Propos d’Emmanuel Macron sur le programme du RN : un bon coup de comm ?
Dans un article publié ce matin, Dominique Albertini, chef du service politique de Libération, explique qu'au cours de sa récente conférence de presse, le président de la République n'a fait que renvoyer aux mesures économiques d'un parti d'extrême-droite toujours marqué par son identité.
Hier soir, lors de sa conférence de presse à l'Élysée, Emmanuel Macron a choisi de mettre l'accent sur les aspects économiques du programme de Marine Le Pen, en particulier sa proposition d'augmenter les salaires, plutôt que de se concentrer sur les liens du Rassemblement National avec l'extrême-droite identitaire. Cette approche, bien que surprenante, ne peut être ignorée. Elle suscite des interrogations profondes quant à sa pertinence et à ses implications pour le paysage politique français. Dans un pays où, selon un sondage commenté hier par les journalistes politiques des Echos, les scores du RN et de Reconquête cumulés avoisineraient les 40 %, la stratégie présidentielle peut sembler étonnante, voire contre-productive. Tout d'abord, Dominique Albertini reconnaît dans son article qu'il est crucial d'analyser la place du RN sur les questions de société. Jacques Lancier, essayiste communiste, souligne dans un essai paru l'an dernier qu'aux yeux des cadres du RN, "le communautarisme est le principal risque social aujourd'hui dans notre pays et la principale menace pour l'unité du peuple français." Jacques Lancier en profite pour expliquer que la position de Marine Le Pen impliquerait une réécriture de la Constitution et la remise en question des traités internationaux. Ainsi, il rappelle que la France a signé des traités internationaux tels que le CEDAW pour la protection des femmes et le CIDE pour celle des enfants. L'abandon de ces engagements serait paradoxal pour des nationalistes.
Lancier met en garde contre le risque de promouvoir un discours de division en stigmatisant les communautés. Il clame : "le communautarisme est le principal risque social aujourd'hui dans notre pays et la principale menace pour l'unité du peuple français. À cet effet, il convient d'inscrire dans notre texte suprême que la République ne reconnaît aucune communauté." En effet, l'opposition du RN au communautarisme impliquerait, s'il arrivait au pouvoir en 2027, une réécriture de la Constitution et la renégociation des traités internationaux. À ce sujet, Jacques Lancier s'interroge : "Que ferait le Rassemblement National des 2,5 millions d'immigrés qui ont déjà la nationalité française ? Que ferait-il des 15 millions de personnes qui sont, soit immigrées, soit enfants d'immigrés ? Des 22 millions de personnes, un tiers de la population française, qui sur trois générations ont un ascendant immigré ? Jusqu'où comptent-ils remonter pour décider qui est français ou non ?" Ces questions pointent du doigt la complexité et la délicatesse des propositions du RN en matière d'immigration, sur lesquelles le président ne s'est volontairement pas attardé hier soir, pour ne pas attiser les foudres d'une gauche extrêmement mobilisée sur la loi asile-immigration depuis dimanche. En effet, demain, à La Bellevilloise, une salle du 20ème arrondissement, des cadres de La Nupes se réuniront pour montrer leur opposition à cette loi actuellement examinée par le Conseil Constitutionnel. En outre, Lancier écrit qu'il est intéressant de noter les noms étrangers de certains cadres du RN, soulignant ainsi une ironie apparente. "Malgré leur rhétorique anti-immigration, écrit-il, certains leaders d'extrême droite ont eux-mêmes des noms d'origine étrangère, comme Le Pen (bretonne, rappelant que la Bretagne n'est française que depuis 1532), et Bardella (italienne)." Ces exemples soulèvent des questions sur la cohérence et la crédibilité des positions nationalistes et anti-immigration du RN et de ses dirigeants.
Hier soir, en se concentrant sur une critique du programme économique de Marine Le Pen, le chef de l'État n'est pas revenu sur l'idéologie droitière de Marine Le Pen. Ce choix semble tout à fait volontaire, à la lumière des récentes nominations de ministres issus de l'UMP, ayant, comme Catherine Vautrin, voté contre la loi Taubira lors du quinquennat Hollande. Ces choix stratégiques du président soulèvent des questions, comme le fait remarquer Lancier, sur l'omission d'autres éléments importants de l'histoire française, tels que l'histoire de la Gaule, la Révolution française, et la Commune de Paris dans le programme scolaire défendu par Marine Le Pen en 2022. "Ces éléments tronqués de l'histoire, comme l'a écrit Ernest Renan, peuvent être des facteurs essentiels dans la création d'une nation." En fin de compte, la question qui se pose est la suivante : en se concentrant sur les failles dans le programme économique du RN, quelle direction souhaite prendre Emmanuel Macron, tant sur le plan de la politique d'immigration après le vote de la loi asile que sur celui de l'interprétation de son propre passé ? Les chiffres donnés par Dominique Albertini ce matin dans Libération, et les réflexions de Jacques Lancier, nous amènent à nous demander si la stratégie actuelle est véritablement efficace pour faire face à la montée de l'extrême droite en France.
Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.