Une révolution libérale, véritable, couve en France et ailleurs dans le monde: le peuple se mobilise pour une éthique du capitalisme.
En mémoire de mon père, Ngo Manh-Lan (1931-2012), patriote vietnamien, idéaliste révolutionnaire, humaniste, mort pour la patrie
Fidèle et participatif lecteur de Médiapart sous son nom francisé de Michel Nolant
Plusieurs faits divers de la vie quotidienne, à la fois issus de mes expériences personnelles et rapportés dans les médias, m’ont fait prendre conscience que le peuple est en train de se révolter, de manière insidieuse ou plus ouverte en témoignant, contre les élites politiques, économiques, intellectuelles envers lesquelles ils nourrissent au fond de leur cœur du ressentiment et de la haine. Le peuple français n’en peut plus de ces élites qui se présentent sous des oripeaux moraux, invoquant les valeurs républicaines des Droits de l’Homme, de la justice, de l’égalité, pour se comporter dans la vie quotidienne comme des pervers narcissiques manipulant les liens interpersonnels dans le but de susciter des rapports de rivalité et de compétition, provoquant l’envie, la jalousie, la haine, la xénophobie, entre collègues, amis, voisins jusque dans la famille.
Le Big Brother, l’œil omniprésent et omnipotent qui surveille et manipule les moindres faits et gestes du peuple travailleur, que l’on croyait caractéristique des seuls régimes totalitaires, est ici et là, à côté de chez soi, au travail jusque dans la famille, dans le pays des Droits de l’Homme qu’est la France comme aux Etats-Unis, en Chine, au Vietnam. Le réseau social Facebook est à cet égard un formidable outil de surveillance digne des pires régimes totalitaires, dans la mesure où il fait passer le « Big Brother » pour un « ami », lequel en réalité, n’est autre qu’un ennemi potentiel en puissance dans des sociétés happées par les élites dans un système capitaliste sans éthique, régi par des rapports de rivalité et de compétition pour obtenir le statut, l’argent et le pouvoir. Tout ce qui se donne à voir par nos « amis » Facebook est faux, mis en scène, manipulé pour offrir la meilleure image de soi-même, de son institution, de son entreprise. Tout sur Facebook est là pour faire émerger le narcissisme qui pervertit. Autrement dit, Le bonheur incarné qui souvent, masque une réalité plus sombre, voire un cauchemar. On ne doit pas par exemple se leurrer sur l’ouverture du Vietnam, régime totalitaire, à Facebook. Le réseau social fonctionne comme un pervers narcissique tel qu’il est décrit ci-dessous. On n’expliquerait pas autrement les suicides des plus vulnérables, dont beaucoup d’adolescents à un âge où ils construisent leur identité dans le regard des autres, victimes de manipulation, de harcèlement, de menaces, y compris de mort.
Le philosophe Michel Foucault nous avait déjà prévenu dans son ouvrage, Surveiller et punir (Paris, Gallimard, 1975).Le Big Brother parle beaucoup, joue avec les mots, maniant avec brio l’humour et l’ironie, se pare du meilleur et de la moralité pour mieux dénoncer ses rivaux, nous charme, nous séduit, nous attache, nous harcèle, s’excuse, pour satisfaire sa soif narcissique et mégalomaniaque de pouvoir personnel. Sous de beaux habits, se cache un pervers narcissique, sexuel, pédophile en puissance, et qui plus est corrompu. A son corps défendant. Ses instincts les plus vils de puissance sont d’autant plus forts qu’est son impuissance sexuelle, d’autant plus angoissante qu’elle rejette à sa figure la puissance virile qu’il veut donner à voir à l’heure où la société de consommation célèbre le sexy et le porno chic.
