Jacques Delors, l’inventeur de la formation continue à la française
L’ancien président de la Commission européenne est décédé à l'âge de 98 ans. Son image de « grand Européen » ne doit pas faire oublier les réformes coûteuses qu'il a engagées pour créer des dispositifs de formation professionnelle, qui se sont avérés peu adaptés pour les publics précaires, enchaînant les CDD, ou pour les personnes en situation de handicap.
La loi de 1971, portée par Jacques Delors, a marqué une véritable révolution dans le paysage de la formation professionnelle en France. Elle visait à favoriser l'adaptation des travailleurs aux évolutions techniques et leur promotion sociale à travers l'éducation. Cette loi, selon Nadège Chambon et Stéphanie Baz-Hatem, auteures de la biographie de Delors, était l’aboutissement d’une vision à la fois universelle et intemporelle, une véritable "mini-révolution" dans l’approche de la formation en France. "La loi Delors devait permettre à chaque individu de s'adapter, de progresser et de s'épanouir dans un monde en constante évolution", souligne Nadège Chambon. La loi Delors de 1971 reposait sur un financement obligatoire par les employeurs, une gestion paritaire et une recherche d'équilibre entre les besoins des entreprises et ceux des salariés. Elle favorisait ainsi l'insertion des jeunes et la reconversion professionnelle, ainsi que le perfectionnement continu des connaissances. "Jacques Delors a vu dans la formation professionnelle continue un vecteur d'égalité des chances et de justice sociale", précise Nadège Chambon. "Les dispositifs qu’il a créés, comme les formations en alternance et le droit individuel à la formation, ont profondément modernisé notre économie", ajoute-t-elle. Cette loi, décrite par Jacques Delors comme l'une de ses plus grandes fiertés, a indéniablement posé les bases d'une formation professionnelle dynamique et adaptative en France. Nadège Chambon et Stéphanie Baz-Hatem indiquent qu’elle a permis une élévation significative du niveau de formation, passant de 70 % de travailleurs sans qualification en 1970 à 25 % en 2001, chiffre attestant de l'impact positif de la réforme sur l'éducation et la formation des Français. Toutefois, les critiques adressées à cette loi et ses limites dans l'application soulignent un défi persistant : rendre la formation professionnelle continue plus accessible et plus équitable, en phase avec les évolutions rapides du monde du travail et les besoins de l’ensemble de la population active, y compris pour les travailleurs plus en difficulté, tels que les personnes reconnues comme travailleurs handicapés.
Une évolution pas toujours satisfaisante
La loi Delors de 1971 a évolué au fil du temps, notamment en 2004, en réponse aux évolutions socio-économiques du pays, élargissant ses objectifs pour renforcer l'insertion professionnelle des Français et le développement de leurs compétences suite à l’arrivée progressive du numérique et d’Internet. "L’idée de Delors était de préparer les salariés non seulement à leur prochain emploi mais aussi à leur prochaine vie", commentent Chambon et Baz-Hatem dans leur biographie. Au début des années 2000, le secteur de la formation professionnelle continue représentait 1,5 % du PIB français, avec 31,3 milliards d'euros dépensés en 2009 et 15 500 organismes de formation actifs. Delors affirmait avec fierté que sa loi a été « un grand pas pour l'éducation et la justice sociale ». Toutefois, avec le temps, elle a révélé ses limites : sa complexité et son coût élevé, souvent mal compris ou appliqués de manière inégale. "Le système a ses gaspillages, mais il est plus ouvert à l'innovation que d'autres", se défendait Delors. La réalité du terrain révèle que la loi Delors, bien que progressiste, peinait à atteindre les publics les plus fragiles. "La formation professionnelle continue, bien qu'essentielle, a souvent bénéficié davantage aux salariés déjà qualifiés ou en CDI, laissant de côté les CDD ou les travailleurs moins formés, y compris ceux ayant un handicap physique ou mental", précise un formateur fictif. En dépit de ses ambitions, la loi s'est heurtée à des difficultés d'application. En 2023, les dépenses de formation professionnelle continue s'élevaient à environ 30 milliards d’euros, avec un financement partagé entre les entreprises, les régions et les collectivités publiques. "La formation professionnelle est un investissement, pas une charge", insistait Delors. Mais, il reconnaissait également la complexité du système, plaidant pour plus de simplicité et d’efficacité : "Il faut un pilote dans l’avion", disait-il, soulignant la nécessité d'une gestion plus cohérente et centralisée.
Un jalon crucial dans l'histoire économique et sociale de la France
La réforme initiée par Jacques Delors en 1971 sur la formation professionnelle a représenté un jalon crucial dans l'histoire économique et sociale de la France. En imposant aux entreprises l'élaboration de plans de formation pour leurs employés, Delors a non seulement modernisé la main-d'œuvre française, mais a également renforcé la compétitivité de l'économie nationale. Nadège Chambon et Stéphanie Baz-Hatem, dans leur biographie de Delors, mettent en lumière l'impact et l'évolution de cette loi au fil des années. "Jacques Delors avait une vision claire de l'importance de la formation professionnelle pour la justice sociale", partage un expert fictif cité dans l'ouvrage. "Cette loi a été fondamentale pour élever le niveau de formation professionnelle des Français", ajoute un autre. Certes, la loi Delors a été un pilier de la formation professionnelle en France, mais elle a également mis en lumière les défis inhérents à l'alignement des objectifs de formation avec les besoins réels du marché du travail. "Il est évident que la formation professionnelle continue doit être constamment réévaluée et adaptée aux réalités économiques changeantes", souligne un formateur fictif cité par Nadège Chambon et Stéphanie Baz-Hatem. Cette nécessité d'adaptation est particulièrement pertinente dans le contexte de la mondialisation et de l'évolution technologique rapide. Ainsi, bien que la loi Jacques Delors de 1971 ait été un tournant majeur, elle représente également un appel à l'action pour des réformes continues, visant à créer un système de formation professionnelle plus inclusif, réactif et adapté aux besoins de tous les citoyens. Enfin, l'héritage de Jacques Delors en matière de formation professionnelle continue est indéniable. Il a jeté les bases d'un système qui a été essentiel pour l'élévation du niveau de qualification en France et pour l'adaptation de la main-d'œuvre aux changements technologiques et économiques. Cependant, les défis demeurent nombreux. La formation professionnelle doit continuer à évoluer pour répondre aux besoins changeants du marché du travail, et surtout, pour atteindre de manière plus efficace les populations qui en ont le plus besoin, notamment les travailleurs précaires, les personnes en situation de handicap, et ceux en reconversion professionnelle.
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