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Billet de blog 17 juin 2023

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A Nantes, le PS continue sa révolution féministe

Hier, les dirigeants du PS ont démontré que le projet politique de leur parti ne pouvait être mis en œuvre sans réflexion sur les idées de fraternité à Nantes (44), dans le cadre d’une journée de réflexion sur le féminisme.

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Réflexion sur une utopie

Illustration 2

Construite pour imaginer une fraternité et une égalité indiscutables, la doctrine du parti à la rose était débattue et remise en question lors d'une réunion nantaise rassemblant une centaine de militants venus de toute l'Europe. « À travers cette journée de travail, expliquait une militante parisienne, notre objectif demeure d'adapter la doctrine du parti aux exigences d'une société française où le droit à l'avortement et les violences sexuelles et sexistes font l'objet d'un débat de plus en plus intense. » Entre les différents ateliers, les cadres du parti ont évoqué avec leurs militants la disparition de l'ancienne députée travailliste Joe Cox, ainsi que le rôle des élues locales, à l'instar de Yseline Fourtic-Dutarde, dans la lutte féministe au sein du Parti Socialiste.

Témoignage d'Yseline Fourtic-Dutarde à Nantes © oscar tessonneau

« J'ai animé un atelier portant sur le droit à l'avortement en France et en Europe"  a expliqué la responsable des relations avec le mouvement féministe, également élue dans la ville de Cachan « L'intérêt des échanges résidait dans l'analyse des enjeux juridiques liés à la constitutionnalisation de l'IVG, ainsi que dans l'évaluation de l'effectivité de ce droit. En tant qu'élue et militante, notre but est de veiller à ce que les femmes soient pleinement conscientes de leurs droits et sachent comment accéder aux professionnels de santé, tout en soulignant les disparités entre les quartiers politiques des villes et les zones rurales. » Lors de la présentation des axes de réflexion définis lors de ce groupe de travail sur l'IVG que les militant(e)s souhaitent légaliser par décret, référendum ou ordonnance.

Des allégories parlantes

La question du droit à l’avortement était également abordée à travers l'allégorie de Christine. Les militants socialistes utilisent cette allégorie dans des discours, ficelés à partir d'anaphores rappelant celle du fameux J'accuse d'Emile Zola, pour dénoncer les agressions et discriminations subies par les femmes souffrant d'endométriose. « Christine est directrice des ressources humaines d'un grand groupe à Lyon" , affirme avec conviction une militante prenant la parole devant ses camarades. « Elle n'oubliera jamais les rires gras émanant du comité exécutif lorsqu'elle évoqua avec eux la mise en place d'un congé menstruel, expérimenté à Saint-Ouen. ». Fondée sur une véritable enquête de terrain, Christine est avant tout un diagnostic. Il permettra de rallier un plus grand nombre de personnes à la cause féministe, dans un parti à la rose très intéressé par les questions post-matérialistes présentées à la fin des années 70 dans l’oeuvre Ronald Inglehart.

Des militants sensibles aux idées post-matérialistes 

Dans son essai intitulé "La révolution silencieuse" (1977), le politologue américain propose de faire une distinction entre les actions politiques qu'il qualifie de "dirigées par l'élite", telles que le vote, l'engagement partisan et l'assistance aux réunions de comité, par exemple, et d'autres formes non conventionnelles appelées "défis contre l'élite", qui contourneraient les canaux habituels de l'action politique en démocratie représentative. Une politologue présente à Nantes pour cet événement témoigne : « En abordant des thèmes tels que l'IVG ou les violences sexistes, le Parti Socialiste cherche intelligemment à communiquer avec des citoyens exprimant un désintérêt pour la sphère publique. » Ainsi, la politologue engagée au PS conclut que ce travail des socialistes autour de leur idéologie démontre dans quelle mesure l'adhésion d'un citoyen au parti symbolisé par la rose peut s'expliquer par de véritables motivations idéologiques progressistes. « En examinant de manière approfondie les obstacles sociaux qui entravent ou limitent la signification à donner à la montée de l'indifférence envers la politique chez de nombreuses femmes confrontées quotidiennement au sexisme, le PS marque des points. D'Olivier Faure à Johanna Roland, ces représentants semblent enfin comprendre que, dans une démocratie avancée, l'engagement politique permet de réfléchir aux problèmes rencontrés par des milliers de femmes. » 