Manoeuvrant dans une vie souterraine-la face cachée et secrète de sa vie publique et officielle dans son apparence glorieuse-, le pervers narcissique est un pauvre type qui à force de manipuler et harceler, s’attire la haine des autres, en devient angoissé, paranoïaque, vivant dans la peur d’être démasqué et des représailles. Les pervers narcissiques se trouvent dans les familles, les entreprises, les institutions publiques de l’Etat telles que l’Ecole laïque et républicaine, les universités, les hôpitaux, les cabinets ministériels jusque dans les théâtres, le cinéma, les opéras: l’envers du rêve, républicain, le cauchemar en réalité. Face à leurs agissements, beaucoup d’entre nous ne comprennent pas ce qui nous arrivent, tombent dans la dépression ou croient qu’ils délirent. Le système entendu comme les institutions de l’Etat, s’empresse de nous enfermer dans des hôpitaux psychiatriques où nous sommes pris en charge par le même type de pervers narcissiques, ceux-ci s’attachant par une forte dose de médicaments, à nous affaiblir pour nous empêcher de comprendre la mésaventure kafkaïenne qui nous est un jour tombée dessus…comme par hasard. Prisonniers à vie. Au nom de l’intérêt d’Etat…lequel n’est autre que l’intérêt des élites politiques, économiques, culturelles, de préserver la face officielle et publique de l’Etat, garant de son autorité et de sa légitimité lesquelles n’ont de réalité qu’idéologiques, c’est-à-dire aucune réalité. Les sifflets du peuple contre François Hollande en ont été récemment les manifestations les plus flagrantes. En Occident comme en Orient qui ne s’opposent qu’en principe et en théorie, mais dont les élites sont en réalité de connivence pour accumuler et partager argent et pouvoir entre soi sous les plus beaux oripeaux de la démocratie universelle. Manipulant le système et en son sein les relations interpersonnelles, ces pervers narcissiques expriment ainsi leur soif de puissance toute infantile.
On n’expliquerait pas autrement pourquoi l’histoire passée et présente des Etats et des sociétés, dans le monde entier, quelque soit leurs idéologies et leur régime, est constituée d’une multitude de faits divers sordides et scabreux -disparitions, suicides, cambriolages, explosions, « erreurs médicales », accidents…, tous autant mystérieux les uns que les autres. L’explication se trouve dans l’Histoire, pas celle qui est nationale, mais celle secrète de la manipulation, provoquant une peur permanente, des angoisses, mais aussi du ressentiment* et de la haine menant à des représailles en l’absence d’un véritable Etat de droit, garant d’une justice indépendante au-dessus des réseaux de relations par lesquelles les élites qui dirigent, soignent, éduquent, se tiennent les coudes et se maintiennent au pouvoir. On expliquerait ainsi toutes ces affaires sordides qui ont fait la une des journaux, de Strauss Kahn et du banquier Stern à Bo Xilai. On expliquerait la multitude de faits divers tels que « l’affaire Gregory », « les disparues de Perpignan », « l’affaire Dupont de Ligonnès ». On expliquerait l’assassinat des deux journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon. au Mali, là où l’Etat français fait la guerre, par une possible connivence des Etats, comme l’a suggéré un des internautes du Monde. Mais selon l’expression de l’historien Prasenjit Duara, ce sont des « histoires réprimées » par les Histoires nationales et officielles constituées par des élites de connivence avec le système, soucieuses de préserver leur statut et leurs privilèges. Sous jacente la menace perfide, à peine voilée : « si tu parles, je te tue ».
Ces élites sans foi ni loi, font des Etats et des institutions en apparence aussi glorieux les uns que les autres, de véritables voyous et meurtriers en puissance se cachant sous les beaux habits de l’idéal démocratique. On n’expliquerait pas autrement les affaires Wikileaks et Snowden. On a récemment découvert que l’Amérique d’Obama, symbole de la démocratie et des Droits de l’Homme, écoutait et espionnait ses alliés français et européens. Cela en dit long sur la confiance qui règne entre les Etats alliés dits démocratiques.
Face aux Etats et à leurs élites du monde entier, de connivence, en France, aux Etats-Unis, en Chine, au Vietnam, le peuple-citoyen se révolte avec toute son intelligence, avec les mêmes armes que ces élites détestées du système-en manipulant, en maniant avec perfidie l’ironie et l’humour, en mettant en scène, se délectant dans sa toute puissance infantile retrouvée. Comme au théâtre, la vie telle qu’elle a été façonnée par les élites d’un système capitaliste sans éthique, n’est que mise en scène et bouffonnerie. Le problème, c’est qu’elle fait des ravages, détruit, isole les individus les uns les autres, les rend plus que jamais de nos jours déprimés et malheureux. Il est vrai que les élites sont aussi déprimées et malheureuses, et connaissent elles aussi maints malheurs inexpliqués.
Contre la perversité et le cynisme au quotidien où comme les élites, chacun fait de la politique en manipulant les réseaux de relations pour assouvir son désir irrésistible et son rêve de statut et de reconnaissance, avec dans le meilleur des cas, l’argent et le pouvoir, le peuple en France, tel que je l’ai observé et expérimenté, se met à faire le politique, en reconstituant au quotidien le lien social par des manifestations de courtoisie, d’empathie, de sympathie. J’ai constaté le même phénomène en Chine, probablement un héritage de l’humanisme confucéen, le ren (仁), où chacun se doit de respecter l’autre en faisant preuve d’empathie et de sympathie dans un ordre social prédéfini et réglé par des rites. J’ai par exemple également observé ce phénomène récemment à un magasin H&M lors de la vente de la collection capsule Isabel Marant. En espérant que la sociabilité se poursuive, si affinités, par l’amitié et l’amour à partir de liens de confiance façonnés dans la durée.
