
Des mères fatiguées
Jusqu'au 24 Mai une consultation citoyenne permettra à chaque Français de donner son avis sur les mesures envisagées pour la période 2023-2027 concernant les troubles comme la dyspraxie. Cependant, une précision est nécessaire. Si l'augmentation du nombre d'enfants handicapés scolarisés est indéniable, la réalité sur le terrain et à domicile est souvent différente, en particulier pour les mères qui s'occupent de leurs fils. Au cours de notre enquête, menée auprès de cinq familles, nous avons constaté que 90% des tâches liées à l'organisation des consultations chez les ergothérapeutes, les psychologues et autres professionnels de santé pour les enfants dyspraxiques sont gérées par les mères. "Je prends en charge 70% des rendez-vous, explique la seule mère que nous avons rencontrée et qui bénéficie de l'aide de son mari. "Son père en gère 30%. Nous sommes séparés, mais avons une garde alternée. Mon ex-mari participe à 60% des rendez-vous, le reste est de ma responsabilité".
Le travail à domicile et l'assistance aux devoirs sont également un véritable parcours du combattant pour ces mères courageuses. Aucune des cinq femmes interrogées ne prétend que les pères de leurs enfants s'impliquent dans l'aide aux devoirs. "En général, affirme l'une d'entre elles, mon fils travaille dur jusqu'à une heure beaucoup trop tardive le soir..." Elle précise que ses exercices de mathématiques et de géométrie sont illisibles, qu'il se déconcentre très facilement et que la lecture de ses cours incomplets pose souvent problème. Cette situation est particulièrement préoccupante dans certaines régions, comme l'Île-de-France, où les fédérations sont mal gérées par des personnes qui préfèrent organiser des événements sociaux plutôt que d'aider les enfants et les mères en grande difficulté.
Dépense de sommes astronomiques
Par manque de personnel pour les accompagner dans leurs apprentissages, de nombreux enfants se voient contraints à une scolarisation partielle ou doivent recourir à des cours particuliers exorbitants. "Mon fils, raconte une mère, a été exclu de sa faculté de droit en première année de master. Pour terminer ses études, il a dû s'inscrire dans des écoles privées. Cela lui a permis de découvrir l'alternance et le monde de l'entreprise, où il est très mal encadré." Cette cadre supérieure à la rémunération confortable explique qu'elle n'a aucun problème à financer cette aide personnelle pour son fils, tout en étant consciente que toutes les familles ne pourraient pas en faire autant. "Lors des périodes chargés où il doit rédiger des rapports de stage et se préparer à plusieurs examens, il m'arrive encore de dépenser près de 500 euros par mois pour des cours particuliers pour mon fils."
D'autres mères expliquent que leurs enfants ne sont accueillis que pour une demi-journée par semaine car leur accompagnant d'élèves en situation de handicap (AESH) effectuant un travail formidable souvent payé une misère se partage entre plusieurs enfants. Cela signifie que le reste du temps, l'enfant est avec ses parents, dont l'un doit souvent renoncer à travailler. Heureusement, sur les cinq mères que nous avons rencontrées, 80% ont réussi à maintenir un emploi. Certaines mères d'enfants dyspraxiques affirment même être heureuses dans cette situation. "Je suis maman solo de 3 enfants", clame l'une d'entre elles. "Je dois travailler pour subvenir aux besoins de toute cette petite tribu. Mais je ne changerais ma vie pour rien au monde."
Enfants constamment punis
Bien que les enseignants fassent preuve de bonne volonté, ils se retrouvent souvent seuls pour faire face à ces situations complexes. "Lors de son année de CM2 en 2010", témoigne une mère, mon fils dyspraxique, qui présente également des troubles autistiques, a passé l'année dans le couloir car ses prises de notes étaient illisibles, il se fatiguait rapidement et avait du mal à suivre en classe." Une autre famille partage le même constat. "Je me sens épuisée et seule dans mon combat contre les enseignants qui ne comprennent pas le handicap invisible de mon fils." Les enseignants, peu soucieux de respecter scrupuleusement les Plans d'Accompagnement Personnalisé (PAP) et autres dispositifs qu'ils ont pourtant signés, se montrent parfois odieux envers leurs élèves souffrant de phobie scolaire.
"Les préjugés persistent chez ceux qui pensent qu'à leur époque, il n'y avait pas de troubles dys et que tout le monde savait lire et écrire... Ils estiment aujourd'hui que l'on cherche des excuses pour les enfants qui refusent de travailler ou qui sont de mauvais élèves, en les qualifiant de dyspraxiques." Ces témoignages mettent en évidence le travail considérable que la France doit accomplir pour alléger la charge mentale des enfants dyspraxiques et de leurs mères qui se démènent pour eux.