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Billet de blog 16 novembre 2023

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Moscou va envoyer le GRU pour reprendre le contrôle de Wagner en Afrique

Auteur d’opérations militaires et de cyberattaques ultraviolentes, le GRU dirigé par Viktor Zolotov vient d’envoyer des hauts responsables militaires en Afrique pour prendre le contrôle des activités de Wagner, et deux sociétés privées.

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Qui est Viktor Zolotov ?

Illustration 1

Dans les coulisses des nouvelles opérations menées par le GRU en Afrique, une ombre se profile : celle de Viktor Zolotov. Dans un numéro d’une revue scientifique intitulée La Politique étrangère à l'épreuve de la fragmentation (Peter Lang, 2021), le politologue et professeur à la faculté de Sciences Politiques de Lille, Tanguy Struye De Swielande, révèle que Zolotov est un ancien garde du corps du président et son partenaire de judo. Il indique : « Zolotov représente plus qu'un choix stratégique ; il est le symbole d'une fidélité inébranlable à la personne de Poutine, bien au-delà des obligations envers la fonction présidentielle. » Ainsi, dans les couloirs du pouvoir, la place de Zolotov est celle d'un gardien, un protecteur de la sphère intime du président. Mais cette nomination soulève des questions plus profondes sur la structure du pouvoir en Russie. La prolifération des agences de sécurité, le chevauchement de leurs compétences, dépeignent un tableau complexe où rivalités institutionnelles et personnelles s'entremêlent.

© Jari Lairolahti

Zolotov : Clé du GRU et du Pouvoir Russe

La méfiance de Poutine envers les élites régionales transparaît clairement dans ses nominations, auxquelles Zolotov se joint. En effet, le président russe choisit des hommes fidèles et inconditionnels pour des postes de gouverneurs dans plusieurs provinces. Lors de ces nominations, Viktor Zolotov obtient le poste à la tête de la Garde nationale russe (GRU) Créée en 2016, la Garde nationale, forte de 340 000 hommes, est présentée par Françoise Thom comme « un outil de lutte contre le terrorisme et le crime organisé ». Mais derrière cette façade, notre récit révélera comment elle sert de garde prétorienne au président, un bras armé pour assurer sa domination et son contrôle sur le pays. Dans son essai Comprendre le poutinisme (Desclée de Brouwer, 2018), l’historienne Françoise Thom examine comment l'administration présidentielle de Poutine a créé, avec l’aide de Zolotov, une série de structures parallèles qui reflètent et doublent celles du gouvernement. « Ces commissions, indique l’historienne, couvrant des domaines allant de l'énergie à la macroéconomie, usurpent les prérogatives des ministères, rappelant le système soviétique où les véritables décisions étaient prises dans l'ombre, loin des yeux du public. » Dans ce réseau de sécurité, Zolotov joue un rôle crucial et se dresse comme un symbole de la complexité et des contradictions de l'administration de Poutine. Mais l'histoire de Zolotov ne se limite pas à ces événements. Il est aussi le protagoniste d'un conflit plus large entre les janissaires personnels du dictateur et les organes de sécurité d'État. À la tête de la Garde nationale, Zolotov se retrouve au cœur de ce bras de fer, symbole de la tension croissante entre les différentes sphères du pouvoir russe.

© Albert le Ver #StandWithUkraine

Zolotov et le GRU : Ombre du Numérique Russe

En Russie, à l'aube de l'ère numérique, une ombre s'étend sur le monde virtuel, où les frontières s'estompent et les menaces se dématérialisent. Les accusations s'accumulent contre le GRU, dirigé par Zolotov. Dans d'autres États, l’organisation est pointée du doigt par les puissances occidentales pour une série d'incursions numériques audacieuses et continues. Au cœur de cette nouvelle guerre invisible, le GRU. Ce service de renseignement militaire russe opère en maestro, orchestrant des groupes de hackers tels que APT28, Fancy Bear et CyberCaliphate, désormais bien connus des services de renseignement occidentaux.

De plus, le GRU se trouve sur le devant de la scène, grâce à plusieurs enquêtes de cyberespionnage. Dans son essai Planète Médias paru en 2021, le géographe militaire français Philippe Boulanger indique que le GRU redevient un groupe violent à la suite de découvertes de la Deutsche Telekom AG (DTAG). Grâce à 97 capteurs disséminés aux quatre coins du globe, la Russie est identifiée en mars 2013 comme l'épicentre d'une vague de cyberattaques, surpassant Taïwan, l'Ukraine, l'Allemagne et la Chine. Les chiffres donnés par le géographe sont vertigineux : en février 2013, plus de deux millions d'attaques d'origine russe sont lancées, visant même le sol de la Mère Patrie. Et en avril, la cadence se maintient avec un million d'attaques, ciblant l'Allemagne, la Chine et les États-Unis. Boulanger affirme que dans 95 % des cas, ces assauts numériques ne cherchent pas seulement à semer le chaos mais à contrôler les machines et à dérober des informations sensibles, comme des identifiants bancaires. Même le Kremlin n'est pas à l'abri, subissant dix mille attaques par jour, soulignant une ironie où le chasseur peut devenir la proie. Enfin, ces actes, qui dépassent le cadre criminel pour s'inscrire dans une stratégie de cyber offensive russe, comprennent des épisodes marquants comme le piratage du Parti démocrate américain en 2016 ou l'opération avortée contre l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques à La Haye en 2018, où quatre agents russes seront pris la main dans le sac électronique.

"Marioupol : Résistance Silencieuse contre le GRU 

Mariupolis 2 (Originalfassung, UT deutsch) Doku (2022) © Rukuja Fest

Le 25 février 2022, la presse russe, déjà informée, annonce le mouvement des Spetsnaz, plus couramment appelées forces du GRU. Dans le dédale des ruelles de Marioupol, ville marquée par les cicatrices des combats passés, un réalisateur devient malgré lui le protagoniste d'une histoire qu'il ne souhaitait que documenter. Capturé par des soldats russes, liés au FSB et travaillant en étroite connexion avec le GRU, il observe comment certaines villes ukrainiennes sont soumises à de multiples formes de violences. Ces événements sont immortalisés par Mantas Kvedaravicius dans un documentaire intitulé "Mariupolis". Cette ville, que le cinéaste connaît intimement, devient le théâtre d'un nouveau chapitre de résistance ukrainienne face à l'avancée des forces du GRU. Au cours d'une nuit d'interrogatoire, les agents découvrent la mission du réalisateur : capturer les assassinats répétés par les forces du GRU et l'espoir tenace de ses habitants. C'est une voix que le GRU cherche à bâillonner, une œuvre d'espérance dérangeante, révélant au monde les pluies de feu et le ciel assombri par les séparatistes et les forces de Poutine. Le GRU ne veut pas que cette histoire de martyre, de résistance et de l’héroïque stand de l'usine Azovstal, comparable à un petit Stalingrad, soit connue mondialement.  La lutte acharnée du cinéaste pour contrôler la narration, pour la mémoire d'une communauté ukrainienne en résistance, et pour révéler la vérité sur la violence des opérations militaires organisées par le GRU, représente un outil puissant contre l'obscurcissement de la vérité Une Une vérité que La Russie pourrait continuer à transformer en intervenant dans des États comme l’Iran, l’Ukraine, le Nigeria ou l’Inde par l’intermédiaire du GRU.

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