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étudiant en journalisme à La Jaris féru d'économie politique, futur stagaire au service économie de La Croix

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Billet de blog 30 mai 2023

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Un Léviathan à l'Elysée

Le chef de l'Etat inspire à incarner un pouvoir absolu, rappelant celui qu'Hobbes souhaite donner aux souverains dans son célèbre essai Le Leviathan, pour assurer la sécurité des français. Les évènements d'une extrême violence s'étant déroulé la semaine dernière et la montée de l'extrême droite l'auraient incité à changer de stratégie.

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Illustration 1

La haine se développe 

La semaine dernière, trois policiers sont morts à Roubaix, percutés par un chauffard en excès de vitesse roulant à contresens. À Reims, une infirmière est assassinée par un patient suivi pour des troubles psychiatriques. Le domicile d'un maire à Saint-Brevin est délibérément incendié par des militants d'extrême droite, tandis que les règlements de comptes sanglants se multiplient à Marseille. Ces événements récents laissent entendre que le vivre-ensemble des Français est remis en question. Cette contradiction trouve ses sources dans divers facteurs, tels que la résistance à toute assimilation à la française de la part des Français issus de la diversité, la montée en violence de groupes d'extrême droite tels que Les Zouaves, et les violences perpétrées par des militants d'extrême gauche lors des manifestations à Saint-Brévin. Dans une France où la violence et l'insécurité s'implantent lentement mais sûrement, une citation de Plaute résume de manière frappante la situation actuelle : « Tous ont un droit égal sur tout... l'homme est un loup pour l'homme » (La Comédie des Ânes, poète comique latin, 254-184). Les gouvernements libéraux, qu'ils soient de gauche ou de droite, semblent progressivement éliminer ce à quoi chaque citoyen devrait avoir droit dans un État doté d'un bon service public : une éducation de qualité identique, que l'on soit à Henri IV ou en Seine-Saint-Denis, et une sécurité équivalente à Neuilly et à Sevran. Malheureusement, les récentes chroniques de Mediapart témoignent de l'essor des haines ordinaires et des violences racistes.

© claude askolovitch

Or, d’après l'ouvrage majeur de Thomas Hobbes, Le Léviathan, nous pouvons comprendre que la concorde découle d'un pouvoir confié à une assemblée issue d'un contrat. Selon ses mots, chaque individu déclare : "J'autorise cet homme ou cette assemblée et lui abandonne mon droit de me gouverner moi-même à condition que tu lui abandonnes ton droit. Les motivations qui poussent les êtres humains vers la paix sont la peur de la mort et le désir des nécessités pour une existence confortable." En déclarant n'avoir "aucun scrupule" lors de son passage en force pour la réforme des retraites, Emmanuel Macron a ainsi lancé la France dans une lutte contre la "décivilisation", selon ses propos tenus en conseil des ministres le 24 mai, où la violence entre les citoyens atteint un niveau sans précédent. Bien que le président et son ministre de l'Intérieur considèrent que seules les formes de violence et d'anarchie proviennent de la société, aucune mention n'est faite de la violence d'en haut, résultant de leurs propres politiques autoritaires et choix économiques. Le déni de démocratie de Yael Braun Pivet et Stéphane Séjourné, qualifié récemment de "Dingue" par la secrétaire nationale des Jeunes Socialistes Emma Rafowicz, en est un exemple flagrant. 

© Sean B

La peur est au cœur de l' existence des français et de la construction de leur État

Emmanuel Macron, fin connaisseur des grands penseurs qui ont marqué l'histoire de la philosophie politique, semble se concentrer uniquement sur un aspect de la pensée de Hobbes : la notion de l'État. Tel un souverain, symbolisé par la figure du Léviathan par Thomas Hobbes, Emmanuel Macron aspire à incarner un pouvoir absolu et à assurer la sécurité de tous. Il crée un climat de paix et de coopération en menaçant de sanctions, semblables à celles que les policiers de la brav-m appliquent aux manifestants. Ainsi, selon le président, la peur, loin d'être une faiblesse, est le moteur fondamental de la société française qu'il idéalise. Cette "vision Hobbso-macroniste" de l'État et de la politique met en évidence l'importance cruciale de l'État dans notre société. Alors que les manifestations se multiplient et que des citoyens ordinaires ainsi que des journalistes, qui réalisent un véritable travail d'investigation,sont violemment réprimés par une police de plus en plus violente, le gouvernement français souligne le rôle essentiel de la peur et de la sécurité dans l'établissement d'un ordre social viable. Cependant, il est important de ne pas négliger les questions éthiques et politiques soulevées par cette conception du pouvoir absolu et de la soumission présentée par Hobbes dans Le Léviathan, et défendue par Macron

© natacha

Les citoyens français ne sont que des usufruitiers du seul propriétaire : le Souverain Macron

Dans son ouvrage Le Léviathan, Hobbes démontre l'absurdité de penser que les individus peuvent juger par eux-mêmes ce qui leur est permis ou non, non pas par la loi, mais par leur propre conscience, c'est-à-dire leur jugement personnel. En s'appuyant sur ce même principe, Emmanuel Macron revendique sans scrupule le fait de permettre à sa police de réprimer les Français, ainsi qu'à son groupe politique d'entraver toute initiative parlementaire allant à l'encontre des projets du gouvernement d'Elisabeth Borne. En cherchant à incarner un pouvoir auquel aucune révolte ne serait possible, puisque chaque citoyen français serait lié à lui par un contrat républicain, le Léviathan Macron ne serait rien d'autre qu'une création artificielle dont la destinée est d'assurer la protection et la défense des Français.

Malgré les actions contestables du président, la révolte sociale et la fronde demeurent, pour lui comme pour Hobbes, pires que ce mal. "La richesse d'un pays a pour fondement l'obéissance et la concorde des sujets", affirmait Hobbes, tout en soutenant le caractère absolu du pouvoir. Cependant, le philosophe anglais éminent de la fin du XVIIe siècle soulignait que le régime politique ne peut être arbitraire, car le gouvernement doit toujours se conformer aux lois, ni despotique, car le salut du peuple est l'objectif suprême. Hobbes développe ainsi deux notions novatrices : le droit d'avoir peur, fondement de la civilisation bourgeoise, et le pouvoir heuristique de la peur qui favorise l'action rationnelle. Cette peur naturelle de perdre sa vie conduit à un accord politique. Hobbes se décrit lui-même comme craintif : "La crainte et moi sommes deux jumeaux", une allusion à sa naissance prématurée causée par l'effroi de sa mère à l'approche de l'Invincible Armada, l'immense flotte espagnole. La clairvoyance de Hobbes s'applique parfaitement au précipice vertigineux de la Cinquième République, un régime semi-présidentiel où la volonté des Français est confisquée par le pouvoir d'un seul homme nommé Emmanuel Macron. Comme l'a récemment expliqué le fondateur de Mediapart, Edwy Plenel, dès 2016, le chef de l'exécutif a rapidement exprimé sa volonté de réhabiliter "la figure du roi" en restaurant "un peu plus de verticalité" dans l'exercice du pouvoir, c'est-à-dire moins de précautions démocratiques et de souci délibératif.

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