L'Évolution conceptuelle des BECCS
En 2014, lors d’un colloque à l’Université de Troyes, nommé Écologie industrielle et territoriale - COLEIT 2014", des scientifiques ont indiqué que le terme BECCS est désormais présent dans 45% des documents académiques, remplaçant progressivement le terme plus ancien « BECS » (BioEnergy with Carbon Storage) utilisé depuis 2001. Cette transition lexicale reflète une reconnaissance accrue du BECCS comme une variante spécifique du CCS (Carbon Capture and Storage), dotée de caractéristiques techniques distinctes. Un expert en technologies environnementales explique que « l'évolution du langage reflète celle de la pensée. » Quant à Rémy Noyon, journaliste au service climat du Nouvel Observateur, présent à Dubaï lors de la COP28, il affirmait hier dans un article : « À ce jour, on recense une quarantaine de projets CCS opérationnels, une trentaine de DAC (Direct Air Capture), et très peu de BECCS, bien que davantage soient en cours de développement. » Dans le contexte de la COP à Dubaï, qui s’est terminée hier avec des accords ambitieux sur l’arrêt du stockage et de l’émission des énergies fossile à moyen terme, les BECCS ont été salués pour leur potentiel à générer des émissions négatives de gaz à effet de serre, offrant ainsi une lueur d'espoir face au sombre tableau du réchauffement planétaire. Toutefois, la question préoccupante reste l'empreinte carbone engendrée par l'installation des BECCS sur un territoire.
Le Risque de Verrouillage Technologique et Industriel
L'étude "Écologie industrielle et territoriale - COLEIT 2014" avait déjà souligné en 2014 que, malgré l'intérêt croissant pour les BECCS dans un futur proche, leur intégration industrielle massive restait marginale. Un chercheur, préférant garder l'anonymat, souligne : « Il est essentiel de rappeler que les technologies de captage et stockage du carbone, telles que le BECCS, impliquent l'installation de filtres sur les cheminées industrielles pour piéger le CO2. » Il ajoute que le gaz stocké peut ensuite être transformé pour être enfoui dans le sol ou « stocké » dans des produits à longue durée de vie, comme le béton. De plus, le coût climatique qu’entraînera l’installation de ces technologies est considérable. Vincent Lucchese, journaliste chez Reporterre, précise que l'utilisation massive des BECCS nécessiterait leur installation sur une superficie estimée à 3 milliards d’hectares, soit environ le double des terres actuellement cultivées dans le monde. Cette exigence pose un risque important pour la sécurité alimentaire mondiale et soulève des questions sur l'utilisation efficiente des ressources financières. Joe Fargione, Directeur Scientifique pour la région Amérique du Nord de The Nature Conservancy, avait déjà évoqué en 2008 une « dette en carbone » lors de la conversion de forêts vierges en terres cultivées pour des BECCS ou des biocarburants. Loïc*, un physicien spécialiste des questions environnementales, ayant étudié cette recherche, affirme : « Riches en minéraux, les sols des forêts pourraient avoir une régénération perturbée s’ils étaient enlevés par des BECCS. A termes, cela pourrait réduire la fertilité des sols et donc l'absorption de CO2 par les forêts. » De plus, Loïc* ajoute que dans ces analyses, la croissance de la forêt est rarement prise en compte et, lorsqu'elle l'est, elle est souvent basée sur une valeur moyenne de croissance annuelle, considérée comme constante.
Vers un Avenir moins Durable
Le développement des technologies de stockage du carbone reste un domaine complexe, où science et stratégie doivent se rencontrer pour guider nos choix vers un avenir durable. Il est impératif d'équilibrer les avantages potentiels des BECCS avec les défis qu'ils présentent, notamment en termes d'impact sur les sols, de sécurité alimentaire et de verrouillage technologique. La COP28 a mis en exergue l'importance de ces discussions et la nécessité d'une approche collaborative et multidisciplinaire pour aborder les défis climatiques actuels. Enfin, bien que les technologies BECCS offrent une lueur d'espoir dans la lutte contre le réchauffement climatique, elles ne sont pas exemptes de défis et de controverses. Il est crucial de poursuivre les recherches et d'engager un dialogue ouvert entre les scientifiques, les décideurs politiques et le public pour assurer une transition énergétique équitable et durable. La COP28 n'est qu'un jalon dans cet effort continu, et il est essentiel que les leçons apprises et les discussions menées là-bas façonnent les politiques et les pratiques environnementales pour les années à venir.