Oscar Tessonneau (avatar)

Oscar Tessonneau

Fondateur de Rightbrain Media

Abonné·e de Mediapart

181 Billets

1 Éditions

Billet de blog 10 novembre 2023

Oscar Tessonneau (avatar)

Oscar Tessonneau

Fondateur de Rightbrain Media

Abonné·e de Mediapart

Éric Coquerel : « La dédiabolisation du RN est parallèle à une extrême droitisation »

Hier soir au gymnase Japy, où furent parqués les Juifs raflés par la police de Vichy, Éric Coquerel, député de Seine Saint-Denis, analyse l'unité et les clivages de la société française face à l'extrémisme du RN.

Oscar Tessonneau (avatar)

Oscar Tessonneau

Fondateur de Rightbrain Media

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

© oscar tessonneau

LFI Charlie mais pas facho

 Au milieu des militants de gauche, parfaitement décrits par Charlotte Belaich dans les colonnes de Libération, Éric Coquerel, député de Seine-Saint-Denis, présente les manifestations du 7 janvier 2015 comme un instant ayant redonné vie à la nation française, en la rendant palpable et présente dans le cœur des citoyens. « Alors déjà, c'est marrant que vous mentionniez la date de 2015. En 2015, il y a le massacre à Charlie Hebdo avec la marche que j’ai organisée avec des députés socialistes. », précise le Président de la commission des Finances. En effet, le 7 janvier 2015, plus de quatre millions de voix s'élèvent, une mer de visages dans les rues, unissant leurs forces contre l'horreur de l'islamisme des frères Kouachi, et de l’extrême droite que personne ne voulait voir dans les cortèges. Cependant, même dans cet élan de solidarité, des fissures apparaissent. Des échos de mitraillettes retentissent dans le silence des hommages, des enfants rompent le recueillement, reflétant les clivages souterrains de notre société. La controverse naît aussi sous la plume du sociologue juif Emmanuel Todd. Dans son ouvrage "Qui est Charlie ?", il dépeint ces rassemblements comme l'expression d'une tension sociale, un défouloir pour une élite contre une frange affaiblie de la société, majoritairement musulmane, se retrouvant aujourd’hui dans le message du Hamas. Ainsi, à la veille de l’éviction de Jean-Marie Le Pen du FN, en 2015 par sa fille Marine, la nation française, qui se découvre dans l'adversité, se définit plus par ce qu'elle rejette que par ce qu'elle propose. Une nation qui, en dépit des divisions, se découvre une force commune dans l'épreuve, un reflet "en creux ", complexe et déterminé. 

Illustration 3

Critiques sur "Qui est Charlie?": Todd répond à Valls © BFMTV

« Il y a une extrême-droitisation de la vie politique française »

« Moi je pense que la dédiabolisation, elle a des premières traces à partir de 2017. Elle est parallèle au fait qu’il y ait une extrême droitisation de la vie politique française et notamment de la droite ». En tenant ces propos, Éric Coquerel montre qu’à partir de 2017, la carte électorale de la France est un palimpseste où chaque élection révèle de nouvelles lignes de fracture et de convergence. En superposant les résultats du FN de 1984 et ceux de Marine Le Pen en 2017, on y discerne une constance géographique : les bastions traditionnels du Nord-Est et du pourtour méditerranéen, face aux territoires réticents de l'Ouest et du Sud-Ouest. Comme l’indique le démographe Hervé Le Bras dans son ouvrage « Le grand enfumage : Populisme et immigration dans sept pays européens », ces points s'égrènent en un arc de cercle audacieux, élargissant l'empreinte du parti du Pas-de-Calais à la Haute-Savoie. Étonnamment, ce phénomène n'embrasse pas les métropoles, où la progression du vote FN reste timide, voire inverse à la tendance générale, qu'il s'agisse de villes à faible ou forte tradition frontiste. Enfin, les avancées du FN se font sentir là où les immigrés sont moins présents, défiant ainsi les explications trop simplistes qu'un député de circonscription rurale, comme l’ancien instituteur héraultais Sébastien Rome, a du mal à combattre. C'est un paradoxe qui interroge et qui invite à une réflexion plus nuancée sur les dynamiques de notre société.

Illustration 5

Les 49-3 : une histoire de course à la carotte ? 

Entre deux coups de vent, sifflant entre les oreilles des militants et autres élus présents au rassemblement du gymnase Japy, un frisson envahit Éric Coquerel lorsque résonne l'évocation de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution. Ce mécanisme, plus communément appelé "49-3", est un instrument législatif de dernier recours pour le Premier ministre. Massivement utilisé ces derniers mois, il lui permet d'imposer l'adoption d'une loi sans passer par le vote traditionnel du Parlement. « Quand vous avez des méthodes de plus en plus autoritaires, je parle des 49-3, mais je parle aussi par exemple de de ce que fait ce gouvernement vis-à-vis des syndicats policiers comme Alliance, c’est à dire de l'espèce de course à la carotte vers l’extrême-droite. Il y a un problème. » Ainsi, le président de La Commission des Finances affirme que le "49-3" n'est pas seulement une question de stratégie ; il soulève des questions fondamentales sur l'équilibre des pouvoirs et la place de la démocratie représentative. D'une part, il peut être perçu comme une atteinte au débat démocratique, un moyen pour l'exécutif de court-circuiter le processus législatif. D'autre part, il est défendu comme un outil nécessaire à la gouvernabilité, permettant de surmonter les blocages parlementaires et d'assurer une continuité de l'action gouvernementale que pourrait imposer Marine Le Pen en 2027 si elle est élue. Entre deux grands discours de militants syndicaux et religieux, le député Éric Coquerel met en lumière les stratégies, les manœuvres et les jeux de pouvoir qui se trament dans l'ombre de l’extrême-droite si elle gagne la prochaine présidentielle. « S’ils passent, ils ont la 5e République à leur service. Elle permet bien des dérives. » Ainsi, Éric Coquerel affirme qu’en France, l’extrême-droite n’a peut-être pas à se poser de questions, parce qu'elle a une constitution qui pourrait parfaitement lui permettre d'appliquer sa politique. « Avec la 5e République, le RN aura des décrets, des 49-3, et tout ce qu’il faut pour gouverner de manière autoritaire en obtenant facilement une majorité. »

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.