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Billet de blog 28 septembre 2023

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En soutenant le MoJo, les médias continuent de stigmatiser les handicapés

Au cœur de la mutation technologique, le MoJo (Mobile Journalism), profite de l'émergence du multimédia et des baisses de budget dans des rédactions. Ainsi, ces nouveaux reporters d’image, également aptes à écrire, dessinent les contours d'une pratique journalistique totalement inadaptée aux handicapés ayant des troubles praxiques.

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Illustration 1

La mort des JRI à petit feu

Avec l’avènement du numérique et des réseaux sociaux, le caméraman est devenu l'icône des reporters, œuvrant pour des plateformes telles que Livre Noir et Blast ou des chaînes Tiktok et Instagram moins connues du grand public. Sa caméra capture l'évènement, qu'il soit local dans un petit village où une antenne de France 3 se rend pour couvrir l’ouverture d’un magasin, ou national lorsqu’une personnalité politique se déplace, exigeant une précision chirurgicale dans le métier de JRI. Face à un monde médiatique en perpétuelle mutation, l'adaptabilité est de mise. Si autrefois ces professionnels travaillaient en binôme, les contraintes actuelles les amènent souvent à travailler seuls, équipés d'un simple smartphone. La technologie a bouleversé la donne, modifiant l'interaction avec l'audience et la manière de concevoir les reportages. Yves*, formateur à l’IJBA, une école de journalisme bordelaise, insiste : « Chez nous, théorie et pratique sont indissociables. » Il ajoute : « Notre équipe de professeurs décrypte le paysage médiatique français, évoluant constamment, de Youtube à l'audiovisuel, en incluant les spécificités de médias comme Loopsider. » Dans cette nouvelle ère du journalisme, l'équilibre entre innovation technologique et éthique journalistique est plus crucial que jamais.

Un système ultra-concurrentiel et inadapté aux troubles praxiques

Depuis quelques années, les mobile journalistes, ou "mojos", apportent une révolution technologique, car ils créent du contenu uniquement avec leurs smartphones. Cette flexibilité attire de nombreux jeunes désireux de briser les barrières traditionnelles. Pourtant, malgré ces avancées, des défis majeurs persistent. La dyspraxie, par exemple, est un trouble qui affecte la coordination motrice. Pour un Mojo dyspraxique, cela peut rendre difficile l'utilisation d'un smartphone et surtout d’une caméra pour filmer. Les personnes malvoyantes, quant à elles, peuvent rencontrer des difficultés avec les écrans tactiles, tandis que les personnes autistes hypersensibles peuvent être submergées par les sollicitations constantes inhérentes au journalisme mobile. « Dans un monde idéal, les rédactions reconnaîtraient la valeur unique de chaque journaliste, quelles que soient ses capacités », déclare Anne-Marie*  avocate en droit du travail et spécialiste du statut professionnel des journalistes, qu’ils soient pigistes ou en CDI.” La réalité est différente. Les stéréotypes, les préjugés et la méconnaissance des handicaps conduisent souvent les recruteurs des rédactions à des jugements hâtifs et simplistes. » De plus, Anne-Marie souligne que ces initiatives visant à former et soutenir les journalistes dyspraxiques, malvoyants ou autistes hypersensibles sont encore rares. C'est un enjeu crucial pour l'avenir du journalisme : diversifier les voix et les perspectives enrichit le discours médiatique. Anne-Marie ajoute : « Le paysage médiatique, notamment dans les métiers de la télévision et des rédactions publiant majoritairement des vidéos, comme Backseat doivent évoluer pour accueillir ces talents diversifiés, car leur expérience unique peut offrir une profondeur et une nuance inestimables. » Ainsi, le secteur journalistique doit être conscient des défis auxquels sont confrontés ces reporters, mais aussi reconnaître leur potentiel considérable et agir en conséquence.

