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Billet de blog 24 novembre 2023

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Le arah des lycéens défavorisés contre Gabriel Attal

A la suite des incidents survenus lors des hommages rendus aux professeurs Dominique Bernard et Samuel Paty, 605 sanctions disciplinaires ont été prononcées par Gabriel attal, dont 85 exclusions définitives d'établissement scolaire. Ces sanctions s'ajoutent également à 322 exclusions temporaires, et des discriminations sociales que le ministre oublie souvent.

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Une révolte silencieuse 

Dans les corridors de l'éducation nationale française, une tendance inquiétante se dessine : l'augmentation des exclusions de jeunes lycéens, principalement issus de milieux défavorisés. Selon le ministère de l'Éducation Nationale (MEN), en 2020, environ 15% des exclusions définitives concernaient des élèves issus de l'éducation prioritaire, zones désignées REP (Réseau d'Éducation Prioritaire) et REP+ . Derrière chaque chiffre d'exclusion, il y a un destin individuel, souvent marqué par des inégalités criantes. La perspective d'une exclusion scolaire soulève donc des préoccupations sur la manière dont la société française aborde la question de l'inclusion des communautés défavorisées souvent issues de l’immigration sur une ou trois générations. Selon l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), environ 14% des élèves en France en 2018 étaient issus de l'immigration, un léger accroissement par rapport aux 13% en 2009. Dans ce paysage, presque la moitié de ces jeunes issus de l'immigration viennent de milieux défavorisés, un taux bien supérieur à la moyenne de trois sur huit observée dans les pays de l'OCDE. Parmi eux, certains brillent contre toute attente. Environ 13% de ces élèves immigrés en France se distinguent par un score en compréhension de l’écrit dans PISA qui les classe parmi le premier quart des performances des élèves français, bien que la moyenne de l'OCDE soit de 17%. Cette réalité contrastée rappelle les propos du sociologue Michel Wieviorka. Il y a quelques années, il expliquait dans un article que les succès individuels exceptionnels ne doivent pas masquer les défis systémiques auxquels sont confrontés ces élèves issus des quartiers défavorisés où les incidents lors des commémorations en mémoire du professeur de français tué à Arras étaient plus fréquents. Parmi les 500 incidents notifiés durant la minute de silence observée dans les établissements, une grande majorité d’entre eux se sont déroulés dans des quartiers . La volonté d’Attal de mettre en place des mesures pour respecter la mémoire des victimes et maintenir l'autorité à l'école, n’est donc qu’un voile, niant des réalités socio-économiques discriminantes, déjà niées lorsque Gabriel Attal a demandé l’interdiction de L’Abaya fortement critiquée par L'Ong Amnesty. 

