Régularisation des étrangers en France : des élus soutiennent les bosseurs
Une tribune conjointe de l’aile gauche de la majorité et des parlementaires de la (Nupes) a été publiée le 12 septembre dans Libération. Elle attire l'attention par sa pluralité de signatures, notamment celles de Douze députés de Renaissance et du MoDem, et propose des solutions pour combler des manques sur des métiers en tension.
La question de la régularisation des sans-papiers a été abordée pour la première fois lors des grandes grèves de 2008. Depuis la circulaire Valls de 2012, le nombre de travailleurs sans-papiers a augmenté. Le ministère de l'Intérieur signale que seuls 7 000 d'entre eux sont régularisés chaque année pour des raisons liées au travail. C’est la raison pour laquelle plusieurs parlementaires issus de la gauche et du centre souhaitent défendre à l’Assemblée un projet de loi sur l'immigration. Il vise à introduire un titre de séjour pour les métiers en tension. Cette proposition pourrait permettre la régularisation de ces travailleurs tout en éliminant le pouvoir discrétionnaire des employeurs et des préfets. Actuellement, les décisions relatives au séjour en France des étrangers ne touchent ni aux droits civils ni aux sanctions pénales. En effet, une note de la CEDH datant du 5 octobre 2000 (Maaouia c. France, no39652/98) laisse entendre que si un titre de séjour est refusé, l'étranger peut faire appel. Toutefois, depuis le 24 juillet 2006, ces refus impliquent souvent une obligation de quitter la France (OQTF) avec, parfois, un mois pour partir. Christophe*, un sociologue spécialiste des questions migratoires à l’EHESS, affirme qu’il est compliqué de faire appel lorsqu’on est soumis à une OQTF. « Toute contestation d’OQTF reste difficile, car il faut contester la décision de refus, l'OQTF, la décision de destination, le délai de départ, et éventuellement l'interdiction de retour et la retenue administrative selon la loi Valls du 31 décembre 2012. » Si aucune OQTF n'est émise, [...].
Une nouvelle définition des OQTF
Christophe affirme qu’un réfugié peut demander une suspension lors de son appel, mais celle-ci est généralement rejetée sauf exceptions. « Depuis les années 1990, affirme le sociologue, le titre de séjour, en tant qu'acte administratif, est devenu plus vulnérable. » Jadis, le titre de séjour ne pouvait pas être retiré ; c'est maintenant réalisable après une procédure et consultation de la commission du titre de séjour. « Si un conjoint étranger arrête de cohabiter trois mois après l'obtention du titre, affirme Christophe, ou si un étranger emploie un étranger sans droit de travail (CESEDA, art. R. 432-4), son titre peut être retiré. » Enfin, la loi stipule aussi le retrait pour un étranger expulsé, sans emploi, ou ayant introduit un second conjoint en cas de polygamie (CESEDA, art. R. 432-3). Une loi de 2021 a renforcé l'interdiction de la polygamie pour tous les titres (art. L. 412-6). Si le titre est retiré, l'étranger doit partir (CESEDA, art. L. 411-2). La réglementation a aussi créé des délits pour punir ceux qui aident les migrants irréguliers, comme a pu le faire le militant antifasciste Cédric Herrou. Cependant, le Conseil constitutionnel a affirmé la liberté d'aider pour des raisons humanitaires, reconnaissant le principe de fraternité comme élément clé de la devise républicaine depuis 1848. Christophe témoigne : « En France, l'article L. 823-9 du CESEDA stipule que l'aide à la circulation ou au séjour irrégulier d'étrangers n'est pas punissable si elle est offerte sans compensation et dans un but purement humanitaire. »
Vers une simplification des démarches administratives
Le texte de loi, présenté lundi dans une tribune de Libé, envisage une régularisation des sans-papiers œuvrant dans des secteurs en demande, tels que l'hôtellerie, la restauration ou le bâtiment, tout en proposant de faciliter l'expulsion d'étrangers délinquants. Actuellement, la régularisation est à la discrétion des préfets, avec des critères définis dans la "circulaire Valls" de 2012. Christophe*, sociologue spécialiste des questions migratoires à l’EHESS, estime que près de 30 000 personnes ont été régularisées grâce à cette circulaire, dont 7 000 à 10 000 en raison de leur travail. « Depuis l'adoption de la circulaire Valls, les critères de régularisation requièrent trois ans de présence en France, vingt-quatre fiches de paie et une promesse d'embauche », précise-t-il. De surcroît, Christophe souligne que le projet proposé par les signataires de la tribune simplifie les démarches pour les travailleurs irréguliers. Ceux-ci pourraient obtenir un titre de séjour d'une année s'ils résident en France depuis trois ans et exercent un métier en tension depuis huit mois au minimum sur les deux dernières années. Toutefois, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, tout en étant ouvert à quelques retouches de l’article 3, suggère un encadrement plus strict des conditions de régularisation par voie réglementaire. Malgré la tribune, l'adhésion à une majorité associant la gauche demeure incertaine. Des figures politiques comme Fabien Roussel s'opposent au texte qu'ils jugent contraire à leurs valeurs. Dans ce contexte, la première ministre Elisabeth Borne exhorte à l'adoption d'un texte "équilibré" et à une expansion de la majorité.
Une immigration régulée différement ?
Assister à l'entrée irrégulière d'étrangers, pour diverses raisons, demeure potentiellement répréhensible. Kader*, gérant d’un Kebab algérien au Sanitas à Tours, confie : « J'ai envisagé d'employer mes deux neveux d’Alger. Ils maîtrisent déjà la préparation des viandes et des frites. Toutefois, leur non-obtention de visa de travail a entravé ce projet. » Néanmoins, une clause d’accueil pour motifs humanitaires existe. Après que la Cour de cassation a annulé des verdicts antérieurs touchant Cédric Herrou et Pierre-Alain Mannoni, renvoyant leur cas devant la justice, ces derniers furent acquittés, non sans affronter un nouvel appel, leur aide étant jugée idéologique plutôt que purement humanitaire. Suite au rejet de cet appel, ils furent définitivement acquittés.
D'autres cas similaires comprennent les 7 de Briançon, relaxés, et Loïc Le Dall, condamné à une amende. En dépit des amendements de la loi de 2018, le "délit de solidarité" envers des réfugiés de zones conflictuelles est parfois instrumentalisé contre des associations pro-migrants, telles qu'Utopia 56. Kamel*, expert juridique de cette association à Paris, témoigne : « Les autorités ont tenté de freiner nos actions, les percevant comme une incitation à l'immigration illégale. » Il rappelle la condamnation pour diffamation du maire de Nice, Christian Estrosi, pour avoir traité Pierre-Alain Mannoni de "passeur", et souligne que le tribunal administratif de Nice a affirmé le droit des associations d'assister les migrants près de la police des frontières à Menton.
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