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Docteur vétérinaire Comportementaliste, Président de l'association Agir pour la Vie Animale

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Billet de blog 29 octobre 2021

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Élevages intensifs et abattoirs : Lettre ouverte d’un vétérinaire aux vétérinaires

Après la parution de la dernière enquête-vidéo de L214, tourné dans un abattoir du groupe Bigard, le Dr vétérinaire Thierry Bedossa interpelle ses pairs : si les vétérinaires refusaient de s'impliquer dans des actes de cruauté commis envers les animaux (élevages intensifs, abattoirs centralisés, expérimentation animale, euthanasies de convenance), des millions de vies pourraient être sauvées.

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Infiltration dans un abattoir Bigard (marques Charal Bigard Socopa) © L214

Chères consœurs, chers confrères,

Je vous écris au lendemain de la diffusion de la dernière vidéo-enquête de l’association L214. Dans celle-ci, on voit encore une fois des images insoutenables de barbarie tournées dans un abattoir rituel du groupe Bigard à Cuiseaux (Saône-et-Loire) : des bovins égorgés suspendus encore conscients par une patte à la chaîne d’abattage (sans étourdissement), des fœtus de veaux gisant parmi les panses et les intestins des vaches abattues, et prélevés de leur sang pour en faire du sérum qui sera ensuite vendu à l’industrie pharmaceutique pour les besoins de la culture cellulaire…

Le lanceur d’alerte que l’on voit dans cette vidéo, explique : « Je travaillais pour les services vétérinaires, donc je n’étais pas un salarié de Bigard. Je dépendais du Ministère de l’Agriculture. Les services vétérinaires ont deux fonctions principales dans un abattoir : la première, c’est de veiller à ce que la réglementation en matière de protection animale soit respectée, et la deuxième mission, c’est de contrôler l’hygiène de la viande et de faire en sorte que la viande qui sort de l’abattoir soit propre à la consommation ».

Alors que L214 a lancé une pétition pour réclamer l’interdiction de l’abattage des vaches gestantes et l’abattage sans étourdissement, je veux vous interpeller : vous, vétérinaires d’aujourd’hui et de demain, n’avez-vous pas choisi ce métier par amour des animaux ? N’avez-vous pas rêvé, alors que vous étiez enfant, de soigner des animaux et de leur sauver la vie ? Comment peut-on cautionner ces méthodes si cruelles lorsqu’on pratique ce métier de passion auprès des animaux ?

Alors que j’étais étudiant vétérinaire, j’ai été profondément marqué par les méthodes d’élevage intensif et d’abattage centralisé. Cela a généré chez moi un « déclic » et m’a conforté dans ma décision de protéger le vivant et de lutter contre toutes les cruautés qui lui sont infligées. C’est ce que je m’efforce de faire au quotidien depuis 35 ans, à travers mon exercice de praticien, mais également en ma qualité de fondateur et de président d’association (AVA – Agir pour la Vie Animale). Ce « déclic », je souhaiterais que tous les vétérinaires, mais surtout les étudiants vétérinaires – l’aient aussi.

Élevages intensifs, abattoirs centralisés, expérimentation animale, euthanasies de convenance… Tant de cruautés et d’injustices sont permises avec le concours des vétérinaires ! Si nous ouvrions les yeux, si nous refusions de nous prêter à ces activités qui n’ont plus lieu d’être, alors des millions de vies pourraient être épargnées. 

Ce n’est pas parce que ces actes sont ancrés dans les habitudes, devenus de dramatiques paradigmes, qu’il faut les laisser perdurer. Ce n’est pas non plus parce que le gouvernement et les différents ministères dont dépendent les animaux laissent faire, non sans un certain mépris du vivant, qu’il faut tolérer et nous montrer complices de cet immobilisme.

Nous devons au contraire être la voix des animaux aux côtés de toutes celles et ceux qui les défendent : mettons notre expertise au service des animaux pour faire évoluer leur condition. Éveillons-nous et agissons pour ne plus cautionner ni s’impliquer dans ce qui engendre tant de souffrance !

Chères consœurs, chers confrères, je compte sur votre bienveillance et votre humanité pour sensibiliser, à votre tour, vos pairs, afin de construire, ensemble, une profession plus éthique et respectueuse de tous les êtres sensibles.

Thierry Bedossa
Docteur vétérinaire
Président d’Agir pour la Vie Animale

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