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Billet de blog 21 août 2023

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Paris 18ème : le parcours difficile d’un lycéen dyspraxique

Très discret sur ces questions liées au handicap depuis sa prise de fonction, Gabriel Attal ne semble toujours pas avoir de projets pour construire un parcours scolaire à ces enfants comme Mathias en grande difficulté.

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Une consécration après des années de lutte

Lors de notre entretien, Matthias* (prénom modifié), un lycéen de première spécialisé en français et langues, nous dévoile l'écran de son ordinateur. "Même avec un clavier, j'ai du mal à retranscrire les leçons du tableau, alors je me concentre à l'écoute." Bien qu'étant « non déficient intellectuel », Mathias a failli être scolarisé parmi des élèves à besoins spécifiques, plus couramment appelées ULIS.  Sa scolarité est parfois un véritable parcours du combattant. Mathias se décrit comme un garçon assez serein. Néanmoins, le jour où nous le rencontrons, il se dit anxieux. Son stress est dû à son bac blanc de sciences. "En littérature, mes professeurs valorisent ma capacité d'écoute, m'offrant plus de latitude dans mes dissertations. Mais dans les autres matières où il faut faire des TP et des schémas, les profs ne saisissent pas le défi de la double tâche, et perçoivent souvent ma démarche comme une surcharge cognitive." Pour Matthias, l'acte d'écrire est révélateur de certaines difficultés. Son professeur de français, qui le soutient depuis l'an passé, constate qu'il jongle entre l'acte d'écrire et le flux de ses pensées. "Ces moments de 'double tâche' sont parfois invisibles pour Matthias. Ce n'est qu'à travers ses erreurs dans des exercices, où il excelle à l'oral, que l'on discerne les effets de sa dyspraxie visuo-spatiale."

Des enseignants en lettres hors pair

Selon son professeur de français actuel, souhaitant rester anonyme, l'idéal serait de contourner ces obstacles Reconnaissant les défis grammaticaux pour Matthias, il évite de le pénaliser pour cette contrainte neuro-visuelle, privilégiant l'oralité. "Il peine dans des exercices demandant de structurer une phrase. Ainsi, je minimise les sanctions dans des exercices où il doit accorder un verbe en fonction du complément d'objet en fin de phrase. Désormais, il a même recours à ChatGPT 4 pour réviser ses dissertations." Ce dandy aux allures de Woody Allen s'efforce d'éliminer les tâches superflues, comme la mise en page sur Word ou certains exercices grammaticaux consistant à enlever des adverbes dans une phrase pour faire un effort de style, surtout lorsque l'on sait que les cahiers de Matthias ont été, depuis le CP, désorganisés. Pourtant, tout n'a pas toujours été fluide.

Prof de maths à la con 

L'année passée, l'inspection académique rejetait les allégations de discrimination envers Matthias, humilié par son prof de maths : "Il n'y aucune preuve de discrimination dans ma pédagogie. Matthias n'a simplement pas maîtrisé certaines notions de base du collège." Or, selon nos sources, son professeur de maths l'a isolé en fond de classe, puisque Mathias requiert davantage de temps et d' énergie que les autres élèves. Sa hiérarchie déclare que l'enseignant "était dépassé par une situation inconnue du SNES, le syndicat où il milite depuis le début de sa carrière." Toutefois, après un échange tendu, il concède ne pas avoir été totalement investi pour soutenir Matthias, tout en insistant sur l'importance de reconnaître les enjeux liés à la dyspraxie. "Il faut s'assurer que chaque élève dyspraxique dispose des outils nécessaires, tels que les polycopiés avec des textes à trous pour chaque leçons, qu'il est un PPA ou un PPS, des claviers adaptés pour combler ses troubles de la motricité fine, ou des fonctions sur des logiciels que je ne maitrise pas du tout, car je n'ai pas été formé à l'utilisation des outils équations de la suite Office en INSPE". 

La discrétion de Mathias face à un enseignant aux méthodes rigides

L'alerte contre le prof de mathématiques, initiée par son AESH puisqu'il dispose d'un PPS, a été relayée par la CPE de Matthias, qui a sensibilisé la direction après trois mois. Mathias, évoquant son rapport complexe avec son professeur de mathématiques – qui n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations, se souvient : « Lorsque je faisais mes premières équations du second degré, ma fatigue face à ma difficulté m’a marqué. Sans cesse, je sollicitais l’aide d’autrui, perdu sur ma feuille A4 car le prof de maths voulait absolument que j’ écrive.  Son AESH n'avait pas à rendre le contenu des cours qu'il suivait en classe plus abordables, et témoigne de son impuissance. « Un élève dyspraxique ne peut se limiter à des supports simplifiés éternellement. Les maths se complexifient. Maintenir Mathias au niveau m’apparaît compliqué. J’ai l’impression de stagner. ». De plus, en janvier, l’AESH rapporte des mots déplacés du professeur de maths envers Mathias : « Tant que tu ne tiendras pas correctement ton stylo, tu stagneras dans mon cours. » Alarmée, elle en informe la CPE. En salle des profs, ce professeur est vu comme un « intransigeant », passionné de rugby et maths. Pour apaiser les tensions, l’AESH suggère des sessions individuelles en salle de permanence, où Mathias est souvent placé. L'AESH évoque ces moments, non sans ironie. Ces séances, légitimées par un accompagnement officiel depuis la sixième, restent difficiles. « J’espérais l’aider à améliorer son écriture. Mais face aux théorèmes basiques et à des notions comme les produits en croix où il faut repérer dans l'espace un nombre permettant de faire une opération, Mathias est à la rue. Comment voulez-vous qu'il commence à faire des équations du second degré sans ces bases? » Avec une dyspraxie influant ses compétences, le défi pour Mathias est d’ajuster les méthodes pédagogiques. Mais ses professeurs, déjà débordés, sont réticents. L’AESH insiste : « En géographie, sa prof utilise une approche orale, une stratégie efficace pour lui puisque sa moyenne a augmenté."

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