Des mauvaises praxies avec les smartphones et les caméras 

Le monde du journalisme, déjà ultra compétitif, présente des défis accrus pour les journalistes présentant des handicaps visuels, moteurs ou cognitifs. En effet, le boom du Mojo exige de ses professionnels de plus en plus d'autonomie et d'aptitudes pour filmer, photographier, et enregistrer, souvent en utilisant simplement un smartphone. Cependant, pour ceux qui sont malvoyants autistes, hypersensibles ou dyspraxiques, manier ces dispositifs relève du défi. La plupart des rédactions, ancrées dans des pratiques traditionnelles, ne sont pas sensibilisées aux défis que peuvent rencontrer ces journalistes. L'adoption de nouvelles technologies et techniques journalistiques pose un problème, notamment dans la formation. Le témoignage d'un instructeur de Jaris, une institution spécialisée, est éloquent : « Dans les métiers du journalisme et de la vidéo, un apprentissage réel se fait par la pratique, mais comment permettre à ces étudiants de pratiquer efficacement, à l’heure où le journalisme et l’information des spectateurs passe beaucoup par des vidéos sur Brut, Tiktok, Youtube et Insta ? ». Les obstacles ne s'arrêtent pas à la salle de classe. Même après la formation, l'industrie des médias n'est pas entièrement équipée pour intégrer ces talents diversifiés. Virginie, ergothérapeute parisienne, souligne la complexité de la situation. « Les méthodes d'adaptation à un environnement journalistique se construisant surtout sur les réseaux sociaux sont complexes à comprendre pour une personne ayant des troubles praxiques, d'autant plus quand il s'agit de combiner défis et atouts dans un monde médiatique en constante évolution. » Ainsi, elle en conclue, qu’il est impératif de repenser l'intégration et la formation pour ces journalistes, pour les orienter vers les métiers du son et de l’écriture ou plus de tâches sont automatisées. Après tout, la diversité des perspectives enrichit incontestablement le paysage médiatique. Le défi est de taille, mais la richesse qu'il promet en retour pour le journalisme est immense.

A day in the life of a mojo-only TV newsroom © Journalism.co.uk

Comment adapter les métiers de la vidéo aux handicaps praxiques? 

© Abhishek Anand

Depuis l’arrivée des nouvelles technologies de l’informatique et de la communication, le monde du journalisme est en constante évolution. Les nouveaux outils comme les smartphones, constamment bouleversé par la sortie de micros et autres gadgets de plus en plus petits et simples à utiliser révolutionnent la façon dont les informations sont capturées et partagées à la télévision et sur les réseaux sociaux. Cependant, pour des personnes dyspraxiques, hypersensibles, ou d’autres handicaps bouleversant totalement leurs fonctionnements moteurs et praxiques, l'adoption de ces outils n'est pas toujours évidente. L’autisme lorsqu’il se manifeste par hyper-réactivité tactile, la dyspraxie visuo-spatiale, trouble qui affecte la coordination motrice, et l'hypersensibilité, particulièrement à la lumière, peut poser des problèmes majeurs dans l'utilisation des outils visuels tels que les caméras et les logiciels de montage. En tant qu’ergothérapeute, Virginie se permet de mettre en lumière un aspect souvent négligé : « Bien que ces individus puissent avoir des défis dans certains domaines, ils possèdent des talents uniques qui peuvent être d'une immense valeur pour le journalisme. Leur sensibilité accrue, leur mémoire exceptionnelle et leurs compétences rédactionnelles sont des atouts indéniables. Le défi réside en grande partie dans la perception. »  En effet, dans une industrie où l'image est reine, les personnes ayant une perception spatiale altérée peuvent se sentir en décalage. Yves évoque la complexité de la dissociation entre l'approche afférente, basée sur la réception et l'interprétation des images, et l'approche efférente, qui concerne la production d'images. « Les subtilités, clame-il, comme distinguer une image nette d'une image floue ou comprendre les nuances d'une vidéo, peuvent être un véritable casse-tête pour ces journalistes. » Pourtant, Yves reste optimiste. Il insiste sur l'importance de la communication et de l'éducation dans le milieu journalistique. Il est crucial de former les équipes, d'ajuster les méthodes de recrutement, et de mettre en place des processus adaptés pour que ces talents puissent s'épanouir. « Après tout, la diversité des voix et des perspectives n'enrichit-elle pas le discours médiatique ? Le secteur a tout à gagner à intégrer ces voix singulières, à condition d'être prêt à adapter ses méthodes et à reconnaître la valeur de chaque individu. »

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