L'Impasse Éducative des Lycées en quartier sensible

Dans les lycées situés dans des quartiers défavorisés, la réalité éducative des jeunes issus de milieux pauvres est souvent marquée par des défis multiples. Une enseignante de Sevran, travaillant dans un établissement proche de la cité des Beaudottes, déclare : « Nous faisons face à des élèves constamment dégoutés par l'école, désillusionnés par un système qui semble les prédestiner nos élèves à devenir des restaurateurs, des coursiers ou des dealers ». En effet, selon une étude de l'INSEE, environ 30% des lycéens de quartiers ne poursuivent pas d'études supérieures, souvent orientés vers des filières professionnelles moins valorisées. Comme l'explique une mère d'un élève exclu de son établissement pour ne pas avoir participé aux cérémonies d’hommage à Dominique Bernard, « leur orientation vers un bac pro ne répond pas toujours aux aspirations des jeunes, ce qui impacte négativement leur motivation et estime de soi ». Le manque de ressources et de soutien se manifeste également dans des infrastructures inadéquates, comme l'indique un rapport du Conseil National d'Évaluation du Système Scolaire (CNESCO), qui souligne que 40% des lycées en REP manquent d'équipements de base. Aniss*, un lycéen de Sevran avec une moyenne de 17/20, illustre cette problématique. Malgré ses performances académiques et son goût immodéré pour les maths, sa conseillère d'orientation l'incite en troisième à suivre une filière professionnelle, qu’il a rejoint en se tournant vers un diplôme d’électricien. « Aujourd’hui, clame le jeune homme, mes aptitudes scientifiques et ma rigueur me permettent de comprendre facilement le fonctionnement d’un circuit électrique, ou de faire des plans. Mais le fait d’être un gamin des Beaudottes m’a vraiment freiné, lorsque j’ai voulu faire un lycée où l’on m’apprendrait à faire des équations plus complexes. » Une tendance confirmée par les données du ministère de l’Éducation Nationale (MEN), qui montrent que 60% des élèves de quartiers défavorisés sont orientés vers des filières professionnelles contre seulement 25% dans les autres quartiers. Cette réalité est exacerbée par un manque de représentation positive et de modèles de réussite pour ces jeunes ayant refusé de commémorer la mort de Dominique Bernard. Comme le note un professeur engagé, « Le fait qu’ils refusent de commémorer la mort de Samuel Paty ou de Dominique Bernard illustre plus un abandon éducatif qu’une réelle radicalité dans leurs idées. » En somme, la situation éducative des lycéens récemment exclus de leurs établissements révèle des inégalités structurelles profondes, où l'orientation scolaire, le manque de soutien et de ressources, ainsi que les préjugés institutionnels, limitent leurs opportunités et altèrent leur perception de l'avenir. 

Le Grand Fossé des Lycées Français

La situation éducative dans les lycées où des élèves ont été exclus est caractérisée par des disparités alarmantes. Selon un rapport de l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), seulement 58% des enseignants dans les lycées situés dans des zones défavorisées possèdent une certification ou un agrégat, comparativement à 87% dans les lycées de zones plus aisées. Cette différence significative dans la qualification des enseignants est un indicateur clé des inégalités en matière d'éducation. Le Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves (PISA) de l'OCDE met également en évidence une corrélation forte entre le statut socio-économique et les performances scolaires en France. En effet, le Rapport PISA de l’année 2019 montre une différence de 107 points entre les élèves de milieux favorisés et ceux de milieux défavorisés, un écart bien supérieur à la moyenne de l'OCDE fixée à 89 points. Cette disparité classe la France parmi les pays de l'OCDE où l'écart de performance scolaire lié au milieu socio-économique est le plus prononcé.

" Le système éducatif français doit reconnaître et répondre aux défis uniques que rencontrent ces élèves, y compris le manque de modèles de réussite et de soutien dans leur environnement immédiat »

Les aspirations éducatives et professionnelles des élèves issus de milieux défavorisés sont souvent inférieures, malgré leurs bons résultats scolaires. Selon l'OCDE, parmi les élèves français performants dans les tests PISA, 20% ne prévoient pas de faire des études supérieures s'ils viennent d'un milieu défavorisé, contre une proportion nettement plus faible chez ceux issus de milieux favorisés. Ceci suggère un manque de confiance ou de perspectives chez ces élèves, malgré leur potentiel académique.  Comme l'indique l'éducateur et chercheur François Dubet, « le système éducatif français doit reconnaître et répondre aux défis uniques que rencontrent ces élèves, y compris le manque de modèles de réussite et de soutien dans leur environnement immédiat ». Dans les quartiers sensibles, où les élèves pauvres et turbulents sont cloitrés ensemble, la situation est exacerbée par des facteurs tels que la taille des classes, l'accès limité aux ressources pédagogiques et le manque de soutien spécialisé. Des études montrent que les classes dans les zones défavorisées ont tendance à être plus grandes, ce qui réduit la capacité des enseignants à fournir une attention individualisée.  Enfin, ces évènements de commémoration, liés à des statistiques et d'opinions, racontent un pays en pleine introspection, cherchant à naviguer dans les eaux parfois tumultueuses de la laïcité, de la liberté religieuse et de l'identité nationale.

Boite Noire 

*Notez que le nom "Aniss" a été utilisé de manière générique pour protéger l'identité de l'individu réel.

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