Au Touquet (62), des festivaliers découvrent les nombreux visages de l’autisme
Pour son édition de 2023, le festival Touquether (62), dédié à l'autisme, a réuni plusieurs acteurs associatifs des régions Hauts-de-France et Île-de-France au palais des congrès du Touquet les 8 et 9 juillet. L'événement avait pour objectif de mettre en lumière une série de travaux et de sujets liés à l'autisme, tout en étant médiatisé.
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Beaucoup d'honnêteté
Le festival se déroule au cœur du palais des congrès du Touquet, près de l’hôtel Westminster et des boutiques de luxe prisées par le couple présidentiel et la bourgeoisie parisienne. Dans ce décor où s’entremêlent voitures de luxe et dandys aux cheveux gominés, on pourrait laisser entendre que l'autisme est bien accepté en France. La bienveillance des élus, tels que Daniel Fasquelle (Maire LR du Touquet), prenant le temps d'offrir un Coca et d'écouter des jeunes autistes passionnés de politique ou d'électronique peut faire bonne impression. L'aisance avec laquelle Philippe Fait, le député de la circonscription; très satisfait d’apprendre que ses collègues du groupe Renaissance ont encadré avec beaucoup de bienveillance un étudiant autiste lorsqu’ils sont intervenus dans une école de Sciences Politiques parisienne, pourrait laisser entendre que Touquether n'est pas qu'un simple " coup de comm". Et c'est le cas. Bien qu'il soitorganisé par quelques pros de la publicité et du show-business, Florent Chapel et Samuel Le Bihan, cet évènement assez mondain, où l'on se déhanche sur les tubes envoutants d'Aime Simone, n'est pas une énième campagne de sensibilisation inutile. Aujourd'hui, la grande force de Florent Chapel est d'évoquer avec le grand public une réalité pouvant totalement bouleverser un mariage, un couple ou une vie de famille avec le plus de légèreté possible. L'évènement est organisé par les membres de l'association Autisme Info Service, majoritairement composée de parents ayant un enfant autiste. "L'autre jour, mon fils Gabin a participé aux 24 heures roller du Mans", s'est félicité l'humoriste Laurent Savard, père d'un enfant autiste jouant un rôle important dans l'organisation de l'événement.
« Pour expliquer l’apparition de troubles du spectre autistique, l’« environnement » a beaucoup été mis en avant »
Hier, vers 19h30, le généticien Thomas Bourgeron, la « rockstar de l’autisme » travaillant avec son équipe de l'hôpital Robert Debré depuis 20 ans, sur les liens entre l’autisme et la génétique a pris la parole. "Pour comprendre l'apparition des troubles du spectre autistique", expliquait récemment le chercheur de l'Institut Pasteur aux journalistes de L'Express, "l'environnement a souvent été mis en avant. À présent, son intérêt se porte vers l'"exposome" : "Le gouvernement a annoncé un investissement de 6 millions d'euros pour étudier les expositions des patients touchés", souligne Thomas Bourgeron. Il expliquait également dans les colonnes de L'Express : "À l'origine de cette approche, la hausse de l'incidence de l'autisme ces dernières années – un point pourtant sujet à débat parmi les scientifiques, entre une meilleure détection, l'évolution des critères diagnostiques et de réels facteurs environnementaux. Pourtant, aborder le sujet de la génétique et de l'autisme reste compliqué en France : Thomas Bourgeron affirme par exemple ne pas réussir à obtenir de financement pour ses travaux de la part des organismes de recherche français. Un jeune étudiant en journalisme, très agacé par les discours moralisteurs d'une gauche parisienne laissant entendre qu'il est " génial" de travailler avec des autistes, sans prendre le temps de les écouter lorsqu'ils évoquent de réels soucis d'insertion sociale avec eux témoigne : "J'ai récemment discuté des travaux de Thomas Bourgeron et de Kathryn Paige Harden avec des cadres de La Nupes et Serge de Pure Politique. Dès que nous avons abordé le sujet de la génétique, ces élus proches du PS et de LFI, ayant une vision très marxiste et bourdieusienne de la société, ont immédiatement perçu cette recherche sur le génome comme une forme d'eugénisme moderne, alors qu'ils ne sont même pas foutus de me répondre lorsque je tente d'aborder la face plus sombre de mon trouble avec eux. Comme d'habitude, on est dans le blabla et les petites querelles de comptoir entre des élus ne faisant pas grand chose de leurs journées" .
