En ces temps de morosité ambiante, je ressens le besoin de me tourner vers les raisons d'espérer, car il y en a encore. Méfions-nous de ne pas noircir le tableau. Il est vrai que notre vigilance citoyenne ne doit pas être prise en défaut, mais il faut savoir observer les choses de manière objective et ne pas rejeter a priori les éléments les plus positifs sous prétexte qu'ils ne correspondent pas à l'ambiance déprimée du moment.
Nous serions au bord de l'abîme. La crise ferait des ravages. Mais nous sommes en crise depuis quarante ans ! Il faut croire que nous sommes d'incroyables équilibristes pour ne jamais tomber dans cet abîme dont nous ne comprenons pas bien à quoi il correspond. Bien sûr, depuis 2008 c'est un peu plus difficile pour la plupart d'entre nous. Mais, objectivement, nous avons connu dans l'histoire des moments plus pénibles. Sans remonter très loin, les années 30 et 40 me paraissent autrement plus terribles que notre époque pacifiée ; la période de Guerre froide qui s'est ensuivie était autrement plus inquiétante que celle que nous vivons (la Corée du Nord n'est pas une menace mondiale...).
Ce qui paraît insupportable aux contemporains semble être justement la crainte d'un retour en arrière qui serait vécu comme une catastrophe par tous ceux qui n'ont précisément pas connu la période antérieure. Rassurons-nous : en histoire, les retours en arrière n'existent pas. Ce que nous vivrons sera forcément différent que ce que nous avons vécu. En revanche, l'histoire est cyclique, c'est-à-dire que la marche continue vers le progrès dans tous les domaines n'existe malheureusement pas. Il est certain que, comme à toutes les époques, nous aurons l'impression d'un mieux dans certains domaines et d'une régression dans d'autres. Le mélange des deux impressions créera une nouvelle époque qui nous laissera le loisir de penser que "cétait mieux avant !" ou qu'au contraire "rien n'arrête le progrès !" Nous passons notre temps à naviguer entre ces deux idées qui ne sont contradictoires qu'en apparence.
Et puis constatons notre chance de vivre de nos jours en Europe : nous avons toutes les libertés d'expression, d'information et de modes de vie que nous souhaitons. L'égalité progresse, doucement mais sûrement. Les élections libres sont garanties. L'Etat de droit est effectif. Contrairement aux apparences, nos sociétés n'ont jamais dans l'histoire étaient aussi peu violentes. Je ne suis pas sûr qu'un Européen échangerait sa vie contre celle d'un Chinois ou d'un Africain. Il y a du bon à vivre en Europe au XXI ème siècle.
Alors bien sûr, l'avenir est inquiétant. Il est inquiétant probablement parce que nous sommes dans une phase transitoire où nous observons les limites du capitalisme, notre insuffisance de gouvernance au niveau mondial alors que l'économie est déjà mondialisée, le défaut d'organisation et de projets communs de l'Europe, et notre incapacité à imaginer concrètement un monde qui produit mieux et qui consomme moins sur une planète aux ressources limitées. Cela fait beaucoup de défis pour notre époque. Raison de plus pour ne pas se lamenter et ne pas perdre de temps avec toutes les futilités dont nous abreuvent les médias. Il faut savoir faire le tri et réclamer aux politiques qu'ils s'attaquent à ces sujets plutôt qu'à d'autres comme le dernier fait divers ou la dernière petite phrase d'un politique quelconque qui invective ses adversaires pour exister médiatiquement.
Le salut passe par la démocratie mais à la condition d'être exigeant avec nous-mêmes autant qu'avec les autres.
Akors, soyons ambitieux, l'avenir ne dépend que de nous !