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Billet de blog 24 juillet 2023

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Les prix de l'électricité vont-ils s'envoler?

Le gouvernement d’Elisabeth Borne vient d’annoncer qu’il suspendait le dispositif ARENH (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique). Actuellement, ce dispositif permet aux fournisseurs alternatifs d'acheter de l'électricité nucléaire à EDF à un prix régulé, afin de favoriser la concurrence sur le marché de l'électricité en France.

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Les particularités de L’ARENH

Il fut mis en place en 2022, à cause de la flambée du prix du gaz en Allemagne. Rapidement, pour les très gros consommateurs, l’Arenh est devenu un atout décisif face au prix du gaz allemand. En France comme en Allemagne, les industriels très grands consommateurs d’électricité – ceux qui consomment au-delà de 150 GWh – représentent un cas particulier. Ils bénéficient, notamment en Allemagne, d’exonérations et d’une fiscalité réduite. En outre, trois dispositifs leur permettent de réduire leur facture énergétique : la compensation des coûts indirects du carbone mise en place au niveau européen, ainsi que les mécanismes nationaux d’interruptibilité et d’effacement, qui contribuent respectivement à prévenir le risque d’écroulement de fréquence et à maintenir l’équilibre du réseau lors des variations de production ou de consommation. Ainsi, dans le cadre du marché européen des droits d’émission, les industriels électro-intensifs exposés à un risque significatif de fuite de carbone perçoivent une compensation du « coût indirect du carbone ». Ce terme correspond aux quotas d’émissions payés par leurs fournisseurs d’électricité et répercutés par eux dans leurs tarifs de vente du mégawattheure.

Cette mesure accompagne de nombreux industriels

 Selon un rapport du Sénat sur les enjeux de la filière sidérurgique en France, cette aide, proportionnelle au coût moyen du carbone constaté l’année précédente, représentait environ 7,40 €/MWh en 2019, alors qu’elle était de l’ordre de 4 €/MWh en 2016, soit une économie de 5 à 10 % de la facture d’électricité hors taxe (Sénat, 2019). En Allemagne, la compensation s’élevait à environ 4,80 €/MWh en 2016 (Matthes, 2017). Deuxièmement, les industriels sont rémunérés s’ils participent au mécanisme d’interruptibilité de RTE. Cela concerne 22 sites industriels (principalement hyper électro-intensifs, comme la production d’aluminium), qui ont la possibilité d’interrompre leur consommation en moins de 5 ou 30 secondes, pour une puissance supérieure à 25 MW. Dans ce cadre, ils ont été rémunérés, selon la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), à hauteur de 88 millions d’euros (Sénat, 2019). Dans son rapport de 2013, la DG Trésor estime que la participation au mécanisme d’interruptibilité permettrait de réduire la facture entre 1,5 et 3 €/MWh en France comme en Allemagne.

Un changement de stratégie

Pendant une période transitoire, une partie de l' électricité nucléaire française a été mise à disposition par EDF pour permettre à des concurrents d'investir dans des installations de production capables de rivaliser avec elle. À cette époque, les industriels français avaient demandé à bénéficier directement d'une part de l'Arenh, mais cette demande avait été refusée, probablement en raison de l'opposition de Bruxelles. Cependant, les décisions prises en 2022 ont entraîné une situation absurde : bien qu'elles plaisent aux industriels, elles obligent EDF à vendre à bas prix une quantité d'énergie plus importante que celle dont elle a besoin pour ses propres clients, l'obligeant ainsi à racheter de l'électricité sur le marché à des prix très élevés, ce qui l'empêche de conclure des contrats à long terme, étant incertaine de la quantité d'électricité dont elle disposera à l'avenir. Cette situation conduirait inévitablement à la faillite de notre système électrique, au profit des industriels français à court terme, mais aussi des intermédiaires du secteur de l'électricité et de l'ensemble de l'Europe. Cette solution protège en apparence le budget de l'État, bien que cela entraînerait la nationalisation d'EDF et le dédommagement de ses actionnaires privés.

Vers une fin de l’Arenh ?

Aujourd’hui, le gouvernement d’Elisabeth Borne estime que le dispositif n'a pas atteint ses objectifs. Il devrait donc cesser à la fin de la période transitoire pour laquelle elle avait été mise en place. Cette disparition pourrait donc entraîner une augmentation progressive des tarifs de l'électricité pour revenir aux tarifs de marché. L'évolution des prix reste incertaine, notamment en raison des problèmes de corrosion découverts dans les réacteurs nucléaires d'EDF, qui pourraient avoir un impact sur le marché de l'électricité. Les tarifs réglementés d’EDF vont déjà augmenter de 10 % au 1er août, et auront ainsi augmenté de 31 % en moins de dix-huit mois. La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a récemment proposé une augmentation de 74% du Tarif Réglementé de Vente de l'électricité (TRVe) à partir du 1er août en raison des prix de marché élevés et de la réévaluation des coûts commerciaux.

Une électricité toujours à bas prix? 

Cependant, le gouvernement d’Elisabeth a refusé cette proposition et a limité l'augmentation à 10% seulement, après consultation du Conseil supérieur de l'énergie. Le gouvernement a défendu sa décision en assurant qu’en France, les tarifs de l’électricité resteraient parmi les plus bas d'Europe même après l'augmentation. Ainsi, on peut se demander si ce mécanisme, directement inspiré du fonctionnement naturel des marchés, doit-il être complété, maintenant que les énergies renouvelables (EnR) à coût marginal nul occupent une place importante dans le mix électrique européen ? Doit-il également être encadré en période de crise, autrement que par un plafond très élevé, récemment bloqué à 4 000 €/MWh ? D’aucuns diront qu’il l’est déjà, les opérateurs historiques étant mis à contribution pour financer le bouclier tarifaire, maintenir le dispositif de l’Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique) et subventionner le déploiement des énergies renouvelables. On peut également rappeler qu'avant la crise, le consensus portait plutôt sur le fait que les prix de l’électricité étaient globalement trop faibles pour inciter à investir dans de nouvelles centrales, notamment celles destinées à ne fonctionner que quelques jours par an pour répondre aux pointes de demande (certaines ont d’ailleurs été fermées).

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