
Entre marges et centres : où situer le megrétisme ?
C'est en 1982 que Bruno Mégret, tel un audacieux visionnaire, fonda sa propre entreprise politique, baptisée les Comités d'action républicaine (CAR). Telle une brèche au sein de l'échiquier politique, cette entité lui permit de s'ériger en juste milieu entre la droite parlementaire et l'extrême droite, déployant ses efforts acharnés dans une lutte résolue contre l'invasion migratoire. Mégret et ses fidèles compagnons, empruntant les mots "combat" et "hégémonie culturelle", s'employaient à dénoncer sans relâche le matérialisme marxiste qui animait les communistes. Un éminent érudit en matière de théorie politique, enseignant vénéré au sein des murs de l'illustre Université Paris-IV, se montra fort éclairant lorsqu'il aborda ce sujet brûlant. « Durant la Grèce antique », précisa-t-il de sa voix posée, le terme d'hégémonie se référait à la cité qui dominait ses semblables. Quant aux relations internationales, ce vocable renvoie aux États qui s'imposent avec vigueur, que ce soit par la force militaire ou par la suprématie économique ».
Le parti néo-mégretiste de Marine Le Pen et Jordan Bardella, s'efforce d'édifier depuis le début du Campus Héméra une nouvelle force politique influencée par l'idée gramscienne d'hégémonie culturelle. Conscients du pouvoir socialisateur des journaux tels que Valeurs Actuelles ou Cnews, et ébranlés par les tourments de la contestation sociale, les représentants du RN auraient trouvé, dans l'hégémonie culturelle et la lutte contre les mœurs des individus issus de la diversité, leur nouvelle stratégie. Un intime de Marine Le Pen, qui chérit depuis deux décennies les écrits intemporels de Gramsci, témoigne : "Partant du postulat selon lequel 'tous les individus sont des philosophes, le groupe néo-gramscien du RN, dont je suis fervent adepte, manifeste une volonté inébranlable de tisser une alliance entre 'ceux qui savent, tels que Mathieu Bock-Côté ou Jérôme Sainte-Marie, et ceux qui ressentent ainsi que l'incarnent les représentations les plus répandues, à savoir les artisans ralliés à notre noble cause depuis les années Poujade, et l'ensemble des délaissés, éreintés par le dur labeur et contraints de ployer sous le fardeau des subsides destinés aux assistés sociaux." Ainsi, nous pouvons comprendre que le RN néo-mégrétiste s'efforce de se positionner tel un parti dévoué à la défense des intérêts des classes populaires, prêt à prodiguer des remèdes aux maux sociaux et économiques qui les assaillent. Cette stratégie vise à élargir l'assise électorale du parti et à l'ouvrir aux aspirations d'un électorat populaire, désireux d'écouter sa voix.
Le megrétisme face aux défis du pouvoir
Sous l'influence de Bruno Mégret, le Front national s’était détourné du libéralisme économique autrefois défendu par Le Pen durant les années 1980. Depuis lors, le parti embrasse systématiquement une posture de rejet envers le libre-échange, perçu comme le pendant économique de l'abominable cosmopolitisme. Le programme du parti pour l'élection présidentielle de 2022 met en exergue des problématiques telles que l'essor des services publics, le pouvoir d'achat et la redistribution, afin de répondre aux préoccupations des couches sociales touchées par la crise économique et l’affreux fléau du chômage. Cette nouvelle forme de mégretisme, radicalement antilibérale en tous points, permet au RN de s'adresser aux ouvriers qui, désormais, se délectent dans l'abstention ou se tournent vers l'idée de "priorité nationale" ardemment défendue par le parti. À tel point qu'une étude sociologique intitulée "Que Veulent les Français", menée par le chercheur Antoine Biristelle, démontre que le projet mégretiste de lutte contre le chômage est devenu le principal allié de Marine Le Pen. Cette corrélation trouve son explication dans la méfiance grandissante des Français envers les partis de gouvernement qui, en dépit de leurs multiples promesses, se sont avérés incapables de résoudre de manière efficace la question brûlante du chômage. L'évolution mégretiste du Rassemblement national vers un programme social et économique, avec Marine Le Pen à sa tête, a permis d'attirer de nouveaux électeurs. Ces derniers, à l'opposé des électeurs traditionnels du parti, ont grandi dans un climat où les problématiques liées à l'immigration et à l'insécurité ont toujours prévalu sur l'échiquier politique. Dans cette France en proie à ces enjeux brûlants, le FN/RN est devenu un protagoniste incontournable de la scène politique.
Le megrétisme et la notion xénophobe d’identité
La notion d'identité, teintée d'une xénophobie insidieuse, s'ancre profondément dans le corpus idéologique du parti. Néanmoins, la singularité doctrinale du Front national persiste, se manifestant notamment à travers des préoccupations sécuritaires, une hostilité envers les immigrants et une attitude rigide envers les plus vulnérables, sans oublier une vision morale étriquée et répressive. La pensée xénophobe du parti frontiste puise ses racines dans les idées du Maréchal Philippe Pétain, tout en résonnant avec les thèses avancées par la Nouvelle Droite dès les années 1970. Elle trouve également un écho dans les écrits de Huntington, pour qui les oppositions civilisationnelles ont désormais pris le pas sur les oppositions idéologiques de la guerre froide.
Le professeur de théorie politique que nous avons eu l'occasion d'interroger s'est montré d'une précision remarquable sur ce point. "Avec l'émergence de l'islamisme en France, le RN surfe sur les thèses avancées par Huntington en 1996 dans son ouvrage Le Choc des Civilisations. Lorsqu'ils plaident en faveur de l'interdiction du voile en France, ou que Grégoire De Fournas profère des propos racistes à l'Assemblée Nationale, les cadres du RN révèlent leur obsession pour un prétendu 'affrontement entre le libéralisme et l'islamisme" Toutefois, le maître de conférences tient à souligner que toutes les études sociologiques sur la question démontrent que l'immigration et l'islam ne relèvent pas d'un "choc des civilisations", tel que préconisé par Samuel Huntington en 1996, mais plutôt de l'émergence d'un ennemi mal défini et d'un débat idéologique plutôt flou, dans le contexte d'une "guerre mondiale contre la terreur" initiée par les États-Unis en 2001.
Aujourd'hui, cette lutte engagée contre les personnes de confession musulmane se poursuit en France à travers le duo Le Pen-Zemmour et tous les gouvernements racistes qui gagnent en popularité au fil des élections." Une fois de plus, cela démontre que le "différencialisme culturel" défendu par Bruno Mégret n'est nullement incompatible avec les idées racialistes du RN, alimentant progressivement l'obsession de la pureté génétique des peuples et de l'inégalité des races dans la pensée mégretiste.