Une révolution libérale, véritable, est peut-être en marche. Le peuple s’émancipe des pervers narcissiques. Grâce au travail d’information des journalistes, à leurs risques et périls, le peuple est de moins en moins dupe. Il peut se défendre et faire advenir un véritable Etat de droit, émancipant les citoyens du panier de crabe que sont les réseaux de relations personnelles pour garantir une véritable liberté individuelle et collective dans une société de confiance, favorable à la création, à l’innovation et in fine à la compétitivité dans sa dimension éthique, réglée et régulée. Car il n’y a de rien de pire que l’envie, la jalousie, la haine qui animent des élites en constante compétition les unes par rapport aux autres, recherchant en permanence la confirmation de leur toute puissance infantile dans le regard des autres, pour tuer la création et l’innovation. Le peuple aime le capitalisme dans son mirage, mais pas le capitalisme sauvage des élites. Il demande que le capitalisme ait une éthique. Peace and Love, paix et sérénité, à l’intérieur comme à l’extérieur. Telle est la mondialisation rêvée et espérée par le peuple. Grâce à lui, les Etats parviendraient à leur maturité et se débarrasseraient de leur caractère infantile, facteurs de guerres et de conflits perpétuels. Tel est le « rêve des Chinois ». Tel est le rêve de nous tous. Plus que jamais, nous demandons plus d’éthique, de sérénité et de paix dans les relations sociales. Voilà le progrès.
Dans son ouvrage L'Ancien Régime et la Révolution, Alexis de Tocqueville, historien du XIXe siècle, avait justement montré que l'envie, la jalousie, la haine, des bourgeois vis-à-vis de la noblesse ancienne, étaient les véritables origines de la révolution française de 1789. Avec de tels sentiments, une véritable démocratie digne de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, pouvait difficilement être inventée et créée par ces nouvelles élites s'attachant à reproduire la société de privilèges de l'Ancien Régime. Mais il n'est jamais trop tard pour être vraiment libre.
Peuples-citoyens du monde entier, mobilisons-nous pour un véritable de Etat de droit, facteur de liberté et de bien-être, dans la paix et l’harmonie universelles. Ceux qui ont voulu réaliser ce rêve et qui se sont heurtés à la sombre et macabre réalité des Etats voyous d’Occident et d’Orient, ont payé le prix de leur vie. Il ne faut pas avoir peur et les laisser faire. Pour faire cesser le cauchemar et faire advenir un monde plus humain, agissons, écrivons, parlons, parlons-nous dans la transparence, en toute sincérité, là où on le peut, pour aider ceux qui ne peuvent pas, prisonniers à leur corps défendant d’un système pervers et totalitaire. On aura ainsi tous moins peur. On progressera dans la confiance. Le monde pourra enfin être véritablement moderne et civilisé au lieu d’être sauvage comme il l’est aujourd’hui.
*pour reprendre une analyse lumineuse de l’historien Marc Ferro, Le Ressentiment dans l’Histoire : Comprendre notre temps, Paris, Odile Jacob, 2007
Foucault, Michel, Surveiller et punir : naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1993, réédition
De Tocqueville, Alexis, L'Ancien Régime et la révolution, 1ère édition: 1856, réédition en poche, Paris: Gallimard, 2001
De Villiers, Gérard, S.A.S
Duara, Prasenjit, Rescuing History from the Nation, University of Chicago Press, 1997
Gauchet, Marcel, « Les Droits de l’Homme ne sont pas une politique », Gallimard, Le Débat, 1980, n° 3 pages 3 à 21. ISSN 0246-2346., www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=DEBA_003_0003 (PDF)
Ngo Thi Minh-Hoang, Doit-on avoir peur de la Chine ? Le communisme chinois et l’Occident, La Tour d’Aigues, L’Aube, 2013
Ngo Thi Minh-Hoang, « De la liberté en Chine », Le Débat, Paris, Gallimard, 2013/1, no. 173, p. 78-87.
Films :
The Touch of Sin (天注定), par Jia Zhangke, 2013
Black Swan, par Darren Arofnofsky, 2011 (Voir notamment la critique de film sur ce blog)