L'élection de l'économiste Javier Milei à la présidence de l'Argentine avec 55,7 % des voix représente un tournant significatif dans l'histoire politique d'un pays qui continuera d'adopter des politiques économiques ultralibérales dans les années à veni
La victoire de Javier Milei face à Sergio Massa, le candidat du péronisme, marque une rupture significative avec les forces politiques traditionnelles en Argentine. Historiquement dominées par des courants nationaux-populistes, ces forces voient désormais un changement de cap. Milei, issu de la coalition ultralibérale La Libertad Avanza, s'est distingué par ses propositions radicales. Il préconise notamment la dollarisation de l'économie, une réduction drastique des dépenses publiques, l'interdiction de l'avortement, la libéralisation de la vente d'armes, ainsi que la rupture des relations diplomatiques avec le Brésil et la Chine. Cette orientation politique et diplomatique diverge nettement de celle du péroniste Mauricio Macri. Le péronisme, loin de se résumer à un charisme fascinant, s'est historiquement appuyé sur des soutiens diversifiés et ancrés dans la société. La CGT argentine, syndicat unique et central, a longtemps été un pilier de cette structure. Un ouvrier métallurgiste de Buenos Aires témoigne : « C'est grâce à la CGT que nous avons pu défendre nos droits ».
De même, le Parti péroniste et sa branche féminine ont joué un rôle avant-gardiste dans l'engagement des femmes en politique. Ainsi, le mouvement, défait hier par Milei, était caractérisé par une culture politique argentine teintée de nationalisme et de valeurs sociales-chrétiennes. Cependant, le péronisme ne se limite pas à ces traits. À Buenos Aires, de nombreux historiens analysent la chute du péronisme en contestant l'idée d'un « dialogue direct avec les masses ». Ils soulignent plutôt le rôle crucial des intermédiaires tels que les syndicalistes, les militaires, les prêtres, les intellectuels et les dirigeants partisans. Cette perspective prend d'autant plus de sens face à l'évolution récente de la précarité en Argentine.
Buen día, a poner el pecho herman@s,no queda otra. La tristeza está, la decepción, bronca y demás. Soy Peronista, siempre pude y voy a poder, ustedes también. VIVA PERÓN, NÉSTOR Y CRISTINA!!! pic.twitter.com/XsOJLDCmkH
Avec son discours anti-système et ses promesses de résoudre des problèmes majeurs tels que l'inflation et la pauvreté, Javier Milei a séduit une grande partie de l'électorat argentin déçues du péronisme, malgré les craintes et les controverses qu'il suscite. Milei a été célébrée par ses partisans comme le début d'une nouvelle ère pour l'Argentine, où il promet de mettre fin au modèle péroniste "appauvrissant" de la "caste" politique traditionnelle et de redonner à l'Argentine sa place de puissance mondiale. Après douze ans sous la gouvernance des Kirchner, l'ère Macri signalait déjà un léger éloignement du péronisme, qui avait marqué 70 ans d'histoire politique argentine. Le 15 Mai 2016, Dans son article "Otra Argentina", le célèbre romancier et philosophe argentin Mario Vargas Llosa louait dans le grand quotidien hispanique El Pais les réformes courageuses de Macri, qui s'attaquaient à l'interventionnisme étatique et visaient à redresser l'une des nations les plus riches du monde. Néanmoins, le gouvernement Macri faisait face à des défis économiques conséquents lié à la pauvreté des Argentins. L'inflation, ce "véritable cancer" de l'économie argentine, persistait malgré les efforts de réforme, culminant à plus de 54 % fin 2019. "L'inflation nous touche tous. Chaque jour, c'est une lutte pour maintenir notre niveau de vie", confie un commerçant de Buenos Aires ayant été dans l’obligation d’augmenter tous ces prix, aux vues de ceux fixés par les grossistes.
L’Échec de Macri dans sa quête d’équilibre
Milei: "Y ahora que hacemos?" Macri: "Pedir más plata, fugarla y seguir culpando al gobierno anterior, total la gilada lo cree" pic.twitter.com/q2p1ua8IpQ
Grâce à un soutien financier substantiel du FMI en 2016 et 2019, totalisant 57 milliards de dollars, l'Argentine a pu alléger la pression sur le peso. Toutefois, la situation financière demeurait précaire, le peso ayant perdu la moitié de sa valeur en 2018. 'L'instabilité de notre monnaie est un cauchemar quotidien. C’est l'une des raisons pour lesquelles le projet économique de Milei, centré sur le dollar, est bien accueilli ici', déclare un petit commerçant de Buenos Aires. Bien que l'une des premières décisions de Macri ait été de rembourser les dettes envers les créanciers, l'élite financière et bancaire argentine reste méfiante face à l'incertitude persistante, réticente à proposer des taux avantageux pour de nouveaux crédits.
Parallèlement, Milei a saisi l'opportunité créée par les ravages de la pandémie sur le système scolaire argentin pour proposer un nouveau projet éducatif. Avec la suspension des cours en présentiel pour limiter la propagation du virus, plus de 10 millions d'étudiants et près de 900 000 enseignants se sont retrouvés écartés des salles de classe. Face à cette situation inédite, le système éducatif, peu préparé pour l'enseignement à distance, a dû rapidement adopter des méthodes virtuelles. Cependant, cette transition s'est heurtée à des défis. Parmi eux, 18 % des adolescents issus de milieux plutôt voire très défavorisés dans certains cas. Agés de 13 à 17 ans n'avaient pas d'accès à Internet à domicile, et 37 % ne disposaient pas d'appareils électroniques adéquats pour les travaux scolaires. Cette proportion monte à 44 % parmi les élèves des écoles publiques. Ces inégalités dans l'accès aux ressources numériques ont aggravé les difficultés d'apprentissage pour les élèves déjà désavantagés. "Sans ordinateur, mes enfants ne peuvent pas suivre les cours en ligne, c'est frustrant" , déplore Carlos, père de deux enfants scolarisés dans une école publique.
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