Thibault Leblanc

Abonné·e de Mediapart

1 Billets

0 Édition

Billet de blog 18 août 2018

Thibault Leblanc

Abonné·e de Mediapart

Un président discrédité par la gauche populaire mais sans alternative claire

Bientôt les amFis, l'occasion de faire un bilan du mouvement et dresser les perspectives.

Thibault Leblanc

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Comme je ne pourrais pas m'y rendre je vais développer ici ce qu'on peut tirer de cette première année politique.


1) Un président de la République discrédité ...

En à peine un an, Macron a consommé une bonne partie de son capital politique dans des réformes que les français.e.s n'ont jamais souhaité durant des présidentielles pendant laquelle le coût de la vie et le chômage était pourtant au centre du débat politique. Loi travail, sélection à l'université, loi ferroviaire, réfugiés ou glyphosate sont d'autant de mesures qui ne correspondaient pas aux attentes des français.e.s voire qui vont à leur encontre. L'argument de la légitimité de l'action politique scandé par le gouvernement est de fait battu en brèche depuis le hold up de Mai 2017 qui vit s'opposer le cancer et le sida, alors qu'on attendait du futur président qu'il recentre son action politique pendant son mandat. De plus les différentes affaires et notamment le plus spectaculaire "le scandale Benalla" mis au grand jour un insoumis, n'en finit pas d'écorner l'image d'un président qui s'est pourtant présenté comme rempart contre les extrémistes. 
La suppression de l'ISF et le train de vie de l'Elysée (vaisselle de luxe, avantages en nature et financier de la compagne du Président, népotisme au gouvernement, piscine à Brégançon ...), et en même temps sa politique sociale classiste (diminution des aides sociales, effritements des normes handicap, racisme d'Etat) achèvent la popularité du président et permet de dessiner un chef de l'Etat ne protégeant que les intérêts des puissants : Macron est le Président des Riches.


2) ... alimenté par la gauche populaire ...
Le premier objectif des insoumis.e.s - démasquer le discours social-libéral comme politique anti-sociale et autoritaire - est de fait rempli. Ce n'est pas tant sur les scandales, les fautes de communication ou des faits divers que l'opposition s'est structuré initialement, mais bien sur sa politique sociale. Telle est donc la première victoire politique contre la Macronie. Une victoire politique car notre courant politique revient de loin après une traversée du désert de plus de 5 ans. 
Entre 2012 et 2017, l'opposition politique initiale face à François Hollande, pourtant un autre président des riches, se structurait d'abord sur "son manque d'ambition", d'être "mou", "de ne pas aller assez loin dans la libération des énergies", d'être "laxiste dans la lutte contre le terrorisme", de trop "ménager la chèvre et le chou". Se dessina alors une alternative radicale au Hollandisme incarnée par Emmanuel Macron : libéralisme revendiqué et autorité de l'Etat assumé. 
Sous Macron, les antagonismes de classe se manifestent violemment après un premier réveil au printemps 2016, au point où tous les partis politiques d'opposition sont contraints d'adopter une posture marxiste pour être crédible en tant qu'opposant. Le Parti Socialiste a regauchisé son discours et même la droite et l'extrême-droite sont sommés de prendre en compte la question de la compression des salaires dans un contexte d'augmentation du coût de la vie : La locomotive de l'opposition politique est la France Insoumise. Notre opposition jouit également d'une base solide qui la dépasse. Hégémonique à gauche, la France Insoumise est même le deuxième parti politique préféré des électeur.rice.s de Marine Le Pen en 2017. (et la réciproque est fausse).
La position de leadership de l'opposition politique s'inscrit même dans le paysage syndical au point où ce ne sont plus les partis politique de gauche qui sont accusés de ne pas s'appuyer sur le mouvement syndical comme fut le PS ou le PCF, mais bien les directions syndicales accusées de ne pas être assez radicaux dans leurs luttes par les acteurs et sympathisants de la France Insoumise ainsi que les bases militantes syndicales.
Quand le gouvernement et les médias affirment que Jean-Luc Mélenchon a échoué à faire tomber le président de la République lors des manifestations d'Automne 2017 et du Printemps 2018, c'est déjà autant un aveu de faiblesse que lorsque le président, seul français irresponsable judiciairement, somment les français.e.s de venir "le chercher". Le "point" en terme de destruction du modèle social français revient sans aucun doute à Macron ; à la responsabilité de chacun de se gargariser de ses "victoires".


