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Billet de blog 16 octobre 2023

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Petits arrangements entre députés pour déstabiliser les élèves handicapés

Supprimé suite à quelques voix près grâce à une forte opposition de La Nupes,l’article 54 du nouveau projet de loi de finances, le PAS (pôle d'appui à la scolarisation), entrainera une baisse des budgets alloués aux PIAL, et ne résoudra pas la question des AESH sur laquelle Gabriel Attal s’était exprimé en Août.

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Les Pôles Inclusifs d'Accompagnement Localisés (PIAL) © L'ENVIE D'APPRENDRE

Vers une école moins inclusive

Illustration 2

Lors du vote du dernier projet loi de finances 2024, l'article L. 351-3 du code de l'éducation a connu une refonte en profondeur, visant à améliorer l'inclusion des élèves à besoins éducatifs particuliers au sein du système scolaire public et privé sous contrat. Désormais, les pôles d'Accompagnement scolaire (PAS) se voient confier la tâche cruciale de définir des mesures d'accessibilité pour favoriser la scolarisation de ces élèves. La création des PAS, annoncée dans le cadre de l'Acte II de l'école inclusive, lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) en avril 2023, marque un tournant significatif. Le gouvernement d’Elisabeth borne précise que ce choix vise à créer un système éducatif plus inclusif, où chaque enfant a la possibilité de développer son potentiel au sein de l'école. Les fonctionnaires du ministère de l’éducation en charge des PAS effectueront les missions confiées jadis aux MDPH. Leurs travaux engloberont également l'accompagnement de ces élèves et de leurs familles. Frédéric* professeur d'histoire-géographie dans l'Essonne, soulève des inquiétudes majeures concernant cette loi. « L'article 53 de cette réforme confie à l'Éducation Nationale la lourde responsabilité d'évaluer les besoins spécifiques des élèves en situation de handicap. »

Cette centralisation des tâches l’inquiète, car elle risque de compromettre l'évaluation impartiale et rigoureuse des demandes d’un enfant ayant besoin d’un ordinateur ou d’une AESH en classe.  Virginie*, mère d’un enfant Asperger et dyspraxique vivant près de Niort partage son point de vue. « En votant l’expérimentation des PAS, les députés proposent un accompagnement axé sur la personnalisation, avec une évaluation des besoins de chaque élève au cours d'un échange avec lui et ses représentants légaux. » Or, Virginie indique que le nombre d'enseignants du primaire et du secondaire ayant la capacité d'acquérir une qualification professionnelle, dorénavant appelée CAPPEI (Certificat d'Aptitude aux Pratiques de l'Éducation Inclusive) depuis 2017, faute de disponibilité, est faible.

Une réforme cafouilleuse dans la continuité des PIAL

Dès la rentrée 2024, 100 PAS seront expérimentés, nécessitant le recrutement de 100 enseignants à temps plein, spécialement formés pour accompagner les élèves à besoins particuliers. Cette initiative représente un coût estimé à 3,8 millions d'euros en année pleine, financé par la mission "Enseignement scolaire". Cette réforme accorde au Pôle d'Appui à la Scolarité (PAS) la responsabilité de définir le quota d'heures des aides humaines. Une décision qui, selon Frédéric va à l'encontre du principe fondamental du droit à la compensation, établi par la loi de 2005. « Les missions de la commission mixte travaillant sur les PAS restent floues, ouvrant la porte à des interprétations variées et potentiellement préjudiciables." En effet, il affirme que les PAS sont dans la continuité des PIAL. « Les pôles inclusifs d'accompagnement local participent à la vision globale du service public de l'école pour tous, défini par la loi "Pour une école de confiance" de 2019. Leurs marges d’action seront probablement redéfinies dans les régions où les PAS seront expérimentés. »

Quels seront les impacts des PAS dans les territoires ?

Au niveau territorial, Frédéric est convaincu que la mise en place des PAS occasionnera des réductions budgétaires. « Je me demande pourquoi introduire le Pôle d'Appui à la Scolarité (PAS) au sein de la loi de finances ? Est-ce que cet ajout ne détourne-t-il pas le débat essentiel autour de l'inclusion scolaire vers des considérations budgétaires ? » Tout comme la fondatrice du collectif riposte Sabrina Alloun, Il est convaincu que le glissement actuel vers une approche budgétaire met en péril la loi de 2005, la réduisant à une simple question de coûts. « Cette approche néglige les besoins réels et individualisés des enfants en situation de handicap que je fréquente tous les jours. Un avis partagé par Gwendoline, l’une de ses collègues enseignant les mathématiques.  « Au sein de mon établissement épaulé par le PIAL d'Île-de-France, j'ai été confrontée à l'évaluation d'élèves dyspraxiques, éprouvant de vrais enjeux pour élaborer des graphiques ou s'orienter spatialement, sur des théorèmes ou des exercices de géométrie, alors qu'ils sont en défi majeur pour utiliser une règle ou un compas. » indique l’enseignante dépitée. « La liaison entre le staff éducatif est déficiente. Ainsi, on se voit avec des enseignants devant proposer un problème de maths ou de physique à des élèves peinant à écrire sans l'assistance d'un PC, dans des leçons sans aucun support spécialisé. » Par ailleurs, Gwendoline se sent peu éduquée sur ces thématiques d'intégration, et exhorte les formateurs d'IUFM à ajuster leurs méthodes.

Un appel à la suppression de l’article 53 du nouveau PLF

Face à ces enjeux majeurs, Sabrina Alloun, juriste spécialisée dans le droit du handicap, et son collectif appellent à la suppression de l'article 53. « Cette mesure est nécessaire pour garantir le droit à la compensation et à la mise en place de mesures d'accompagnement individualisé, conformément à l'article 24 de la Convention Internationale des Droits des Personnes Handicapées. » Le Collectif a lancé un appel vibrant à la mobilisation de tous les acteurs politiques sur Change.org. « L'avenir et les droits fondamentaux de nos enfants sont en jeu, indiquaient-ils dans un communiqué, et il est temps de faire entendre leur voix afin qu’ils aient une AVS et un ordinateur lorsque c’est nécessaire. » En 2014, les AVS ont été transformées en Accompagnants des Élèves en Situation de Handicap (AESH), une évolution induite par le décret n° 2014-724 du 17 juin 2014. Cette transition, après six années en CDD, propose une conversion vers un CDI, consolidant ainsi la valorisation de cette fonction essentielle. « La MDPH désigne l'accompagnant scolaire, à la suite de la sollicitation de l'établissement ou du foyer. », note une experte souhaitant rester anonyme. À l'heure actuelle, les enseignants et les corps syndicaux craignent que l'avènement des PAS déclenche une diminution des postes d’AESH. « Depuis 2019, la concrétisation des Pôle Inclusifs d'Accompagnement Localisé (PIAL), focalisée sur la coordination éducative à l'échelle des entités scolaires, a induit une nouvelle fragilisation des AESH. » souligne Frédéric.

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