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Billet de blog 26 août 2025

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Monsieur Le premier Ministre, je vous fais une dette…

Cher Monsieur Bayrou, la nuit qui a suivi votre discours a été troublée par ce danger qui pèse sur nous. J’ai été pris d’un sentiment de culpabilité : comment ça, tu endettes la France en dormant ! Et puis j’ai pensé que d’autres s’enrichissent en dormant, ceux dont la fortune est à la mesure du gouffre auquel je contribue. 

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Monsieur le Premier Ministre,

Cher Monsieur Bayrou,

Vous me permettrez cette familiarité courtoise puisque votre intention était de vous adresser à tous les français dans un souci pédagogique et un geste de rapprochement.

La nuit qui a suivi votre discours a été troublée par ce danger qui pèse sur nous. Chaque heure d’un sommeil qui aurait pu être réparateur a été marquée par le tintement d’une horloge qui résonne comme un glas. Je me retrouvais alors assis au bord du lit comme au bord de l’abîme. Je n’aurais jamais imaginé que mon sommeil puisse générer une dette colossale. De plus, qu’elle continue de l’alourdir, chaque minute avançant, de plusieurs millions d’euros.

Dans votre souci pédagogique, vous avez répété les choses plus lentement et je vous en remercie.

Essayant de chasser le vertige, j’ai tenté de me recoucher mais j’ai été rattrapé  par un problème arithmétique qui traversait mon crâne : combien font cent sept fois mille millions d’Euros?

Comment retrouver le sommeil. Il me restait bien quelque soporifique dans la pharmacie mais n’ayant pas fait de réserve, je crains que cela vienne à manquer ou bien que j’ai à m’endetter en m’en procurant dans un futur proche, ce que vous appelez les dépenses courantes. Je ferai alors un emprunt pour participer à la bonne santé des laboratoires.

J’ai été pris d’un sentiment de culpabilité : Comment ça, tu endettes la France en dormant ! Et puis j’ai pensé que d’autres s’enrichissent en dormant, ceux dont la fortune est à la mesure du gouffre auquel je contribue. Dorment-ils paisiblement ? Je l’ignore. La course à l’endettement est peut-être aussi vertigineuse que la course à l’enrichissement. Je suppose que la jouissance et l’excitation que procure cette dernière est à la mesure de mon niveau d’abattement. En ce qui me concerne, la perte de sommeil a aussi effacé les rêves. Il est vrai que vous n’êtes pas responsable du fait que les temps ne sont plus propices à la rêverie.

Sachez, Monsieur Le Premier Ministre, que j’ai pour habitude de compter en dizaines, en centaines d’euros et parfois même en milliers. Au-delà, je n’ai aucune pratique, aucune expérience. Le marché, à mon niveau, est fait de légumes et de fruits. Je ne sais pas où vous vous approvisionnez mais ils deviennent, du reste, forts coûteux. Je n’ai pas eu l’honneur d’être votre élève et en conséquence, j’ignorais que l’on ne peut additionner des carottes et des sèche-cheveux. Et pourtant, c’est ce que je fais chaque fin de mois.

Je sais que d’autres vont aussi sur des marchés auxquels je n’ai pas accès mais j’entends combien ces marchés là sont d’humeur variable. Alors, je compatis aux nuits d’angoisse de ceux qui les pratiquent, qui gagnent ou perdent sans compter. Ils ont l’avantage de ne pas être trop nombreux. Il y a probablement là un phénomène darwinien et on pourrait les remercier de contribuer à la survie de l’espèce quand la masse qui creuse sa tombe avec le déficit aura peu à peu disparue. Auriez-vous, Monsieur Le Premier Ministre, quelque prise sur la charge du « surenrichissement » ? 

Avant de vous quitter, je voudrais vous dire que j’ai été un peu rassuré car vous nous avez dit que vous aviez « Un Plan » et comme vous avez été Haut Commissaire au Plan, je gage que ce sera « un bon plan », du moins pour certains. Je reconnais que votre tâche n’est pas facile et très ingrate mais vous avez la consolation de savoir que les problèmes viennent d’avant. 

Je crains maintenant que s’installe une nouvelle dette chronique… de sommeil.

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