3) ... mais ne représente pas encore une alternative. 
Les enquêtes d'opinion cumulées montrent que nous sommes de bon opposants mais pas de bon alternants. Mais nous aurions tort d'en rougir car si nous ne devons pas écarter l'insurrection révolutionnaire et citoyenne comme modalité de renversement du pouvoir en y accordant un soutien logistique et militant, notre temporalité politique doit aussi s'appuyer sur un agenda réformiste - jouer le jeu des institutions de la 5e République - plus à même de mener la guerre culturelle contre le libéralisme et les institutions qui se prétendent garant de la paix sociale. Ainsi dans le cadre strict de la démocratie Française, en un an seulement, nous sommes déjà en avance sur cet agenda réformiste. 
N'ayant pas la maitrise de la temporalité politique contrôlée par le gouvernement et la météo éditoriale, à cause de l'enchainement stakhanoviste des réformes libérales, et la hiérarchisation de l'information par les médias les plus regardés par les Français.e.s, nous peinons à développer un discours alternatifs au delà du cercle militant. C'est pourquoi il faut s'adapter à cette temporalité et la détourner à notre avantage. Les élections européennes arrivant, il faudra éviter de tomber dans le piège de la Macronie et des fédéralistes qui visent à établir la confusion entre notre projet politique et celui du Front National. Dans cette confusion créée par les libéraux il est plus probable de se faire siphonner au profit du FN que l'inverse. La campagne des européennes n'est pas une élection nationale. Elle ne doit donc pas être menée sur une stratégie de "vote sanction" contre la politique du président de la République, mais contre la politique européenne globale : libre-échange, concurrence, privatisation, droits sociaux au rabais et délocalisations. C'est en faisant porter le chapeau à l'Europe (à raison) et non à François Hollande, que le Front National s'est imposé comme premier parti de France en 2014, avec un score très élevé chez les jeunes. Les élections européennes doivent être l'occasion de politiser l'Europe avec un programme pour l'Union aussi complet que fut l'Avenir en Commun, tant sur la question sociale et économique (harmonisation fiscale et sociale), que sur la géopolitique européenne (non alignement avec les sanctions américaines, refus de la constitution d'une armée commune). De ce fait nous devons faire valoir que la France Insoumise est le seul mouvement à avoir un programme politique international avec d'autres mouvements politiques au sein de l'Union. Nous devons mettre en évidence que le projet politique de la commission européenne n'est pas un projet de progrès économique et social, mais un projet économiquement impérialiste et belliqueux, qui repose sur les mêmes ressorts que le nationalisme, avec la mise en avant de "culture et tradition communes" (le christianisme) et de compétition avec les blocs russophone, asiatique, oriental, africains et sud-américains ; le projet politique des fédéralistes, c'est le nationalisme à l'échelle de l'Europe : le supranationalisme. L'émergence des mouvements d'extrême-droite identitaires comme "Defend Europe" atteste également d'un virage idéologique à l'extrême-droite qui veut faire de l'Union un principal protagoniste du "choc des civilisations" contre l'Orient et l'extrême-Orient. 

Plusieurs axes doivent donc être développés pendant cette campagne : 
- L'Europe de la coopération économique et non de la compétition.
- L'Europe de l'éducation et de la santé, contre l'Europe des lobbys industriels et de l'austérité.
- L'Europe de l'Ecologie politique contre l'Europe du pétrole et du gaz. 
- L'Europe des grandes entreprises publiques et des projets, contre l'Europe de la concurrence et des privatisations.
- L'Europe des hauts salaires et du plein emploi contre l'Europe des travailleurs détachés et du chômage de masse.
- L'Europe du partage des richesses contre l'Europe de la finance et des paradis fiscaux.
- L'Europe de la souveraineté des peuples et garants des droits humains contre l'Europe fédérale supranationaliste et des libertés et des droits publiques à la carte. 
- L'Europe indépendante acteur de la Paix en son sein et à l'extérieur, contre l'Europe des guerres impérialistes et des sanctions économiques.
Bien développer cette campagne est indispensable, plutôt que de miser sur le vote sanction, est un indispensable pour les années à venir, tant le programme des Insoumis.e.s sur la question européenne a été trainé dans la confusion par les fédéralistes. Ce que j'appelle l'Europe du plan A est un préalable à l'Europe du plan B, tant pour démontrer le verrouillage démocratique de l'Union par la bourgeoisie que pour développer le caractère hautement plus désirable d'une sortie sèche des traités européens et développer une autre union internationale. L'intelligibilité et la pédagogie de notre discours doit être supérieure aux facilités de surfer sur une énième affaire du Clan Macron pendant cette période. Ce n'est pas le score final qui compte tant l'importance de ces élections n'est finalement pas décisive. (Le parlement européen n'est de toute façon pas décisionnaire, le seul avantage à tirer de cette élection est de bénéficier d'une autre tribune politique officielle à destination de quelques centaines de millions d'européen.ne.s)
Pour publiciser notre campagne, nous devons nous doter d'une campagne visuelle sur les réseaux sociaux et papiers qui mettent en avant d'abord nos propositions (nous proposons telle mesure contre telle mesure de nos adversaires). Des supports programmatiques doivent être également développés (un livre-programme, site internet etc...), et contre-argumentaires et désintox qui feront sans aucun doute leur apparition de la part des médias, de la Macronie et des "fédéralistes de gauche". Porte-à-porte et meetings dans toute la France devront être menée par nos candidat.e.s et les militant.e.s et la liberté militante des actions des insoumis.e.s doit être garantie. Il ne fait aucun doute que la France Insoumise sera le mouvement politique de loin le plus mobilisé pendant cette élection et notre seule adversaire sérieux n'est pas la République en Marche mais l'abstention qui s'avèrera probablement massive (une abstention forte est la seule manière pour les libéraux de se sortir du marasme politique). Chaque porte-à-porte, chaque bouton de veste, chaque clic sur les internets est donc une voix supplémentaire. 
Voilà donc pour ma contribution et je souhaite à tou.te.s les Insoumis.e.s de bons amFIs sous le soleil Marseillais. 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.