Si l’on en croit les sondages, un certain nombre de nos compatriotes s’apprêtent à glisser dans l’urne un bulletin aux couleurs bleu marine.
Je me suis donc posé la question de savoir si ses propositions étaient économiquement tenables et donc si MLP était crédible dans cette matière quelque peu essentielle compte tenu de l’état affiché de la France.
Sur la forme, rien à dire, elle a fait un réel effort pour crédibiliser son programme économique. Suffit pour cela de se plonger dans son programme sur le site du FN : des tableaux à profusion, indiquant le montant de la plus petite des mesurettes que le parti envisage d’appliquer une fois parvenu, peut-être, au pouvoir.
Sur le fond, par contre, il semblerait qu’il y ait souci.
Petit aperçu des mesures phares, et de leur impact économique :
- la sortie de l’Euro et le retour au Franc : la proposition est le retour au franc et la restitution à la Banque de France de ses prérogatives dans le domaine de la création monétaire, dans le but de financer la dette.
Impact économique : en retrouvant sa souveraineté monétaire la France pourrait alors dévaluer sa monnaie d’environ 20% par rapport au roi dollar. Ca boosterait les exportations françaises, et donc la croissance. Parfait en somme.
Le bémol à cette idée géniale, c’est le prix à payer. La dette publique, qui elle resterait libellée en euros va s’envoler du jour au lendemain, de manière mécanique, tant et si bien que la France rejoindrait le Grèce et se trouverait dans une situation comparable à cette dernière. Les investisseurs ne nous prêtent plus rien, les taux d’intérêt vont flamber, et il faudrait alors augmenter les impôts pour faire face à nos échéances.
Nous sombrons alors dans le cercle infernal de la dépression. La Banque de France fait fonctionner la planche à billets et injecte de manière massive de la monnaie, ce qui accélère la baisse du franc, alourdit la dette, augmente nos échéances, et nous oblige donc à créer encore plus de monnaie.
L’autre effet serait de faire supporter aux français une valse des étiquettes, toute dévaluation conduisant inexorablement à une augmentation des biens et services importés, de l’ordre de 30% dans le schéma de nos amis du FN. Pour donner un exemple, le litre de sans-plomb passerait au-dessus de 2 euros.
Et pour couronner le tout, la sortie de l’euro plongerait les épargnants, tous les épargnants, dans la panique, précipitant ces derniers à retirer leurs avoirs convertis en franc avant que leur valeur ne s’effondre, plongeant ainsi le pays dans une crise financière sévère. Pour éviter une faillite complète du système, le gouvernement serait obligé de nationaliser les banques. Avec quels fonds ?
- Surtaxer les grands groupes : l’idée est d’effectuer une grande réforme fiscale de manière à fusionner l’impôt sur le revenu et la taxe d’habitation, et de créer un impôt unique sur le patrimoine regroupant l’actuel ISF et la taxe foncière. Il souhaite aussi affecter 15% des bénéfices des grands groupes à un fonds de réserve spécial.
Impact économique : Le FN se serait-il gauchisé ? Si MLP accède au pouvoir, elle va se heurter à la même problématique que notre président actuel, à savoir l’inapplicabilité de sa réforme pour cause de bouleversements trop importants. On oublie donc la réforme fiscale pour les particuliers !
Pour les grands groupes, MLP, à l’instar de JL MELENCHON, propose d’augmenter leurs prélèvements, son programme mentionnant 37,5 milliards de hausse sur 5 ans, somme considérable.
Pour arriver à cela, elle veut limiter les possibilités d’exonérations et contrôler de manière plus efficace les transactions pratiquées entre filiales et maison-mère, technique permettant actuellement de localiser le profit dans le pays ayant la pression fiscale la plus faible. C’est la technique Google et Amazon notamment. Et bien d’autres, français compris !
Le seul problème, c’est que nulle part il n’est fait mention des moyens permettant de parvenir à ces résultats, et encore moins de leur mise en œuvre.
C’est surtout faire fi d’une chose : la France ne peut agir seule sur une question aussi complexe et ayant autant de pays en interaction.
- La Mondialisation et le retour au protectionnisme : le FN veut créer une contribution de 3% sur la totalité des produits importés, et créer un « protectionnisme intelligent » à nos frontières. La volonté est de défendre notre industrie, louable, mais il faudrait quand même définir ce qui est entendu par « protectionnisme intelligent ».