Puis, au milieu des conférences scientifiques sur le génome et des discussions plus informelles sur le traitement de l'autisme par les élus et les journalistes progressistes, plusieurs personnes abordent la question de l'autisme sous un angle plus léger. C'est notamment le cas de l'humoriste Florence Mendez. "L'autisme, confiait-elle récemment aux journalistes de La Voix Du Nord, c'est un spectre. C'est pourquoi on parle de troubles du spectre autistique et non de différentes formes d'autisme." Fière d'assumer publiquement son trouble sans déficience intellectuelle et son hyperesthésie, l'humoriste décrit avec précision les difficultés qu'elle rencontre pour gérer ses sensations, car elle ressent tout de manière très intense à travers ses cinq sens. "C'est souvent envahissant", déclare-t-elle, "et parfois cela peut être incapacitant. Imaginez être constamment dans une pièce où la musique est extrêmement forte. Vous n'avez jamais la possibilité de baisser le volume, c'est un peu ça." Les problèmes ont commencé plus tard pour Florence. "Quand j'étais adolescente", affirme-t-elle, "l'autisme était perçu comme dans le film Rain Man, et considéré comme un trouble propre aux garçons." Pour faire face à ses difficultés sociales, elle se plonge dans ses passions et ses hobbies. "J'ai ce qu'on appelle des intérêts restreints. Par exemple, malgré mes 36 ans, je suis une fan inconditionnelle de Harry Potter. J'ai lu les livres 19 fois. Je connais toutes les histoires et les détails par cœur. Chez moi, j'ai une pièce remplie de Lego. Les Lego sont merveilleux, ils me permettent de déconnecter complètement mon cerveau et de me concentrer sur une tâche."
L'une des premières étapes d'intégration sociale des personnes autistes doit se faire à l'école. La délégation interministérielle, en collaboration avec Elisabeth Borne, se penche sur cette question et souhaite mettre en place des mesures en ce sens. Cependant, l'équipe pédagogique de l'Éducation nationale française n'est pas du tout formée au handicap et dispose de peu de ressources spécialisées telles que des plateaux techniques de rééducation, où interviennent des professionnels de soins tels que des ergothérapeutes ou des psychomotriciens. "Je n'ai même pas suivi de cours sur les troubles dys lors de ma formation à l'INSPÉ", explique un professeur agrégé de mathématiques diplômé de l'Institut National Supérieur du Professorat et de l'Éducation de Paris, qui a eu un élève Asperger avec une dyspraxie visuo-spatiale cette année. " En raison de ses difficultés visuelles, cet élève, qui excellait dans toutes les matières où il pouvait utiliser un ordinateur pour rédiger, était totalement dépassé dans mon cours. Même avec l'aide d'un auxiliaire de vie scolaire (AVS), je ne peux pas me permettre d'avoir un seul étudiant qui utilise un logiciel de traitement de texte pour résoudre des identités remarquables ou qui utilise Excel et Geogebra pour des théorèmes très simples.", souligne ce jeune professeur également guitariste-chanteur dans un groupe de Mathrock.
Cette situation est même devenue source de conflit entre l'enseignant et les autres professeurs du collégien qui avait un AVS en classe. "En salle des profs et en conseil de classe, nous passions toujours pour les méchants lorsque nous évoquions le cas de cet élève. La situation était difficile pour nous, car il obtenait toujours des notes supérieures à 15 dans les matières littéraires, où l'on évalue les capacités d'expression et de rédaction. Mais dans nos cours, il se braquait et manifestait de réelles difficultés sociales dès qu'on lui demandait de réaliser une figure avec un compas ou de comprendre les bases d'un système électrique en cours de chimie." Les troubles sociaux de ce collégien évoquent fortement ceux exposés par Florence Mendez dans les colonnes de La Voix Du Nord récemment.
Elle partageait : "J'ai beaucoup travaillé sur moi-même pour apprendre, par exemple, à mieux décrypter les émotions du visage. J'ai appris à ne plus toujours associer une émotion négative chez autrui à moi-même. J'ai appris à m'excuser. Je travaille avec une psychologue pour essayer de comprendre sur quels aspects je peux agir, comme essayer d'être plus authentique, plus délicate en société, à réfléchir réellement avant de vouloir dire quelque chose."
Le professeur de mathématiques que nous avons rencontré, qui a réussi à établir un lien avec son élève autiste et dyspraxique à travers la musique, met également l'accent sur ces difficultés sociales. "En classe, il avait un côté sans filtre qui parfois entraînait des débordements. J'ai souvent dû le mettre en retenue les mercredis lorsqu'il se montrait agressif ou ne suivait pas mes consignes consistant simplement à prendre une équerre et un compas dans le bon sens." Le déclic entre ce grand amateur de mathématiques et ce jeune passionné de littérature s'est produit lorsque Goliath a découvert que David était un musicien de rock extrêmement talentueux, et qu'ils partageaient la même passion pour des groupes tels que Blur et Radiohead. "En tant que guitariste, j'ai été époustouflé par l'émotion qu'il insufflait dans ses textes et sa maîtrise de l'instrument, avec des accords enrichis et des riffs de guitare évoquant ceux de Johnny Greenwood ou Graham Coxon." La remarquable performance du groupe Love In Prague, ainsi que celle de son guitariste/compositeur autiste Benoît, a également mis en lumière les talents extraordinaires de ces personnes lorsque l'on leur offre une guitare entre les mains, avec ou sans pédale d'Overdrive.