Quelques invitées de prestige ont fait le déplacement 

Devant l’estrade où se dressait une grande affiche du temps des femmes, rappelant l'engagement de longue date du PS sur la question du féminisme, plusieurs cadres du parti s’étaient rassemblés. Au premier rang d’une salle Mauduit comble, on pouvait apercevoir des fauristes historiques comme la maire de Nantes Johanna Roland, la députée de la huitième circonscription de Seine-Saint-Denis, Fatiha Keloua Hachi, et l'élue du 19ème arrondissement de Paris, Alexandra Jardin ayant fait le déplacement depuis Paris aux côtés de l’élue du 92 Dienyaba Diop. La cérémonie est également marquée par des retrouvailles, avec la présence d'élus du Parti Socialiste belge venus spécialement de Bruxelles.

Le discours d’Olivier Faure

© oscar tessonneau

Au moment où le Premier Secrétaire du Parti Socialiste monte sur la scène de l'atelier de la Convention "Le temps des femmes", une salve d'applaudissements retentit dans une salle Mauduit où son discours sur les femmes trouve écho parmi les militants. « Si notre situation en France n'est pas dramatique », déclare-t-il avec conviction, « puisque 53 % des femmes françaises de moins de trente-cinq ans sont diplômées de l'enseignement supérieur, elle demeure inacceptable. Comment un pays comme le nôtre, qui se targue d'être le champion de l'égalité, qui donne des leçons au reste du monde, peut-il tolérer les inégalités salariales et la précarité dont sont victimes les femmes travaillant à temps partiel ? » Puis, le député du Val-de-Marne entame une analyse du livre très critique du Suicide français, un essai d'Éric Zemmour. Paru en 2014, ce livre vendu à plus de 500 000 exemplaires évoque l'essor de phénomènes autrefois marginaux ou confinés à la sphère privée (libération sexuelle, problèmes de couple, etc.). Olivier Faure entame une longue tirade contre l'ancien polémiste d'extrême droite. Il clame que ses propos à l'égard du chanteur Daniel Balavoine expliquant que son fils serait « le fruit de ses entrailles » sont sexistes.  Ainsi, le président du parti Reconquête exprimerait sa nostalgie d'une époque où des hommes forts comme Napoléon ou Charles De Gaulle pouvaient imposer la domination de la France en Europe (page 22 du "Suicide Français").

Un spécialiste de l'œuvre d'Éric Zemmour, connu pour sa radicalité et ses propos racistes, que nous avons contacté par courriel, se dit consterné par le discours d'Olivier Faure. « En mettant massivement l'accent sur la question féministe, le Premier Secrétaire du PS semble oublier des siècles d'histoire où de grands hommes tels que Louis XIV ont incarné un passé glorieux et un avenir prometteur pour les Français. » À titre d'exemple, le politologue nationaliste est incapable de citer un discours d'Olivier Faure mentionnant la figure de Charles De Gaulle. « En privilégiant la question des femmes tout en attaquant publiquement des personnalités telles que le youtubeur nietzschéen Julien Rochedy, Olivier Faure semble tourner le dos à l'idée d'une France idéale, protectionniste et traditionaliste, fière de son "exception", à laquelle les français sont très attachés. Les bons scores du RN mettent parfaitement en lumière ce phénomène»

Eric Zemmour "Le suicide français" - On n'est pas couché 4 octobre 2014 #ONPC © On n'est pas couché

Un bref moment de répit

 En ces temps troublés et incertains, où les soutiens d’Olivier Faure et les partisans du duo social-démocrate El-Araje/Mayer-Rossignol s'affrontent lors de meetings entre Nantes et Créteil, ces débats sur la question des femmes démontrent qu'il subsiste encore des consensus sur les questions progressistes au sein du PS. Dans un contexte où les vieux réflexes sociaux-démocrates du parti semblent reprendre le dessus, grâce notamment aux efforts de Bernard Cazeneuve, aujourd'hui membre du PRG, la question des femmes demeure un sujet mobilisateur pour tous les sympathisants du PS. À travers les événements consacrés au féminisme, les militants du parti à la rose contribuent à raviver la dynamique progressiste de la gauche, témoignant ainsi de la manière dont la lutte pour les droits des femmes peut relancer une dynamique progressiste qui sauvera sûrement un parti mal en point.

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