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Billet de blog 20 décembre 2023

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Immigration : Le vote d’hier montre l’échec d’un système économique ultralibéral

Dans un éditorial paru ce matin, Thomas Legrand expliquait que nombreux étaient ceux qui avaient placé en Emmanuel Macron leurs espoirs contre l’extrême-droite. Cet espoir s’est éteint, avec le vote de la loi asile immigration, hier soir à L’Assemblée, et montre l’échec d’une politique économique libérale qu’il soutient depuis ses débuts en politique.

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Un clivage sur la question européenne

LE DÉBAT - Les explications de Marine Le Pen sur la sortie (ou non) de la France de l'euro © FRANCE 24

L'échec d'Emmanuel Macron à contenir la montée de Marine Le Pen depuis 2017 semblait prévisible. Le président, qui s'était lancé dans une aventure présidentielle hors du commun en 2016, avait endossé le rôle de sauveur de la France, seul face à une nation profondément divisée et à une scène mondiale en ébullition avec l’arrivée au pouvoir de chefs d'État comme Donald Trump, et le renforcement de Vladimir Poutine depuis l’invasion de la Crimée en 2014. Son parcours, d'abord celui d'un jeune conseiller de François Hollande, s'est transformé en une quête effrénée pour l'Élysée, dans le but de recréer une forme de cohésion nationale en voulant 'casser les codes' de la politique. Tout au long de son ascension, les doutes l'ont accompagné : battrait-il à plat de couture Marine Le Pen ? Réussirait-il son quinquennat ? Cependant, il a toujours cru en son destin politique, se voyant en lointain successeur de figures ultraconservatrices telles que Jeanne d'Arc, Napoléon, ou Charles de Gaulle, ce qui témoignait de son éloignement rapide des partis de gauche, autrefois parlant de constituante ou d’une sixième république dans laquelle le peuple reprendrait le pouvoir en 2017. Marquée par des tournants imprévisibles et des stratégies politiques changeantes, la stratégie 'anti-RN' d’Emmanuel Macron. Jusqu’à hier soir, une forme où une connivence a vu le jour entre le programme historique du RN et les actions du président. 

« Dupont-Aignan soulignait régulièrement les liens d'Emmanuel Macron avec la "banque Rothschild" 

"Présidentielle 2017" : réaction de Nicolas Dupont-Aignan - 7 mai 2017 (France 2) © franceinfo

Tout a commencé avec la montée en puissance de Marine Le Pen en 2017, qui avait astucieusement centré sa campagne sur les questions sociales. Elle a refait la même chose depuis 2022, évoquant très régulièrement la question du pouvoir d’achat. Ses attaques ciblées contre la 'mondialisation sauvage', les délocalisations industrielles, et la loi travail avaient trouvé un écho chez une partie de l'électorat populaire, déjà mobilisée en faveur du RN lors des régionales de 2015. Cependant, lors du débat présidentiel, Marine Le Pen avait laissé transparaître une impréparation et une incompétence qui avaient terni son image et son projet. Pour la fille de Jean-Marie Le Pen, ce 'banquier d'affaires' représentait parfaitement les intérêts mondialistes soutenant l’immigration sauvage. Elle accusait Emmanuel Macron de vouloir démanteler les droits sociaux, et de contribuer activement à l'islamisation de la France, tout en reniant sa culture et en dénigrant son histoire. De plus, Marine Le Pen a bénéficié du soutien stratégique de Nicolas Dupont-Aignan. Bien qu'il n'ait peut-être pas encore officialisé son ralliement, il avait déjà commencé à collaborer avant le grand débat télévisé du 4 avril. En effet, le leader de Debout la France échangeait déjà avec Marine Le Pen, et soulignait régulièrement les liens d'Emmanuel Macron avec la 'banque Rothschild'. Cette collaboration stratégique a été d'un grand secours. 

