L’église catholique prépare un synode moderne et disruptif
Le prochain synode s'annonce comme un tournant potentiel pour l'Église, mais quels sont les enjeux et les attentes ? Au cœur de ce rassemblement, la nécessité d'une prise de conscience collective. Les participants sont appelés à ne pas tomber dans les pièges du passé, qu'il s'agisse de la recherche du prestige personnel ou de la perpétuation de vieux conflits.
Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.
Une évolution du rôle des synodes au fil de l’histoire
Le rassemblement des évêques à venir, prévu pour octobre 2023, est unique pour diverses raisons. Novateur, ce synode permettra, pour la première fois, non seulement aux évêques de voter sur les propositions du document final, mais aussi aux prêtres, religieuses et laïcs, ces derniers constituant 32 % des 374 votants. Il sollicite toute l'Église à s'impliquer simultanément, une première rendue possible grâce aux technologies actuelles et à un esprit de partage. Ce concept de communion, inspiré par la Trinité, transforme la vie de l'Église en une expression de l'unité divine sur Terre. Éric*, maître de conférences à l'ICP et expert des relations entre le Saint-Siège et les pouvoirs politiques au XXe siècle, témoigne. « Dans cette communion, chaque individu, qu'il soit clergé ou laïc, assume un rôle particulier, supprimant toute notion d'individualisme au bénéfice du bien commun. Il s'agit donc non seulement de l'aspect interne de l'Église, mais également de son action proactive dans le monde, dans une quête de rédemption et de don de vie. » Pour Eric,Cette dualité, l'aspect interne et la mission externe, est essentielle au succès d'un processus synodal. "Le synode ne constitue pas uniquement un espace de réflexion, mais également une occasion pour l'Église de revisiter et d'approfondir son identité et sa mission dans un monde en perpétuel changement. " Le professeur d'université en conclue que c'est dans cet objectif que s'inscrivent les résultats escomptés du synode : une compréhension enrichie de ce qu'est la communauté chrétienne et des manières dont elle peut et doit intervenir dans la société.
L'Église Catholique va-t-elle être réformée ? Pour la première fois, un document de travail mentionne "l'intégration des personnes LGBTQ+" ! Avec la question de l'homosexualité, l'ordination des femmes et le mariage des prêtres seront au cœur du prochain synode du Vatican... pic.twitter.com/VwvzL5nMSx
Les thèmes à débattre sont hautement sensibles, traitant notamment du rôle des laïcs et des femmes au sein de l'Église, de l'accueil des homosexuels et de l'ordination d'hommes mariés. Ainsi, en préparant son prochain synode, l'Église catholique se trouve à une intersection cruciale, tant historique que spirituelle. Cet événement représente non seulement une chance pour l'institution de repenser sa mission, mais également une opportunité pour chaque membre de s'engager dans un processus de discernement collectif. Plutôt progressiste, Éric est enthousiaste à propos de cette initiative. « Ce synode trouve son fondement dans la conception même de ce qu'est l'Église : une communauté de foi, une communion. » L'autre raison pour laquelle Éric appuie cet événement réside dans le fait que, historiquement, la démarche synodale n'a pas toujours été évidente. « Par exemple, comme le note Edward Gibbon dans son essai sur l'Empire romain, le règne de l'empereur Justinien révèle une période où la tolérance et le respect de la diversité au sein de la communauté chrétienne ont été supplantés par le dogmatisme et la rigueur. » Ainsi, Éric conclut que les périodes où les dirigeants de l'Église ont favorisé l'autorité sur la compassion, le dogme sur le dialogue, sont celles où elle s'est affaiblie.
