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La tragédie qui se déroule en ce moment en Ukraine mérite toute notre mobilisation, et la population ukrainienne tout notre soutien. Elle nous rappelle qu’aucun continent n’est à l’abri de la guerre. Elle devrait aussi jeter un autre éclairage sur les dernières conclusions du GIEC, sorties ce lundi et passées quasiment inaperçues. En esquissant les contours d’un monde à +3°C, elles n’impliquent rien de moins que la perspective de la guerre en France.
Un monde à +3°C est un monde en guerre. Guerres entre États, d’abord. En juillet dernier, la tension s’accentuait entre l’Ethiopie et l’Egypte à propos du mégabarrage construit en amont du Nil. En août, l’Algérie accusait le Maroc d’être responsable des incendies ravageant une partie de la Kabylie. Or, un réchauffement de 3°C entraînera une baisse de 30% des précipitations dans le bassin méditerranéen. La totalité des forêts françaises aura alors disparu, et le pays entier sera devenu aussi inflammable que la Provence aujourd’hui. Combien faudra-t-il de temps avant que nous n’accusions l’Italie d’attiser les flammes, ou que nous ne menaçions l’Allemagne d’une intervention militaire sur son projet de barrage sur le Rhin ?
Guerres civiles, ensuite. Dans un monde à +4°C, un tiers des terres émergées sera soumis à des températures létales, forçant leurs populations à l’exil. La Banque mondiale estime que 2,5 milliards de personnes seront réfugiées climatiques à partir de 2050. On voit le racisme et la violence que provoque déjà en France le spectre brandi des quelques dizaines de milliers d’exilés syriens ou afghans. Qu’adviendra-t-il quand des millions d’Espagnols, de Marocains, de Congolais ou de Grecs tenteront de rejoindre Biarritz et Marseille ?
Plus proche encore, le pic de production de pétrole conventionnel a été atteint en 2008. Depuis, on perd chaque jour l’équivalent de 2 millions de barils et la hausse des prix du carburant semble inéluctable. Quand on se souvient que ce fut l’un des éléments déclencheurs du mouvement des Gilets jaunes (le gazole était alors à 1,55 €/L), que pense-t-on qu’il se passera quand le litre d’essence coûtera 3 € à la pompe ?
Quand on a connu seulement la paix, on pense toujours que la guerre, c’est ailleurs. Que la France, démocratie si développée et si sûre d’elle, ne pourrait pas sombrer dans le chaos. Nous avons tort de nous croire différents de la Syrie et de l’Ukraine. La paix et la démocratie sont des miracles fragiles qui ne survivront probablement pas dans un monde à +3°C. Ne pas agir aujourd’hui face au péril environnemental, c’est préparer la guerre.