Impact économique : cette disposition aurait l’avantage de donner un peu d’air à notre industrie « made in France », mais elle présente 2 problèmes majeurs. L’imposition des produits importés pourrait rapporter 74 milliards d’euros annuels d’après l’étude du FN, mais provoquerait une véritable levée de boucliers contre la France qui s’est par ailleurs engagée à respecter des tarifs douaniers devant l’OMC. En passant outre ; le pays prend le risque de se voir traîné devant les tribunaux, et subirait en outre des mesures de rétorsion immédiates.
Le résultat de cette mesure serait donc l’inverse de celui escompté, à savoir des entreprises françaises qui, souffrant déjà d’un problème de compétitivité, auraient encore plus de mal à écouler leurs produits dans le reste du monde.
La Taxe de 3% augmenterait également de manière mécanique le prix de tous les biens importés, déjà affectés par la dévaluation du franc. On aurait alors des entreprises confrontées à 2 solutions : répercuter la hausse sur les prix de vente, ce qui freine la consommation, ou comprimer les marges qui sont déjà très basses. Suicidaire !
Et le FN perdrait là-dessus les recettes fiscales qu’il veut gagner avec sa taxe.
Dommage… parce que cette mesure est celle escomptée pour le financement de la hausse du pouvoir d’achat !
- Coup de pouce énorme pour le pouvoir d’achat des foyers modestes : Augmentation de 200 euros mensuels nets tous les salaires inférieurs à 1300 euros, arrondi des prestations sociales et revalorisation des salaires de la fonction publique. Dans un second temps il est aussi prévu de baisser certains tarifs publics.
Impact économique : la redistribution de plus de 68 milliards d’euros à destination des français. MLP est encore plus généreuse que MELENCHON !
Bon, sur 5 ans quand même, et avec 58 milliards destinés aux bas salaires. L’intention est louable, et cette politique, digne de Keynes, aurait pour avantage de redonner un coup de fouet au pouvoir d’achat, et d’augmenter ainsi la consommation et la croissance.
La question à poser est : on paie tout ça comment ? Ou, qui paie ?
Selon le FN, les entreprises peuvent se rassurer, le financement de cette mesure serait du ressort de l’état, grâce à la fameuse taxe de 3% sur les importations. Or on vient de démontrer que cette dernière ne rapporterait pas un iota.
Pour l’instant, pas d’autre piste côté FN pour une réponse.
- la fameuse préférence nationale : elle consiste en le fait d’exclure les étrangers du marché du travail et donner ainsi la priorité aux français. Elle prévoit aussi de supprimer les aides sociales aux étrangers. Il conviendrait que le FN m’explique si par étranger ils entendent les personnes ne disposant pas de la nationalité française ou celles d’origine étrangère. Parce qu’à mon avis, en matière de coût, la différence est significative !
Impact économique : d’après le FN, cela inciterait les chômeurs étrangers en situation légale à retourner chez eux, et encouragerait les entreprises à embaucher français. J’aime beaucoup le terme encourager, personnellement j’en aurais utilisé un autre, plus péremptoire. Mais bon, politiquement correct oblige…
Pour cela il prévoit de contraindre Pôle Emploi à avantager les nationaux et à pénaliser les entreprises recourant à de la main-d’œuvre étrangère.
Outre le fait qu’une telle politique serait probablement retoquée par le Conseil Constitutionnel pour discrimination, il faut rappeler que dans de nombreux secteurs mal payés les entreprises ne peuvent pas se passer des travailleurs étrangers, les nationaux si chers à MLP refusant de postuler.
Sur le papier le FN compte sur l’augmentation de 200 euros pour les faire changer d’avis, mais comme il ne pourra pas financer sa mesure…
- Augmentation des prestations sociales : retraite à 60 ans, création d’un revenu parental à hauteur de 80% du SMIC, prestations familiales et santé augmentées, les dépenses sont prévues pour flamber de 100 milliards d’euros sur 5 ans.
Impact économique : pour financer ces folles dépenses, le FN escompte récupérer 13,5 milliards par an sur la fraude fiscale et sociale (c’est 3 fois plus qu’aujourd’hui !) et économiser 8 milliards en sabrant dans les prestations aujourd’hui versées aux étrangers.
Ca relève de l’incantation !
Pour résumer tout cela, et je n'ai relevé que quelques mesures phares du programme de MLP, il faudrait que les économistes du FN nous expliquent comment ils mettent leur mesures en oeuvre, et surtout comment ils arrivent à circonscrire l'impact de ces mesures.
Affaire à suivre !