Contrairement à Jean-Paul II, qui s'était entouré de Polonais, le pape François a ses jésuites, célèbres pour leur progressisme et leur souplesse d'interprétation doctrinale. Ces derniers jouent des rôles significatifs dans plusieurs dicastères et sont particulièrement influents dans les cercles intellectuels de gauche. À titre d'exemple, le cardinal Michael Czerny dirige le Dicastère pour le service du développement humain intégral et milite ardemment pour l'attention du pape envers les migrants. De son côté, le cardinal jésuite Jean-Claude Hollerich est un membre de poids au sein du conseil des neuf cardinaux et a été nommé rapporteur général du synode des évêques. Cette influence grandissante des jésuites, notoirement modernistes, témoigne, selon Éric, d'un mouvement vers une vision plus progressiste et pastorale au Vatican. L'expert que nous avons consulté relève également des surprises et des controverses, telles que la nomination d'un jésuite au sous-secrétariat pour la Culture et l'Éducation, qui avait précédemment contesté la divinité absolue du Christ. (Ces évolutions pourraient significativement influer sur les débats et les résolutions du prochain synode, notamment sur les sujets d'ouverture doctrinale et de modernisation de l'Église.) La liste des participants révèle aussi les préférences du pape François, qui n'a pas hésité à désigner des délégués en accord avec ses vues, y compris au sein de délégations perçues comme conservatrices, telles que celle des États-Unis. Parallèlement, en Allemagne, où des évêques résolument progressistes ont été choisis, le pape a désigné des membres plus conservateurs afin d'équilibrer la représentation. Selon certains analystes, cette stratégie délibérée a permis de maintenir un certain équilibre parmi les participants, même si le pape François est perçu comme gardant fermement le cap. Tous ces facteurs suggèrent que le prochain synode pourrait être un tournant dans l'histoire récente de l'Église, capable soit d'apaiser des tensions existantes, soit d'en susciter de nouvelles. Néanmoins, avec le pape François aux commandes, le synode pourrait bien servir à forger un chemin commun, en dépit des défis et des frictions intrinsèques à un tel exercice.
La modernité offre un nouveau rôle à l’église
Monseigneur François Bustillo, évêque d'Ajaccio tout juste nommé cardinal : "Je ne m'y attendais pas du tout ! Le pape François, avec son originalité, a voulu me faire cardinal..." #le710Interpic.twitter.com/QJNXUZllbx
Le prochain synode offre aussi une occasion de réflexion sur la place de l'Église dans la société actuelle. À une époque marquée par des préoccupations croissantes en matière de justice sociale et d'égalité, le synode pourrait harmoniser tradition et réponse aux enjeux du moment. Selon Éric, cela reflète une constante historique : depuis l'Antiquité, les synodes ont été influencés, voire conditionnés, par des considérations politiques et économiques contemporaines. « Prenons l'exemple de la Guyenne au XVIe siècle, évoqué par Étienne de La Boétie dans son 'Discours de la servitude volontaire', précise Éric. » Le philosophe Girondin y détaille comment une taxe sur le vin a exacerbé les tensions confessionnelles, montrant que les questions financières peuvent être aussi perturbatrices que les divergences théologiques. Éric mentionne aussi le cas du concile de Constantinople, où certains prélats, supposés guider spirituellement leurs fidèles, ont affiché des comportements indignes, motivés par la soif de pouvoir ou de gain. « Cette conduite, ajoute Éric, nuit à la crédibilité de l'Église et à sa vocation spirituelle. » Toutefois, Éric rappelle que l'Église est une institution qui prône le pardon, une notion soulignée par Mgr François Bustillo. Dans une récente interview pour le JDD, l'ancien évêque d'Ajaccio déplore le manque de pardon dans notre société, critiquant une culture du dénigrement et de la dénonciation publique, tout en rappelant que l'Évangile est intrinsèquement lié au pardon. Ainsi, selon Éric, le prochain synode représente une chance exceptionnelle pour l'Église de montrer qu'elle a tiré des leçons du passé. « En mettant le dialogue et l'inclusion au premier plan, indique-t-il, le pape François et les dirigeants de l'Église peuvent non seulement répondre aux défis actuels, mais aussi restaurer l'image de leur institution. » Conscient de l'ampleur de la tâche, ce professeur émérite souligne que l'enjeu—une Église plus cohérente et pertinente—mérite l'effort. « (À travers l'histoire, précise Éric, on observe que le synode n'est pas seulement un forum théologique ; il reflète également les défis sociaux et politiques de son époque.) » Enfin, au-delà des questions strictement ecclésiastiques, les synodes servent aussi de plateforme pour aborder des enjeux sociaux plus globaux. À titre d'exemple, l'encyclique "Populorum Progressio" de Paul VI, qui plaide pour une répartition plus équitable des ressources, illustre comment les sujets de justice sociale peuvent trouver leur place dans le cadre synodal.
Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.