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Billet de blog 12 décembre 2023

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Actéon au cœur des changements civilisationnels

Hier, au collège Jacques-Cartier d’Issou, dans les Yvelines, une enseignante, dans un acte qui se voulait pédagogique, a montré à ses élèves le tableau du XVIIe siècle, "Diane et Actéon" de Cavalier d'Arpin. Ce geste, destiné à éduquer, a déclenché une tempête de réactions contrastées : des accusations de discrimination, notamment envers les élèves musulmans.

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Illustration 1

Une œuvre abordant le péché masculin

En 2020, le romancier Yannick Haenel avait consacré un essai au mythe d’Actéon et Diane. Il y présente un chasseur, présent sur le tableau affiché par la professeure de français en classe, suspendant sa quête, fatigué après une journée de chasse intense. Guidé par un désir aveugle, Actéon se retrouve face à l'inconcevable : la nudité de la déesse Diane : « Il est captif de son propre ravissement, un prisonnier du désir » explique Haenel, « et il s'apprête à assister à la 'chose interdite', un spectacle à la frontière entre le dire et le silence. » Selon Haenel, Actéon vit dans une forêt peuplée de cyprès et d'épicéas, cachant un lac ou une source, décrits comme des espaces sacrés et féminins. « Selon certaines versions, Actéon s'endort, ses rêves le conduisant peut-être dans le bois sacré de Diane. Ovide, cependant, le décrit errant dans la forêt, se perdant jusqu'à ce qu'il tombe sur Diane se baignant. Haenel décrit cette scène comme une 'déambulation somnambulique', où Actéon, captivé par un cortège féminin mystique, suit inconsciemment Diane. » Il explore ainsi les thèmes de la transgression et du désir, « ou du pêché Kouffar dans la culture musulmane » en suivant les pas d'Actéon, « un transgressif notoire, un assoiffé de l'excès. » comme le décrit le romancier. « Actéon représente cette soif inextinguible de connaissance, de beauté, qui le pousse à franchir les frontières du permis. » explique Haenel, capturant l'essence du personnage mythologique. Ainsi, Haenel en déduit qu’Actéon est un personnage complexe, tiraillé entre ses désirs et les limites imposées par les dieux. « Il est cet homme qui, dans sa quête de l'interdit, se confronte à la vérité nue. » ajoute l'auteur. Cette vision d'Actéon, à la fois humaine et transgressive, offre un parallèle saisissant avec la situation actuelle au collège, où cette forme d’expression sensuelle et sentimentale va à l’encontre des croyances religieuses d’une partie des élèves. Enfin, le cas d'Actéon, tel que décrit par Haenel, soulève des questions pertinentes sur les limites de la liberté d'expression, et de l’éducation à l'art dans le contexte moderne. « Ce que nous vivons aujourd'hui dans notre collège n'est pas sans rappeler la quête d'Actéon. » confiait ce matin une principale adjointe dans les colonnes du Parisien. « Nous sommes tous, à notre manière, des Actéon, cherchant à comprendre le monde qui nous entoure, parfois au péril de franchir des lignes. » 

Actéon est définitivement mort 

Dans une analyse profonde et introspective du tableau dérangeant les élèves du collège d’Issou, Yannick Haenel explique que le destin d'Actéon devient une métaphore pour les artistes et les écrivains confrontés à l'éthique de leur propre regard. « C’est un être excessif, dominé par l'hubris, et cette violence intérieure le pousse à franchir les limites de la décence, » explique Haenel. Cette transgression, selon le romancier, est l'essence même de la tragédie d'Actéon, un reflet de la lutte entre le désir et la moralité sur lequel le héros mythique joue depuis qu’il a choisi de rejoindre le bain de Diane, rompant ainsi la barrière du miroir entre eux. Son destin aurait pu être différent. « Se jeter à l'eau aurait pu être une forme de sacrifice, une métamorphose de son désir en amour. » suggère-t-il. Cette idée, bien que spéculative, ouvre des perspectives fascinantes sur les alternatives dans les mythes et les histoires. Finalement, Haenel conclut que la mort d'Actéon est une forme de sacrifice nécessaire, un acte de transformation qui va au-delà de la mort physique. « C'est une mort à soi, une mort de celui qu'on était avant l'expérience du désir. » déclare le romancier. Selon Haenel, cette vision de la métamorphose d’Actéon est une allégorie puissante pour notre époque, invitant à la réflexion sur la façon dont nous interagissons avec les mythes, l'art et les réalités culturelles dans une France où le fait religieux a massivement refait surface, depuis l’arrivée d’une immigration majoritairement musulmane au début des années 60, ayant un rapport au péché et à la foi très différent de celui que les députés français avaient défini en 1905. C’est la raison pour laquelle le ministre de l'Éducation, Gabriel Attal, est intervenu, rappelant l'importance des valeurs républicaines. « Nous devons protéger nos enseignants et affirmer les principes de laïcité. » a-t-il déclaré lors de sa visite au collège. 

Vers la métamorphose 

Dans l'œuvre présentée par la professeure de français à ses élèves de 4ème, Actéon, perdu dans une forêt, est possiblement endormi, rêvant ou errant dans un état somnambulique. « C'est une métaphore de notre propre perte dans le monde moderne, » explique Haenel. En effet, l'histoire de Diane aspergeant Actéon d'eau, le transformant ainsi en cerf, est une des scènes les plus emblématiques de la mythologie, fréquemment représentée dans l'art à travers les âges. « Nous avons tous reçu des gouttes d'eau sur le visage. » explique Yannick Haenel dans son essai paru en 2020, évoquant le plaisir enfantin de l'eau. Cependant, il souligne que l'action de Diane est loin d'être innocente ou ludique. Elle est chargée de significations plus profondes, symbolisant le passage de l'innocence à la connaissance chez l’homme, et finalement à la métamorphose. « C'est un jeu, certes, mais un jeu de métamorphose et de mort. » ajoute-t-il. Cette métamorphose suggère une punition divine pour avoir transgressé les limites du sacré, regardant ce qui ne devait pas être vu. Yannick Haenel va même plus loin, interprétant les gouttes d'eau comme une représentation image de la transgression et du désir. En effet, Haenel présente Actéon comme, « un transgressif notoire, un assoiffé de l'excès. » : « Actéon représente cette soif inextinguible de connaissance, de beauté, qui le pousse à franchir les frontières du permis. » explique Haenel, capturant l'essence du personnage mythologique. « Il est cet homme qui, dans sa quête de l'interdit, se confronte à la vérité nue. » ajoute l'auteur. Cette vision d'Actéon, à la fois humaine et transgressive, offre un parallèle saisissant avec la situation actuelle au collège. 

Un changement culturel 

Enfin, la controverse au collège Jacques-Cartier et l'interprétation de Haenel sur le mythe d'Actéon et Diane offrent une réflexion profonde sur notre société actuelle, confrontée à des défis culturels, éducatifs, idéologiques, et une forme de Grand Remplacement, où une partie de la société française partage une conception différente du péché, et de sa représentation dans l’art. Dans ce contexte, l'histoire d'Actéon devient une métaphore de notre temps, soulignant la complexité de l'interaction entre l'art, l'éducation, les sensibilités culturelles, et les divergences de perceptions. Ce cas souligne également les défis auxquels sont confrontés les enseignants en France, notamment en ce qui concerne la laïcité et l’étrange gestion des sujets très sensibles. Lors de sa visite au collège d’Issou, le ministre de l'Éducation, Gabriel Attal, a promis une politique de « zéro impunité, zéro complicité » face aux atteintes à la laïcité, dans un engagement ferme et similaire.

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