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Billet de blog 7 juin 2023

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« Il est difficile de se dire que le parlement a assez de pouvoir aujourd’hui »

Lors de la manifestation du mardi 6 Juin, place des Invalides, des députés de gauche expliquaient que les difficultés du groupe à porter sa proposition de loi met en lumière de vrais failles démocratiques.

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La proposition ambitieuse du groupe Liot

Corrigée le 20 avril par le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT), la proposition de loi visant à abroger la réforme des retraites est examinée à l'Assemblée nationale ce jeudi, dans le cadre de la niche parlementaire attribuée au groupe dirigé par Charles De Courson. Cette niche sera l'occasion de rappeler qu'en France, Le Parlement n'est pas assez maître de l'organisation des discussions législatives. Karine Lebon, députée membre du groupe Gauche démocrate et républicaine, s'est exprimée à ce sujet: « C'est assez difficile de se dire que le Parlement a suffisamment de pouvoir quand on voit tout ce qui est fait pour le museler. Dans le cadre du texte sur la réforme des retraites, la présidente de l'Assemblée nationale n'a pas saisi le président de la commission des finances concernant les amendements proposés par les groupes politiques ». Karine Lebon en conclut que Yael-Braun Pivet veut décider seule quels amendements seront recevables. Un professeur de Droit Public enseignant à Sciences Po tient le même discours que la députée de La Réunion. « Dès le dépôt du texte par Charles De Courson, la Constitution a permis au gouvernement d'invoquer devant le Bureau de l'assemblée concernée l'irrecevabilité financière des propositions et amendements du groupe Liot, en expliquant qu'ils auraient pour conséquence l'aggravation d'une charge publique (article 40), que le gouvernement souhaite réduire de 15 milliards en utilisant une proposition de loi classique sur la taxe du tabac, alors que les cadeaux fiscaux aux plus riches sont toujours plus élevés. »

Illustration 1

L’étrange voyage du texte en commission

© oscar tessonneau


Les difficultés rencontrées par les parlementaires de gauche pour faire abroger la réforme des retraites montre que sous la cinquième république, le Parlement ne maîtrise pas entièrement le choix des textes qu'il discute. En théorie,   l’article 39 prévoit que l'initiative de la loi lui appartient  (propositions de loi), concurremment avec le premier ministre (projets de loi). Mais en pratique, les propositions, en particulier celles de l'opposition, ont peu de chances de devenir des lois. Elles se heurtent à une série d'obstacles, notamment parce qu'elles sont soumises à un contrôle de recevabilité auquel le projet de loi échappe. Donc, l'étrange cacophonie subsistant entre les couloirs de du Palais Bourbon autour de la proposition de loi du groupe Liot pour abroger la réforme des retraites montre parfaitement que la Cinquième République est un régime où à l’Assemblée Nationale, un groupe politique opposé à l’exécutif se heurte à une série d'obstacles lorsqu’il veut présenter un projet, notamment parce que ses propositions sont soumises à un contrôle de recevabilité auquel le projet de loi échappe.

© Louis Boyard

Un parlement muselé

© Mathilde Panot


L'autre obstacle fondamental à l'initiative parlementaire réside dans le fait que c'est le gouvernement qui détermine l'essentiel de l'ordre du jour et peut ainsi verrouiller le travail du Parlement, qui ne semble plus maître de l'organisation des discussions législatives. « Lors de l'examen en commission législative, le gouvernement d'Élisabeth Borne est intervenu trop vite via des votes bloqués pour influencer le travail législatif ainsi que le contenu de la loi. Par conséquent, le gouvernement a rapidement orienté le vote du texte en écartant les amendements auxquels il n'est pas favorable et en demandant à l'assemblée concernée de se prononcer par un seul vote. » Le professeur de droit public conteste également la manière dont Élisabeth Borne a utilisé l'article 45 : « En demandant la réunion d'une commission mixte paritaire, après deux lectures dans chaque assemblée, le gouvernement n'a pas laissé suffisamment de marge de manœuvre au Parlement, d'autant plus qu'il a régulièrement recours à l'article 49-3 devant cette chambre. » Karine Lebon tient un discours similaire, tout en ajoutant que les groupes politiques n'ont pas suffisamment de pouvoir à l'Assemblée : « Chaque groupe dispose d'une journée par an d'initiative parlementaire, puis d'une semaine par mois. Aujourd'hui, il est indéniable que lors des semaines à l'Assemblée nationale, ce sont les semaines de la majorité relative où le gouvernement impose ses choix même si nous ne sommes pas d'accord ».

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