le Figaro, (53 % des Français désapprouvent l’accueil du navire). Des chiffres qui résonnent avec la montée de la droite nationaliste et populiste en France. Néanmoins, Le Rassemblement National tout en condamnant l’inaction européenne, se posent en fervent opposant à l'élargissement des compétences de l'UE. Un paradoxe palpable, puisque les journalistes de L’Obs révélaient mercredi dans un travail d’enquête factuel et conséquent que plusieurs membres du RN, sont très faiblement engagés dans les votes au Parlement européen sur la question migratoire. En effet, le président du Rassemblement National n'a été rapporteur que pour un seul texte et n'a posé qu'une seule question orale depuis son élection, et vient surtout en séance pour toucher ses subventions de député européen. Cependant, il est toujours très présent lors des sessions plénières, ce qui lui permet de toucher son indemnité intégralement. Ainsi, le clan de Marine Le Pen voit des élus attiser les flammes d'un débat brûlant de fermeté sur la question migratoire, espérant récolter les fruits politiques d’une crise non résolue sans voter les textes sur la question au Parlement Européen.

La question migratoire au cœur des clivages politiques

Actuellement, sept Français sur dix critiquent la politique migratoire du président. Un clivage qui se dessine nettement : la gauche lui reproche un déficit de générosité, tandis que la droite crie au laxisme. Cette polarisation de l'opinion sur la question migratoire fait du projet de loi défendu par Gérald Darmanin l’un des enjeux les plus épineux du quinquennat de Macron. Dans ce contexte, chaque décision est un fil sur lequel le président doit danser, entre le feu de la critique et la glace de l'indifférence, son avenir politique se jouant autant sur l'arène internationale que dans l’opinion publique française. Entre ces deux feux, Gérald Darmanin, conscient que chacun de ses pas pourrait sceller non seulement le sort de milliers de personnes mais aussi celui de son propre mandat. L'avenir politique de Darmanin, qui pourrait convoiter l’Élysée en 2027, et celui de la politique migratoire de la France sont désormais indissociablement liés, dans une danse incertaine entre ouverture et fermeté, entre humanité et souveraineté.

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