Les tupperwares de Renaissance

En 2017 et en 2022, les succès d’Emmanuel Macron masquaient une dynamique économique brisée. Néanmoins, le président actuel a continué de soutenir des politiques néolibérales peu populaires, longuement analysées par l’ancien sénateur socialiste Gérard Filoche. Dans son ouvrage intitulé "Macron ou la casse sociale", il explique qu’Emmanuel Macron s'inscrit résolument dans une tradition libérale éculée. « Il a bâti son parti politique tel un réseau de vendeurs de Tupperware, recrutant des députés comme on embauche des commerciaux, sur la base de leur curriculum vitae. Son gouvernement agit de manière similaire à un conseil d'administration, avec la finance comme principal interlocuteur. » Ainsi, selon Filoche, le projet de société d'Emmanuel Macron se réduit à une obsession pour l'argent. Le vote d’hier pourrait ainsi montrer l’échec d’un système politique basé sur l’argent : « Nous ne pouvons plus demander aux Français de faire des efforts sans fin en leur promettant la sortie d'une crise qui n'en est pas une. » Cette rhétorique usée depuis quarante ans, selon Filoche, est le prétexte récurrent pour exiger des sacrifices des Français les moins favorisés, alors que la classe politico-financière responsable de cette situation demeure intouchable. Les chiffres et les faits parlent d'eux-mêmes, révélant un président qui, malgré les apparences, reste aligné sur une politique ultralibérale ordinaire, sans réelle vision sociale et sans « Révolution », titre d’un essai paru en 2016 montrant sa volonté de révolutionner les codes de la politique que Gérard Filoche commentait de façon élogieuse, avant ses dérapages antisémites innaceptables en 2018. « Est-ce une volonté de mettre un terme au 'statu quo' qui permet à 1 % de la population d’accaparer toutes les richesses, à quelques familles de détenir des centaines de milliards, à des multinationales de blanchir des milliards dans des paradis fiscaux, ou à l'oligarchie de pratiquer une fraude fiscale massive de 80 milliards d'euros par an ? » Ainsi, les clichés d'Emmanuel Macron, qu'ils soient prononcés lors de ses discours enfiévrés ou inscrits dans ses écrits, sont, selon Filoche, dépourvus d'analyse profonde et de solutions concrètes sur des questions aussi sensibles que l’immigration. « Ils restent éloignés des besoins et des demandes pressantes de millions de citoyens. Les paroles de Macron, telle une ritournelle sans fin, se perdent dans le vide, bien loin de la réalité des vies de la majorité de la population. » 

Que dire du bilan social? 

Dans l’essai qu’il a écrit en 2018, Gérard Filoche affirme qu’Emmanuel Macron n'est nullement innocent dans l'effritement de la montée d’une extrême-droite raciste et xénophobe, avec laquelle les députés Renaissance ont pactisé hier soir. « Macron se targue même de sa participation à la création de la Commission pour la libération de la croissance française, un élément toxique qui a contribué à la détérioration de la situation pour de nombreux citoyens ». En effet, Filoche décrit comment Emmanuel Macron, dès son apparition sur la scène politique française, a été façonné et influencé par des figures puissantes comme Jacques Attali, tout en restant ambigu quant à ses véritables intentions et réalisations, notamment durant son passage à l'Élysée et en tant que ministre de l'Économie.

Ce tableau sombre, dépeint par Filoche en 2018, souligne une série d'échecs et de choix politiques controversés, qui ont contribué à une augmentation significative de la précarité contre notre classe politique. Filoche souligne également l'ironie de la situation politique française, où les électeurs avaient massivement soutenu la gauche entre 2004 et 2012, donnant à celle-ci un contrôle presque total des régions, des départements, et même du gouvernement national. Cependant, cette poussée à gauche a été suivie d'une série de trahisons et de déceptions. Enfin, la trajectoire politique d'Emmanuel Macron comme une série de désillusions et d'alignements sur des politiques libérales controversées, en contraste avec les espoirs initiaux de rupture avec le statu quo. Malgré son ascension spectaculaire, Macron est décrit comme ayant échoué à s'opposer efficacement à l'extrême droite et à répondre aux besoins sociaux, économiques et culturels de la France. Son parcours, marqué par une quête de pouvoir et une proximité avec des intérêts financiers, et aujourd'hui avec l'extrême-droite, illustre l'échec d'une vision politique qui promettait un renouveau mais qui s'est révélée être une continuité de l'ordre établi, déconnectée des réalités et des aspirations de la majorité des citoyens.

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