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Billet de blog 12 janvier 2013

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Gauche contre Gauche

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cette semaine, sur la télévision publique, un débat a opposé deux personnalités politique de Gauche : Jean Luc Mélenchon et Jérôme Cahuzac. Ils sont incontestablement tous les deux de Gauche, et pourtant, ils se sont confrontés sur les sujets économiques et sociaux avec une violence et une pugnacité qui laissent présager d'autres luttes entre ces soi-disant alliés.

Entre les deux bretteurs, on s'attendait à une opposition de styles. On n'a pas été déçus. Entre le tribun utopiste et le technocrate réaliste, pas de compromis possible. L'un, tonitruant comme à son habitude, vitupérant avec fougue les financiers, et assénant des paroles de fraternité et d'espoir à coups de trique ; l'autre, froid et méthodique, sussurant ses mots comme pour prouver sa maîtrise de soi, plaquant ses théories rigoristes sur le mur du réalisme qu'il opposa sans cesse à son adversaire pour mieux le contrer, voire pour mieux se moquer de lui : l'entente était loin d'être cordiale. Ce fut le mérite de cette émission de montrer que ces deux Gauches étaient désormais irréconciliables.

Faut-il se réjouir ou déplorer qu'il y ait une opposition de Gauche à la Gauche de gouvernement ? Après tout, il y a toujours eu plusieurs gauches, d'accord sur rien sauf pour se battre afin que chacune prouve qu'elle est la vraie Gauche. Il semble que les deux combattants aient eu au moins ce point d'accord : ils sont tous les deux de Gauche, mais il y en a une qui est plus efficace que l'autre.

"On n'est pas juste quand on ne tient pas compte de la réalité". Cette phrase de Jérôme Cahuzac résume bien l'état d'esprit du gouvernement actuel de la France. On peut résumer la ligne de conduite du pouvoir autrement : "ce qui pourra être fait sera fait ; ce qui n'est pas possible, ne sera même pas tenté". Affronter l'Allemagne : impossible ; affronter la BCE : impossible ; proposer une nouvelle Europe : impossible ; proposer l'exit tax : impossible ; fusionner l'impôt sur le revenu et la CSG : impossible ; séparer banques d'affaire et banques de dépôts : impossible ; etc.

La Gauche de gouvernement a donc renoncé à changer le monde. Elle gère les conséquences néfastes d'un monde qu'elle ne maîtrise plus depuis longtemps. Elle gère de manière plus juste que la Droite, il est vrai. On peut lui en savoir gré. Mais un sentiment d'amertume nous envahit tout de même en voyant ce bon gestionnaire qu'est monsieur Cahuzac, face à l'utopiste forcené qu'est monsieur Mélenchon, car nous avons la certitude que les postures qu'ils nous ont infligées ne changerons jamais, que la Gauche au pouvoir subira toujours les transformations brutales du monde et que la Gauche utopiste n'arrivera jamais au pouvoir car elle fait peur à trop de monde.

Le réalisme l'emporte toujours face à l'utopie. Mais l'utopie a ce mérite, c'est qu'elle ne meure jamais et qu'elle taraude toujours l'esprit du réaliste qui se sent obligé parfois de concéder du terrain à l'utopie. C'est ce qu'on appelle le progrès social.

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